EPILOGUE

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As-tu pris ta fausse carte d'identité ? hurle ma mère depuis la cuisine.

Bien sûr que je l'ai prise, je la prends toujours, comme un putain de cachet qu'on devait avaler à vie. Malgré mon âge, elle continue de vérifier constamment que je l'aie sur moi avant de sortir. Pourtant, faire semblant est devenu une habitude, comme si j'avais une deuxième peau, alors même si je ne l'ai pas, je connais ma fausse identité à la lettre.

Parce que mentir est ce que je fais de mieux.

Parfois elle m'agace en vérifiant comme quand j'étais gosse si je l'ai sur moi avant de sortir. Je me dirige dans ma chambre, ouvre le premier tiroir de ma commode et enlève la planche en bois qui sert de trompe-l'œil. Toutes mes cartes d'identité sont cachées là, bien précieusement, depuis que je suis né. Si toutefois on devait déménager dans la précipitation. Malgré tout, je la remercie de me materner parfois, je me rappelle la fois où j'ai eu le malheur de ne pas l'avoir prise, mon père a carrément pété les plombs et ma mère a dû le calmer pour ne pas qu'il m'exile sur un autre continent.

Ashton ERTY, dix-neuf ans, 1m82. Ça te va ? lui montré-je la carte coincée entre mon index et mon majeur.

Je ne sais pas à qui ils veulent faire gober ça, sachant que je suis le portrait craché de mon père, j'ai peut-être cinq petits centimètres de moins que lui, je dois faire 1m85, mais les cheveux bruns ébouriffés sur ma tête et la même forme de visage ne trompent pas. J'ai peut-être seulement hérité des yeux verts de ma mère ou bien de mon oncle, que je dois cacher la plupart du temps avec des lentilles de couleur bleue, afin d'être en adéquation la plus totale avec ma nouvelle identité.

Oui ça me va et j'ai rendez-vous ce soir avec ton directeur, alors j'espère pour toi que tu n'as rien fait, je n'ai pas de temps à perdre avec tes bêtises, Layke, tu sais très bien que j'ai du travail.

Je lève les yeux au ciel avant de sortir une clope de ma poche arrière, ma mère peut être exaspérante parfois. Bossant en tant que profilée à son compte, elle a monté son propre cabinet en plein milieu de New York. Elle bosse quasi tout le temps depuis que je suis en âge de pouvoir sortir tout seul, enfin si on ne compte pas Aaron qui me suit comme un clébard la plupart du temps. Actuellement, elle travaille sur un gros dossier concernant un tueur en série qui sévirait depuis plusieurs mois maintenant, elle se déplace souvent sur les scènes de crime et aide la police à trouver son raisonnement pour qu'ils puissent le coincer rapidement.

C'est pas papa qui devait y aller ? dis-je en tirant une latte sur le poison entre mes lèvres.

Elle s'active en remplissant son sac de nourriture posé sur l'îlot central de la cuisine. À la vue de la fumée qui s'échappe de ma bouche, elle se précipite vers moi en m'arrachant la clope, ce qui me provoque un rire.

La clope dans la maison, Layke ! Ton père rentre de voyage d'affaires ce soir, donc dès que tu as fini, tu rentres et tu donnes ça à ton oncle, me répond-elle en me tendant une enveloppe.

Voyage d'affaires est le nom de code qui signifie que mon cher paternel est allé buter quelqu'un, j'ai réussi à le déchiffrer quand j'ai eu onze ans, après que ma mère s'est mise à hurler en voyant une tache rouge sur un des T-shirts de mon père. Plus tard, vers mes treize ans, j'ai eu le droit à une réunion de famille avec pour thème « que sont le bien et le mal ». Cette entrevue a bien duré deux heures. Le comble quand je repense à mon père, me donnant une leçon pour me punir d'avoir éclaté la gueule d'un de mes camarades de classe en primaire, parce qu'il était venu me piquer une frite. Alors que de son côté, il flingue des gens.

J'attrape les clés sur le buffet près de la porte, puis claque un bisou sur la joue de ma mère, qui se trouve près de l'entrée en train de mettre ses chaussures à talons. Je dois avouer que ma mère n'a pas besoin de tout cet attirail pour être jolie, elle a ce charme que peu de femmes ne possèdent, et mon père serait d'accord avec moi. Parce que quand plus jeune je lui demandais souvent ce qui l'avait attiré chez elle, il m'a toujours répondu la même phrase « que son âme avait été possédée par la sienne sans qu'il puisse faire quoi que ce soit ».

Layke AIYCE, de mon vrai nom, celui que je ne dois communiquer à personne, celui que je dois taire sous n'importe quel prétexte. Seulement ma mère, mon père, mon oncle Kevlon et ma tante April le savent, et quelques personnes que mon père menace quotidiennement pour qu'ils se la ferment. Puis il y a aussi Aaron, mon chauffeur et parfois mon garde du corps, même si selon moi je n'en ai pas vraiment besoin, avec les trois aller-retour à la salle trois fois par semaine depuis deux ans. Je prends aussi des cours de boxe et de krav maga depuis mes dix ans, selon mes parents je dois me préparer à toute éventualité, étant donné qu'être le fils d'un des prisonniers les plus dangereux, ayant été mis à la lumière après avoir remporté un jeu mortel il y a de ça plusieurs années, est très loin d'avoir eu des tonnes d'amis.

Alors une seule règle d'or règne dans la maison : tuer tous ceux qui découvriraient ma véritable identité.

REBIRTH ISLAND {DARKROMANCE} Où les histoires vivent. Découvrez maintenant