~ Chapitre 3.11 ~

95 2 1
                                    

Sur le chemin pour aller chercher à manger, j'ai pris une demi-seconde pour faire la comparaison, et j'ai réalisé que je me sentais beaucoup plus à l'aise avec Julien que je ne l'avais été avec Ugo. J'espérais que lui aussi, il se sentait bien avec moi, même si la situation n'avait sûrement rien d'inédit pour lui.

Alors qu'on longeait la rue parallèle au Champ de Mars, j'ai demandé à Julien ce qu'il faisait dans la vie. Il fallait bien qu'on aborde les questions classiques du premier date. Julien m'a alors répondu qu'il me l'avait déjà dit dans nos tout premiers messages. « Non mais pour de vrai » je lui ai dit en repensant à son embobinage avec les pandas roux. Il a fini par avouer qu'il n'était pas éleveur de pandas, certes, mais que la seconde partie de son message était vraie. La seconde partie de son message ? Qu'est-ce qu'il me racontait ? Il ne voulait me donner aucun indice, quelle tête de mule ! Alors j'ai dû retourner sur Bumble - que je n'avais pas ouvert depuis des jours - pour remonter le fil de notre conversation étant donné que je ne voyais absolument pas où il voulait en venir. J'ai fini par tomber sur son Peut-être que je suis vraiment éleveur de pandas roux la nuit et courtier en bourse le jour. Je l'ai alors interrogé du regard, et c'est alors qu'il m'a confirmé qu'il travaillait bien dans la finance. Les actions. La bourse. Tout ça. Julien est broker. 

Ne me redemandez pas ce en quoi ça consiste, mes explications risquent d'être toujours aussi bancales que la première fois et en plus, on venait d'arriver devant le petit restaurant asiatique de la rue Saint-Dominique. J'étais toute contente d'emmener Julien chez Phô ; c'est probablement mon restaurant préféré. La devanture ne paye pas de mine, mais c'est le meilleur du quartier. Personne ne sait si le restaurant s'appelle vraiment Phô parce qu'il a changé de nom à plusieurs reprises au cours des quatre derniers mois. 

À notre retour à l'appartement, on a dressé un semblant de couvert sur la table basse du salon. Julien s'est installé sur le canapé, celui face à la Tour Eiffel cette fois, et je me suis assise en tailleur sur le parquet, juste à côté de lui. Mon genou effleurait son mollet. Si seulement j'avais su que, sous son jean, exactement à cet emplacement, un tatouage de plus se cachait...

Julien a pris du riz avec du bœuf à la thaïlandaise et moi, une soupe et des crevettes avec une sauce orange non identifiable. Le résultat était sans appel : elles m'ont arraché la bouche, quel enfer. Julien les a lui-même goûtées pendant que je me suis précipitée dans la cuisine pour me resservir un troisième verre d'eau. Je m'attendais à ce qu'il aille dans mon sens, mais non, il m'a lancé qu'elles ne piquaient pas du tout - la bonne blague. Quand je suis revenue, toujours la bouche en feu, il m'a proposé de goûter son plat, mais il m'a suffit de poser mes lèvres sur sa fourchette pour réaliser que le sien était encore plus pimenté. Julien m'a souri du coin de l'œil quand il a compris que j'avais délaissé le parquet pour me faufiler sur le canapé, peut-être un peu trop proche de lui...

Pendant qu'on terminait de dîner, Julien m'a demandé s'il pouvait me faire écouter d'autres chansons de Nekfeu. Je lui ai alors tendu mon portable pour qu'il lance 1995 sur les enceintes. L'ambiance qui régnait dans la pièce était indescriptible. Julien s'est alors mis à me raconter que Nekfeu avait été membre du groupe 1995 avant de se lancer dans une carrière solo. Il m'a expliqué ne pas être trop fan des sons que Nekfeu avait sortis récemment parce qu'il aimait mieux les instrus jazz de 1995. Ah d'ailleurs, si vous aussi vous avez lu « mille neuf cent quatre-vingt-quinze », sachez que ça se prononce « un neuf neuf cinq ». Ne vous en faites pas, je n'en savais rien non plus, c'est Julien qui me l'a dit. 

En toute subjectivité, Julien a de bons goûts musicaux. La proximité de nos années de naissance fait qu'on a quasiment toutes les mêmes références. On a en commun dans nos playlist les Evanescence, Linkin Park, Avril Lavigne, Maroon 5 de notre adolescence. C'est vraiment ce soir-là, ce soir de notre premier date, que Julien m'a initiée au rap français. Je ne les aimais pas toutes, mais à chaque fois que j'entendais une chanson qui me plaisait, je lui reprenais mon téléphone des mains pour l'ajouter à mes favoris. Une fois ma soupe terminée, j'ai fini par créer une playlist avec toutes les musiques qu'il m'a faites écouter. 

« J ». C'est comme ça que je l'ai nommée. C'était la playlist de notre première soirée.

On associe tous des chansons à des moments de nos vies. Le cerveau doit être câblé comme ça, pour sceller nos souvenirs dans des musiques. C'est beau parce que quand les souvenirs s'érodent, les chansons auxquelles ils sont associés se chargent de les raviver. Si vous saviez le nombre de chansons que j'écoute aujourd'hui encore en espérant qu'elles finiront par redonner vie à la poussière du souvenir qu'il me reste de Julien. 

Vous avez atteint le dernier des chapitres publiés.

⏰ Dernière mise à jour : Feb 19 ⏰

Ajoutez cette histoire à votre Bibliothèque pour être informé des nouveaux chapitres !

La Fille du livreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant