Chapitre 5: Gayle dans le tourment

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- Je vous en prie, je vous en prie, je vous en prie. Je répète cette phrase comme un mantra. Adrian Leblanc, le père de l'homme que j'avais poignardé et malencontreusement tué, se laisse aller dans son fauteuil en cuir. Il pose une jambe sur son genou, faisant remonter son pantalon de costume sombre.

- Voyons, Gayle, ne me supplie pas maintenant. Ça ne fait que commencer. Il soupèse son fusil de chasse, un cigare coincé entre les lèvres.

Cela fait deux jours que j'ai été emmenée ici. Je ne sais pas où je me trouve, je ne sais même pas si je suis toujours à Nîmes. Au début, ils m'ont laissée dans la chambre sans eau ni nourriture, la fille, Claude, ne venait me voir que pour me conduire aux toilettes.

Puis ce matin, ils m'ont donné un croissant et un verre d'eau avant de me jeter dans le van, toute nue. Jamais de ma vie je ne me suis sentie aussi humiliée, j'ai l'impression qu'ils font tout pour me faire perdre mon humanité.

En plus, juste pour "rire", Claude a coupé mes cheveux. Je me retrouve avec une coupe garçonne. À une époque, j'aurais sûrement fait une crise car j'ai toujours adoré ma crinière bouclée, mais je pense avoir des problèmes plus urgents désormais.

Monsieur Leblanc me hait pour ce que j'ai fait à son fils. Au début, j'ai pensé qu'il allait me tuer, mais non, ce qu'il veut, c'est m'humilier, me voir souffrir.

Je commence égoïstement à envier le sort de Rex et Matt.

- Voilà ce qu'on va faire. Je vais te détacher, et tu vas courir. Si tu arrives à atteindre le pommier là-bas, il indique l'horizon avec son fusil, je te laisse partir, sinon je ferai ce que je veux de toi.

Nous sommes dans un champ perdu au milieu de nulle part, où des hectares et des hectares de terres agricoles s'étendent à perte de vue. De là où je me trouve, le pommier n'est qu'un point à l'horizon, et avec mon état de fatigue, je ne pense pas pouvoir courir assez vite pour l'atteindre. Quoique je sois assez désespérée pour essayer de déplacer des montagnes.

- Vous me laisserez partir ?

Il sourit avant de faire un signe à l'un de ses hommes. Je me sens tellement gênée d'être dénudée devant tous ces hommes. J'ai supplié Claude de me donner ne serait-ce qu'une culotte, mais elle m'a ri au nez.

Adrian Leblanc fait un signe de la main et l'un des hommes en costume et lunettes sombres s'approche de moi. Je me recroqueville sur moi-même quand il commence à dénouer les liens qui retiennent mes jambes puis ceux de mes mains.

Je me masse pour relancer la circulation sanguine.

- Je pourrais avoir de quoi me couvrir ? La question est accueillie avec des éclats de rire gras et des commentaires qui me font me sentir encore plus petite.

- Vas-y, maintenant. Ma première tentative pour me lever est un échec. Je réessaie et je m'éloigne du groupe d'hommes à petits pas. Il fait chaud et la terre est humide à cause des pluies de la veille.

- La petite chenille, tu dois courir ! Je regarde par-dessus mon épaule et je me rends compte avec horreur qu'Adrian Leblanc et ses trois hommes de main braquent leurs fusils de chasse sur moi. Sans les quitter des yeux, je me mets à marcher plus vite. Ils sont malades, ils ne vont quand même pas...

Je pousse un hurlement quand la première détonation retentit, des oiseaux perchés sur les arbres alentour prennent leur envol en même temps que je me mets à courir. Une balle siffle juste à côté de moi. J'ai senti comme un souffle avant qu'elle ne s'enfonce dans le sol, soulevant un nuage de poussière.

Une autre m'effleure le bras avant de ricocher sur le tronc d'un arbre.

Bordel de merde, ça brûle, et je sens déjà du sang couler de ma main légèrement engourdie, mais je n'ai pas le luxe de m'appesantir sur ma douleur, car elles sont bientôt suivies par beaucoup d'autres balles. Je me mets à zigzaguer dans le champ, mes pieds battent la terre, je sens l'herbe craquer à chacun de mes mouvements, les balles sifflent de toutes parts. J'ai l'impression que l'enfer se déchaîne autour de moi. Je suis partagée entre l'envie de me recroqueviller sur moi-même et celle de repousser mes limites.

La Pieuvre De L'ombre 1( Terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant