Artists on campus - Nate

19-Nate

J'ai envie de vomir de rage. Charlotte est sous la douche mais j'entends ses pleurs à travers le bruit de l'eau. Je n'ai jamais été de nature violente, mais ce connard de Jonah pourrait faire exception. Je crève d'envie de l'enterrer vivant, le bruler vif ou bien même de le jeter sous un train. Moi qui manquais de créativité ces derniers temps... Je n'en reviens pas qu'ils aient eu le culot de faire sa sous son propre toit, dans son propre lit.

Ca me tue de voir Charlotte dans cet état. Vu ce à quoi elle vient d'assister c'est normal qu'elle soit abattue, mais je déteste être impuissant face à sa tristesse. Elle mérite tellement mieux que ces deux traîtres ! Je veux être là pour elle, l'aider, mais je ne sais même pas comment m'y prendre.

La deuxième chose qui me tiraille c'est que je ne sais pas si je dois lui dire que je savais ce qui se passait dans son dos. Après tout ce n'est pas faute d'avoir essayé de la prévenir ! Mais d'un autre côté, si elle l'apprend par x ou y raison plus tard, qui sait comment elle pourrait réagir ? Est-ce qu'elle se sentirait trahie ? Ou comprendrait-elle que je n'ai voulu que la protéger ?

ARGHHHHH je ne sais pas !

De toute façon ce n'est pas la priorité pour ce soir, je vais juste essayer de faire tout ce qui est de mon possible pour lui remonter un peu le moral.

Pour être sûr que ça ne dérange pas les garçons – même si j'en doute fort – je vais leur demander leur autorisation pour héberger notre visiteuse.

-Elle a vu quoi ?! Mais quels connards ces deux-là ! Elle reste autant de temps qu'elle veut, je peux même lui passer mon lit, s'exclame Lyam qui garde pourtant toujours son calme.

Josh acquiesce, pestant également contre les bourreaux de notre nouvelle coloc.

Bon, maintenant, passons aux choses sérieuses. Comment remonter le moral de quelqu'un qui vient de se faire briser le cœur par un incapable ?

Je me dis que regarder un film ne devrait pas être une mauvaise idée. Ça pourrait même lui permettre de se vider un petit peu la tête en se concentrant sur autre chose. Je fais donc chauffer du popcorn et remonte dans ma chambre au moment où elle sort de ma salle de bain, en mini-short et gros sweat à l'effigie de l'équipe de foot du campus.

Un sweat de Jonah... la transition risque d'être longue...

S'il faut voir le bon côté des choses, on peut noter que ses larmes se sont taries, ses mains ne tremblent plus et son visage semble même un peu plus apaisé.

-J'ai préparé du popcorn, ça te dit de regarder un film ? je tente, peu confiant. Bon j'ai pas Pretty Woman mais on devrait pouvoir trouver quelque chose de divertissant quand même.

-Je l'ai toujours sur moi, avoue-t-elle. Mais te sens pas obligé de faire tout ça pour moi Nate, vraiment, t'as pas de raison de t'inquiéter comme ça.

-Tiens c'est bizarre la seule chose que j'aie entendue c'est que tu avais ton film préféré de tous les temps sur toi, ça serait quand même bête de pas me le faire découvrir ! Tu penses pas ?

Voyant qu'elle n'aura pas le dernier mot sur ce coup-là et visiblement trop fatiguée pour se battre un peu plus, elle cède et va chercher sa clé USB.

-Attends comment ça « me le faire découvrir » ? Me dit quand même pas que tu ne l'a jamais vu ?!

-D'accord je ne te le dis pas... Mais tu pourrais au moins être honorée d'être celle qui va remédier à cette catastrophe.

-Alors là compte sur moi ! Pars du principe qu'on ne le regarde plus pour moi mais bel et bien pour toi ! Nan mais et dire que ça fait vingt que tu vis dans l'ignorance. T'as pas honte ?

