8-Nate

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Une petite touche de blanc par ici, un peu de marron par-là, et ce sera parfait. Ce cours est de loin mon préféré de tout mon cursus. Nous sommes assis en rond pendant 4h avec un modèle au centre, et nous le reproduisons. Ce qui peut paraître ennuyant et long est en réalité stimulant et enrichissant. Chaque personne a une vision différente et chaque œuvre finit toujours diamétralement opposée à celle de son voisin. C'est ce que j'adore dans ce cours. On est libre. Pas de contraintes. Pas de règles ni de mesures. Pas de techniques imposées. Juste du lâcher-prise. C'est en parti pour ça que j'aime autant ce que je fais, je ne supporte pas l'idée d'être enfermé dans un cadre où d'être contraint par certaines règles.

Certaines personnes nous prennent, nous les artistes pour des personnes complètement perchés, toujours un joint à la bouche. Je vais pas mentir pour certains c'est réellement ça... Mais pour la plupart, on est juste créatifs avec une façon de penser différente, peut-être plus ouverte. Le problème avec ces clichés c'est que tout le monde y adhère, y croit et alimente le cliché. Bientôt tous les artistes tatoués et percés seront gays. Ça fait peut-être parti du cliché de l'artiste d'être anticlichés mais je ne supporte pas les étiquettes et les stéréotypes. Le fait de mettre les gens dans des cases m'horripile. Personne ne rentre dans une seule case.

Ça me fait penser à Charlotte et la scène d'hier. Quand je l'ai rencontrée, je l'ai jugée d'intello et limite de rabat-joie. Finalement je découvre une femme drôle, intelligente et indépendante. Elle ne se laisse pas marcher sur les pieds et je l'ai trouvée impressionnante quand elle a tenu tête à son incapable de mec. Elle sait ce qu'elle veut et sait ce qu'elle a à faire pour l'obtenir. J'étais sincèrement fière d'elle hier, de la façon dont elle l'a envoyé se faire foutre en beauté. Elle ne lui a même pas laissé apercevoir qu'il l'avait touchée quand il a parlé de son père. Il suffisait pourtant de la regarder dans les yeux pour comprendre qu'elle retenait ses larmes. A se demander qui de nous deux sort avec elle depuis quatre ans...

En revanche, maintenant je ne peux pas m'empêcher de me poser des questions à propos de leur relation. Pourquoi reste-t-elle avec lui s'il a tant de défauts ? Elle mérite bien mieux que ce bouffon et j'espère qu'elle en a conscience. Ça crève les yeux qu'elle l'aime intensément, elle lui a même dit sous mes yeux. Ca m'a clairement fait un pincement au cœur mais je ne l'avouerai jamais aux gars qui m'en ont parlé toute la soirée. Je sais qu'elle est amoureuse mais d'extérieur, leur relation semble toxique. Ça me fait beaucoup de peine pour elle. En attendant je ne m'inquiète pas trop car je sais qu'elle ne se laissera pas manipuler mais je n'ose pas lui parler de mon ressenti car on se connait depuis seulement une semaine. Ça serait très culotté de ma part de sortir de nul part pour critiquer son couple alors que je suis célibataire depuis mon plus jeune âge.

Quand j'estime avoir fini mon tableau, dont je suis d'ailleurs très fière car habituellement les natures mortes ne sont pas trop mon domaine, je range mon matériel et sors de l'atelier.

Je rejoins Josh et Lyam au self, soulagé d'en avoir fini. Même si c'est quatre heures de plaisir ça reste quatre heures. Je suis épuisée. Je m'installe à leur table et il me semble interrompre une conversation d'importance capitale.

-Je suis persuadé qu'elle s'appelait Summer ! s'exclame Josh, outré.

-N'importe quoi, souffle Lyam, elle s'appelle Lucy tu fais vraiment aucun effort ! Elle est avec moi au conservatoire, je comprends même pas pourquoi tu me crois pas, sérieux !

Bon à première vue, Josh a encore oublié le prénom de son dernier plan cul. Pour changer...

-Si vous parlez de la blonde qui a cru être discrète en partant de la coloc ce matin alors oui je confirme qu'elle s'appelle Lucy, j'interviens.

Artists on campus - NateOù les histoires vivent. Découvrez maintenant