~ Chapitre 1.12 ~

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Malgré la tentation. Malgré l'envie. Malgré son cerveau qui était à un fusible de tout faire disjoncter pour céder à son impulsion de l'embrasser, Stella avait tourné le dos à Julien. La raison l'avait emporté. Il avait alors parcouru ces quelques centimètres qui séparaient leurs corps. Julien avait enlacé la taille de Stella en la serrant très fort pour qu'elle colle la chute de ses reins contre lui. Il savait qu'à défaut de laisser leurs lèvres se retrouver, il pouvait au moins lui donner ses bras pour la réconforter.

Il était 7 h et Julien ne dormait plus. Le jour n'était pas encore levé et il était loin d'avoir atteint son quota de sommeil, mais quelque chose de plus fort que lui l'avait réveillé. Ses yeux étaient tombés sur le corps de Stella étendu sur les draps. Elle avait cette mine apaisée et sereine. Ce calme tranquille que l'insouciance de la nuit et la présence de Julien lui procuraient. Il avait dégagé une mèche de cheveux qui tombait sur son visage. Ses doigts s'étaient mis à dessiner les contours de ses pommettes et de son cou. Ils étaient descendus sur ses clavicules qu'il sentait à travers son t-shirt en faisant des allers-retours le long de ses bras. Stella était toujours plongée dans un demi-sommeil, à mi-chemin entre la clarté de l'éveil et la vacuité de l'inconscience.

— Tu ne fais plus dodo ? a-t-elle fini par chuchoter en venant se blottir contre lui.

Julien avait continué à caresser ses cheveux en souriant.

— J'ai trop envie de toi, ça m'empêche de dormir.

Stella s'était un peu plus rapprochée de Julien en poussant un soupir désabusé. Elle n'en pouvait plus de résister à cette tension qui les aimantait depuis des heures. Traversé par un élan d'impatience, Julien avait alors pris appui sur le matelas avec ses poings pour se surélever. En sentant la situation lui échapper, Stella avait refermé ses yeux, mais l'image du visage de Julien suspendu dans le vide restait figée derrière ses paupières. Elle sentait son souffle se rapprocher. Elle devinait sa bouche à quelques centimètres de la sienne. Il hésitait. Stella le savait. Elle avait envie qu'il ne lui demande pas la permission, qu'il l'embrasse sans obtenir son consentement et qu'il commette pour eux deux une nouvelle infraction.
Après d'interminables secondes, Julien a timidement posé ses lèvres sur les siennes. Il a attendu que le visage inerte de Stella réagisse. Elle a fini par ouvrir les yeux pour planter son regard dans le sien avant de lui rendre son baiser avec un empressement qui traduisait toutes ces heures de tentation qu'elle s'était efforcée de contenir, mais que ni la nuit, ni le sommeil, ni leur volonté n'avaient réussi à tempérer. Même après avoir passé la soirée et la nuit ensemble, Julien et Stella savaient, sans même avoir besoin de se le dire, que c'était à cet instant, quelque part entre 7 et 8 h, qu'ils venaient vraiment de se retrouver.
Pourtant, dans un sursaut de lucidité, Stella avait fini par repousser Julien pour freiner l'urgence de leurs corps qui étaient en train de s'emballer. Elle s'était réfugiée dans son cou pour qu'il cesse de l'embrasser. Stella savait qu'en continuant, ils s'aventuraient sur un chemin sans retour en arrière possible.

— Je m'étais promis de ne pas le faire, a-t-elle murmuré d'une voix presque inaudible.

Une partie d'elle aurait aimé que Julien ne l'entende pas et qu'il continue à l'embrasser jusqu'à lui enlever ce fichu t-shirt. Mais il l'avait parfaitement entendue. Alors il s'était arrêté à l'instant où il avait compris que les remords par anticipation de Stella l'avaient rattrapée.

— Je suis désolée, a soupiré Stella en fronçant les sourcils de frustration.

— Ne le sois pas, lui a répondu Julien en la prenant à nouveau dans ses bras.

— Je suis complètement coincée entre mon envie parce que ça pourrait être la dernière fois et ma peur parce que je ne veux pas que tu partes après avoir obtenu ce que tu voulais.

Stella aurait tellement aimé que Julien lui dise qu'il ne comptait pas s'en aller. Qu'il n'allait pas la laisser. Qu'ils pouvaient faire tout ce qu'ils voulaient sans qu'elle ait à avoir peur qu'il soit en train de l'utiliser pour satisfaire une pulsion éphémère. Elle avait juste besoin d'être rassurée. Mais Julien ne lui avait rien dit de tout ça. Il s'était contenté de répondre « Je comprends ». Stella en avait déduit que lui dire qu'il ne la laisserait pas était une promesse qu'il ne pouvait pas lui faire. Parce qu'il savait déjà qu'il ne pourrait pas la tenir. Alors il la laissait décisionnaire pour ne pas avoir à lui mentir.

Julien avait envie d'elle. Bien plus que son silence ne le laissait paraître. Mais il avait aussi fait un pacte avec lui-même : il refusait de devenir pour Stella l'homme auquel elle penserait dans des années en se disant qu'il s'était servi d'elle ce matin de février. Alors il s'était contenté d'un « Je comprends ». Même s'il vivait au présent de la seconde. Même si les remords n'existaient pas dans son monde. Briser Stella une fois de plus, ça, il ne se le pardonnerait pas.

La Fille du livreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant