Chapitre 1 - Partie 2 - Installation sur Terrumbra

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Aélyia avait accepté de devenir mon assistante, et son frère et elle habitaient désormais dans le palais royal. Si pour l'instant elle ne m'avait pas été d'une grande aide en matière de potions, son calme et sa douceur m'avaient apaisée à plusieurs reprises.

***

Encore une fois, j'avais cédé aux caprices d'Aélyia. Nous venions d'atterrir avec l'Argentus au beau milieu de la place publique en marbre blanc de Laïa. Dès que j'avais foulé le sol de cette désagréable planète, j'avais rabattu la capuche de ma cape, seule chose qui pouvait me protéger de toute cette clarté meurtrière. Je demandai à Aélyia en grommelant :

— Rappelle-moi pourquoi nous sommes ici...

Elle tourna la tête vers moi, et déclara avec joie :

— Nous voulions voir Mylena car elle pourrait avoir des connaissances botaniques intéressantes !

— Tu voulais voir Mylena, corrigeai-je, sur un ton de reproches.

Son enthousiasme me dépassait et je ne désirais qu'une seule chose : rentrer au plus vite.

— Sinistra, c'est pour ta potion que je le fais.

— Cette prétendue déesse ne peut pas m'aider !

Je n'avais guère apprécié les quelques échanges que nous avions eus avec Mylena, encore moins le moment où elle avait planté ses pics de glace dans mes bras. Mes muscles se contractèrent à cette pensée douloureuse ; si Angie n'avait pas été là pour me soigner juste après, j'aurais conservé des séquelles à vie de ces blessures. Je n'aurais jamais pu brandir une dague...

— Tu ne sais pas encore, me coupa Aélyia, poursuivant son argumentation futile. En attendant, profite de la beauté de cette planète.

C'était à se demander si elle était véritablement originaire de Terrumbra. Comment aimer cette luminosité aveuglante lorsque les ténèbres si suaves formaient notre quotidien ? Nous commençâmes à nous diriger lentement vers le palais royal dénué de couleurs qui dominait le paysage du haut de sa colline. Nous foulions le sol d'allées en marbre blafard, jonchées de petits arbustes aux boules rouges. Nous étions entourées par des maisons en pierres polies blanches, dont les toits avaient été peints de cette même couleur. Laïa avait radicalement changé au cours de ces derniers mois et j'aurais presque préféré qu'elle restât une planète à l'abandon.

Je jetai un coup d'œil à Aélyia, qui était, elle, émerveillée par ce paysage. Ses magnifiques yeux noirs de jais brillaient d'extase et ses mains pâles étaient jointes devant elle, comme si elle était submergée par les émotions. Laquelle de nous deux était anormale ? Moi qui ne parvenais pas à apprécier ces teintes lumineuses ? Ou elle qui reniait son héritage pour vénérer le culte de la lumière ?

Ma réflexion et l'émerveillement d'Aélyia furent interrompus par l'arrivée d'une femme qui semblait bien plus jeune que moi, alors qu'en réalité elle devait avoir vingt ans de plus. Ses cheveux blonds étaient soyeux et coiffés avec extravagance en trois tresses reliées entre elles par un ruban turquoise qui s'accordait à merveille avec ses yeux de la même couleur. Ses lèvres étaient rouge sang et contrastaient parfaitement avec sa peau aussi blanche et lisse que la neige. Elle avait une longue robe blanche en satin brillant avec des diamants sur le col et les manches. Aucun rapport avec la vagabonde que nous avions croisée, à peine deux mois auparavant. Même son caractère renfermé semblait s'être volatilisé, car ce fut avec un large sourire et un ton affectueux qu'elle s'adressa à moi :

— Bonjour Sinistra ! C'est un plaisir de te voir ici !

Puis elle aperçut Aélyia et elle poursuivit, d'une voix toujours aussi mielleuse :

— Qu'est-ce qui me vaut l'honneur de votre présence ici ?

J'étais trop abasourdie pour répondre tant la nouvelle Mylena me sidérait. Comment avait-elle pu devenir aussi charmante et hypocrite en si peu de temps ? La dernière fois que nous l'avions vue, elle parlait mal et sèchement, et elle avait refusé de nous aider à réunir les planètes. La fois d'avant, elle nous avait jeté à la figure des blocs de glace et elle m'avait fait vivre un calvaire que je ne parviendrais jamais à oublier.

Je n'arrivais pas à concevoir qu'une personne pouvait tant changer en l'espace d'à peine deux mois. Après avoir entièrement recréé sa planète, Mylena s'était transformée en une princesse superficielle aux mimiques qui m'exaspéraient déjà. Devant mon étonnement et mon absence de réponse, Mylena déclara :

— Je sais ce que tu penses, Sinistra. Tu crois qu'un tel changement n'est pas possible.

J'approuvai d'un simple signe de tête, presque soulagée qu'elle redevienne normale. Elle poussa un soupir et enchaîna :

— Tu as à la fois raison et tort... J'ai tenté d'oublier mon frère et de me recréer une vie. J'ai reproduit exactement la planète comme elle existait avant qu'elle ne soit détruite. J'ai fait venir quelques habitants d'Hister, de Marina et de Moons qui voulaient m'aider à refonder Laïa. Une fois recréée, j'ai réalisé qu'il manquait quelque chose : une déesse protectrice. Je devais être cette personne : je devais changer, ou du moins essayer. Comme tu le vois, je suis devenue une princesse juvénile aux mimiques superficielles, mais, au fond, je reste toujours la petite fille marquée par la trahison de son frère, de la destruction de sa planète et de la mort de sa sœur. Je ne peux toujours pas vous aider et rejoindre votre association. Je ne saurai pas être à la hauteur de vos objectifs.

Mylena se tut, sûrement en attente d'une réponse de ma part. C'était sa lucidité et sa franchise qui me surprenaient maintenant. Je savais à quel point elle avait souffert de la trahison d'Arachtus, mais une part de moi ne parvenait pas à l'apprécier. Ou même à l'excuser.

— Nous sommes venues demander votre aide pour une affaire bien différente que celle de veiller sur les planètes, répondit Aélyia, sentant que je n'étais pas prête à fournir une réponse.

— Je vous écoute.

— Nous voulions savoir si vous connaissiez des plantes, capables de soigner des maladies mortelles.

— Pensez-vous vraiment que je suis qualifiée dans ce domaine ? J'ignore tout des plantes, je suis navrée.

— Très bien. Nous pouvons partir, déclarai-je avec précipitation. Tu vois, Aélyia, j'avais raison.

Je levai les yeux au ciel et commençai à invoquer l'Argentus. Mylena m'interrompit en posant sa main blanche sur mon épaule :

— J'aurais voulu t'aider, sincèrement.

N'importe qui aurait pris ces paroles comme réconfortantes excepté moi-même, surtout que ce contact me tendit, me rappelant encore plus vivement la douleur qu'elle m'avait infligée. Je fus soulagée quand Aélyia et moi disparûmes dans l'Argentus pour revenir sur Terrumbra, surtout que nous retrouvâmes une luminosité décente.

— Cela ne servait à rien, Aélyia, déclarai-je avec amertume.

— Mylena avait l'air plutôt gentille... hasarda Aélyia.

— On s'en fiche, ça ne nous aide pas. Et elle est entièrement hypocrite. Si tu l'avais vue, il y a deux mois.

— Pourtant elle a dit que...

— Je ne lui fais pas confiance. Un point c'est tout, tranchai-je, lassée par cette argumentation. Maintenant laisse-moi m'en aller avant qu'une autre idée de génie ne vienne illuminer ton esprit.

À peine avais-je prononcé ces paroles que je les regrettais déjà. Aélyia essayait juste de m'aider... et moi, je ne faisais que me montrer désagréable en retour. Mais, d'un autre côté, me faire visiter une planète aussi horrible ne méritait aucune gratitude de ma part. Sans me retourner pour me confronter à son regard sans doute larmoyant, j'allai m'enfermer dans mon laboratoire.

***

Bonjour à toutes et à tous !

J'espère que ce premier chapitre vous a plu ! Et oui, Sinistra sera la narratrice principale de ce tome, j'avoue que c'est totalement différent d'écrire des passages avec elle qu'avec Elena 😅

Merci encore pour votre engagement !
Agathe Aris.

Hister-Moons - Tome 2 - Une lueur d'espoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant