CHAPITRE XXII

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N1811

22h.

Cette putain de gonzesse m'intrigue. Surtout depuis qu'elle s'est écroulée sur la pelouse et qu'il a pris le temps de l'aider. Il ne s'attache à personne, habituellement.

À ses quinze ans, impossible qu'il parle à quelqu'un.

À ses seize ans, il me suppliait de ne pas le laisser dans un endroit bondé.

À ses dix-sept ans, une fille était venue à la maison pour un devoir commun, comme par hasard le jour où je n'étais pas au gang. Il m'a demandé de la renvoyer puisqu'il ne voulait pas le faire lui-même, elle était bonne, il aurait pu la niquer et lui ordonner de faire son devoir ensuite, mais nan, ça ne l'a pas intéressé.

À dix-huit ans, il ne sortait toujours pas, cloîtré le plus souvent dans sa chambre, pas de potes, pas de meuf. Pourtant, il avait tous les droits. Je ne voulais pas le limiter après qu'il soit resté enfermé une bonne partie de sa vie. Et pour finir, avant que je parte en taule, je lui ai proposé d'aller chez des potes à moi, il a refusé et s'est enfermé à double tour dans sa chambre et je ne l'ai pas vu pendant deux jours.

Et elle.

Cette gamine arrive à faire en sorte qu'il s'intéresse à elle.

Nova. C'est comme ça qu'elle s'appelle.

Je vais enquêter sur elle. Rapidement. Et lui en placer une entre les deux yeux si j'en ai envie. Il est hors de question que je laisse à cette meuf l'opportunité de l'anéantir, après qu'il ait mis plusieurs années à relever la tête.

La porte s'ouvre en grand, laissant apparaître mon frère. Il était sûrement avec elle jusque-là, mais apparemment il ne l'a pas ramenée. Dommage, après notre petit face-à-face de ce matin, j'aurais aimé voir une nouvelle fois son regard fuyant, ses ongles se planter dans la paume de sa main droite, pas mal de petites choses reflétant son anxiété.

Kev passe devant moi et se dirige tout droit sur le frigo pour en sortir une canette. La pièce est plongée dans un gros silence, seul le bruit des bulles du soda résonne. Il ne prononce toujours pas un mot, même en ayant mes yeux posés sur lui.

Il est énervé.

Putain.

Alors je maintiens ma position et décide de maintenir mon regard sur sa silhouette avec un grand sourire scotché aux lèvres, il a intérêt de me lâcher ce qu'il pense.

— Tu n'y touches pas.

—Je ne vois pas de quoi tu parles, feins-je l'innocence.

—Je t'ai vu la regarder, alors je répète TU N'Y TOUCHES PAS, c'est clair Kieron ?!

Il m'appelle carrément par mon prénom, c'est que cette fille est bien plus intéressante que ce que je pensais. Mais il me menace, faisant d'elle une priorité sans savoir ce qu'elle veut exactement.

Pathétique.

— Très clair Kyle, ou bien Kevlon, lancé-je toujours un énorme sourire plaqué sur ma tronche, piochant dans mon paquet de chips.

Il pose son soda sur l'îlot, puis se dirige vers moi avec un regard noir, ce qui accentue le petit rictus sur mes lèvres. Je ne sais pas s'il pense qu'il me fait peur, mais ce n'est pas le cas. Et encore moins quand il me prend par le T-shirt et me plaque contre le frigo. Il a de la chance que j'aie perdu en masse musculaire sur cette putain d'île, ce qui lui permet d'avoir l'avantage, sinon je lui aurais mis une droite pour lui rappeler qui est le grand frère.

REBIRTH ISLAND {DARKROMANCE} Où les histoires vivent. Découvrez maintenant