Je suis content d'avoir réussi à lui remonter un petit peu le moral ou en tout cas de lui avoir fait faire un peu d'humour. J'installe donc mon ordinateur au centre du lit et reste bien de mon côté, au risque de la mettre mal à l'aise. Même si ce n'est pas l'envie qui manque, je ne suis pas un connard au point de profiter de cette soirée pour la brancher. L'ordi et le saladier de popcorn forment une barrière entre nous et ce n'est pas plus mal.

-Tu vas voir qu'après avoir gouté au charme de Julia Roberts tu en deviendras addict ! A chaque coup de mou je me le regarde et je crois bien que je ne m'en lasserai jamais, ô grand jamais, plaisante-t-elle. Plus sérieusement, je suis contente de t'initier à ce rituel. Jonah... enfin je... je devrais surement pas parler de lui, mais, il n'a jamais aimé le regarder avec moi. Il passait son temps à dire que c'était un film de nana, et que s'il avait le malheur de le regarder une fois de plus, ses couilles deviendraient roses à paillettes, raconte-t-elle d'un rire sans joie.

-T'inquiète pas, j'ai hâte que mes couilles deviennent rose bonbon ! dis-je pour redétendre l'atmosphère.

Je vais être très honnête et avouer que son film ne m'attire absolument pas, d'ailleurs les premières minutes me confortent dans cette idée, mais je le fait pour elle.

Je ne suis absolument pas concentré sur l'écran, bien trop obnubilé par ma voisine de lit. L'effet que ce film a sur elle est juste magique. Son visage est maintenant complètement détendu et marqué par un sourire. Ce qui me fait le plus rire - outre le rire de l'actrice en lui-même, qui est phénoménal – c'est qu'elle connait chaque réplique par cœur. Elle récite chaque phrase avant même que le personnage ne la récite, rit avant que les blagues soient faites et s'extasie devant la scène sur Rodeo Drive.

Ce serait mentir de dire que sa vision du film ne me fait pas changer d'avis sur celui-ci, qui en devient vraiment divertissant. Purée, je me surprends même à rire devant l'enchainement des Marie dans le magasin ! Mon meilleur fou rire restera quand même le moment où Charlotte trouve le moyen de pleurer au moment de la dispute alors qu'elle a déjà vu ce film plus d'une centaine de fois et sait pertinemment que la fin est heureuse pour les deux tourtereaux.

Elle finit par s'endormir avant le générique de fin, elle qui mérite une bonne nuit de sommeil après la journée plus qu'éprouvante qu'elle vient de passer. Je sors donc le plus délicatement possible du lit pour ne surtout pas la réveiller, repli l'ordi et la nourriture et sors sans un bruit.

Avant de fermer la porte derrière moi, je m'arrête un moment pour l'observer.

Dit comme ça, on dirait un peu un voyeur...

Ses boucles rousses parsèment mes oreillers et je ne sais pas si elle s'est rendu compte que c'était la première fois que je la voyait sans son foulard. Je ne peux m'empêcher de me dire que c'est une marque de confiance et ça me fait peut-être plus plaisir que ça ne devrait.

Et dire que ce visage si innocent renferme la personnalité d'une superbe femme, femme qui vient de se faire piétiner le cœur sans aucune pitié. J'ai conscience que les prochains jours vont être très compliqués pour elle. Une rupture ça n'est jamais facile, pour personne, mais quand il y a tromperie et que la meilleure amie est impliquée alors je pense franchement qu'on peut alors parler de circonstances aggravantes. Elle va passer du déni, à l'abattement, à la tristesse en passant par la colère – étape durant laquelle j'ai honteusement hâte de l'accompagner – mais je lui fait la promesse d'être là à chacune d'entre elles. Je ne suis certainement pas un pro de la re consolation, mais je vais faire ce que je peux. Je suis d'ailleurs déjà près à lui concocter tout un programme « remise de rupture » dès cette nuit !

Cette fille mérite le meilleur, et ma mission va être de lui en faire prendre conscience.

-Bonne nuit Charlotte.