Chapitre 21: Cours petite serveuse !

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- Tu as deux minutes pour descendre, je dis en prenant la voix à l'intonation traînant de Riccardo. Il m'a énervé, et cette douche m'a remis les idées en place.

Je me mets à tourner en rond, la peur prenant possession de chaque partie de mon corps. J'ai accepté de travailler avec ce type. Mais quel boulot commence au milieu de la nuit ?

Riccardo Gaviera. Je frissonne. Ce type a peut-être sauvé ma famille et retrouvé le corps de maman ; il m'a même sauvé la vie, si je veux être honnête, mais il me fait peur. Il y a quelque chose chez lui que je ne saisis pas. Le soir où il m'a sauvée du bordel de Franco, j'ai eu l'impression d'apercevoir sa vraie nature derrière ses blagues ridicules et son sourire moqueur, et ce type n'est pas net. Sans même que je m'en rende compte, j'ouvre ma fenêtre et l'escalade pour me laisser tomber sans douceur sur l'herbe.

J'ai accepté de travailler avec lui pour rembourser mes dettes, mais je me rends compte à quel point j'ai été stupide de dire oui. Je refuse de me lancer là-dedans. J'ai déjà eu un aperçu, et ça me suffit.

Je me dirige vers le portail d'entrée. Je l'entrouvre doucement pour jeter un coup d'œil à l'extérieur.

Merde ! Riccardo est adossé contre sa moto, stationnée sous le seul lampadaire qui éclaire la rue. Il s'est débarrassé de ses vêtements mouillés en faveur d'un jogging gris et d'un t-shirt de la même teinte, qui laisse apparaître son tatouage tribal. Même sous cette lumière étincelante, ce type a l'air austère. Il a la tête plongée dans son téléphone et tient une clope entre ses doigts.

Je referme doucement la porte, avant de remettre le crochet. Je refuse de le suivre, et je sais que si je reste ici, il viendra me chercher.

J'escalade le mur à l'arrière de la maison ; par chance, il n'est pas très haut. Je regarde derrière moi, avant de m'éloigner au pas de course avec un sourire triomphant.

Bien, l'étape une est un succès. Deuxième étape de mon plan : aller au motel que j'ai repéré dans la rue commerçante. Je vais prendre une chambre, m'octroyer une bonne nuit de sommeil, et seulement après, je pourrai réfléchir à comment dire à Riccardo d'aller se faire voir, lui et sa proposition contre nature.

J'enfonce les mains dans les poches de mon sweat dont la capuche est rabattue sur ma tête. Je marche comme un garçon pour éviter qu'on m'aborde ou, pire, de me faire agresser. Il se fait tard, mais il y a encore quelques personnes dans les différents commerces ouverts.

J'emprunte la petite rue nichée entre une église et une école élémentaire au pas de course, avant de déboucher essoufflée sur l'autoroute.

C'est ça, être une femme ? Courir, et constamment, regarder derrière soi ? Aucun risque que Riccardo soit déjà à ma suite, il ira d'abord vérifier dans ma chambre. Ce qui me laisse pas mal de temps.

Quel taré de la glace, franchement !

Je m'arrête à un feu. Comme il n'y a aucune voiture, je traverse au passage piéton. Quelques personnes me lancent des regards réprobateurs, mais je fais comme si je ne les voyais pas. Je n'ai pas de temps à perdre.

Je pénètre dans le petit hôtel. Le néon de la façade indique "Le Palace", mais ce truc n'a rien d'un palace. Honnêtement, au point où j'en suis, je serais capable d'aller vivre avec les rats sous les égouts de Paris.

- Bonsoir ! Je declare tout sourire en arrivant devant le comptoir en bois rongé par les mites. La réceptionniste, qui est au téléphone, m'intime le silence en levant la paume en direction de mon visage. J'ai un hoquet de surprise, avant de hausser les épaules. Entre mauvais employés, on est tolérants ; j'étais une serveuse exécrable.

La Pieuvre De L'ombre 1( Terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant