12-Charlotte

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-Punaise on a enfin bouclé cette merde, je suis trop contente tu peux pas savoir, je souffle de satisfaction en m'affalant sur son lit.

-Dis le tout de suite si t'avais juste hâte de te débarrasser de moi, pétasse, m'accuse Nate en me frappant avec son oreiller.

Ce projet m'aura peut-être valu beaucoup de stresse, de travail et d'organisation, mais il m'aura apporté Nate. Le fait qu'on ait terminé me rendrait presque nostalgique. Je n'aurai plus de prétexte pour le voir autant. Ces derniers jours, je l'ai plus vu lui qu'Eva.

-C'est exactement ça, j'en peux plus de me coltiner un nullos pareil, pfff c'est moi qui ai fait tout le travail quoi, je lui réponds en mimant l'ennuie et le mépris.

Je ne lui avouerai jamais, au grand jamais, que ces deux dernières semaines ont été une vraie bouffée d'air frais.

-Bon après on a pas réellement fini, il nous reste le passage à l'oral donc te réjouis pas trop vite. Tu vas encore devoir te « coltiner un nullos pareil », il rit en m'imitant.

Bon. Je crois que c'est le moment de lui parler de ce qui me tracasse. Il vient de m'apporter l'occasion sur un plateau d'argent.

-En parlant du passage à l'oral... J'ai quelque chose à te dire.

Il se redresse quand il comprend à mon intonation que je ne rigole plus.

-Dis-moi tout, m'encourage-t-il.

On souffle...

1...2...3...

Et on se lance.

-Je suis phobique de l'oral. Voilà c'est dit. La première raison pour laquelle j'ai été déçue que cette garce de Vidal nous impose nos groupes c'est que je devrais t'en parler. Eva a toujours eu l'habitude de passer seule mais je ne sais pas si toi tu seras d'accord.

Je n'ose même pas le regarder dans les yeux alors je baisse la tête et fixe mes doigts que j'entremêlent sans jamais cesser. Est-ce qu'il va se moquer de moi comme tous les autres et trouver ça ridicule ?

-Raconte-moi ce que ça te fait ressentir, répond-il seulement.

Ma surprise me fait lever les yeux vers lui. Pas de moqueries ni de jugement ? C'est bien la première fois qu'on ne me traite pas de drama-queen. Il doit voir que je suis étonnée de sa réaction car il me demande :

-Quoi ? Tu pensais que j'allais me foutre de ta gueule ? Ça me vexerait presque que tu penses encore ça de moi.

Je suis tellement rassurée que les mots n'ont, pour une fois, aucun mal à sortir.

-J'ai une peur phobique du regard des autres. Je déteste être au centre de l'attention, savoir que chacun de mes faits et gestes va être analysé et jugé. Je fais des crises d'angoisse, comme tu as déjà pu le voir à la soirée où tu m'as trouvée par terre, dans un état lamentable, je lâche d'un rire sans joie. Cette merde me gâche la vie. Je peux pas être en compagnie de trop de gens donc c'est très handicapant.

Il pose ses mains sur les miennes qui tremblent, me partageant ainsi son soutien.

-Je ne peux peut-être pas comprendre mais je peux compatir Charlotte. Tu as déjà essayé de trouver des petits moyens anti-stress ou des petites techniques pour réduire l'angoisse ?

-Tu ne crois pas si bien dire, je ris. J'ai tout essayé, de la balle anti-stress aux plantes à renifler, jusqu'aux amulettes ou bagues qui transmettraient des « bonnes ondes ».

Je ne lui parle pas des anxiolytiques qui ont pourrit ma vie. Ce n'est pas le moment de l'effrayer.

-Enfin bref, mon objectif de base c'était juste de te demander si tu acceptais de passer seul à l'oral. Je t'en supplie dis oui. Je ferai tout ce que tu veux et te serais infiniment reconnaissante.

A son air septique je finis même par tenter le regard du petit chiot battu. Vu le fou rire que ça vient de lui déclencher je pense que cette technique n'est pas très concluante.

-Te moque pas de moi !

-Je me moque pas de toi je te jure mais cette tête ! C'était énorme ! rit-il en se tenant le ventre pour réduire les crampes.

-Pfff t'es un gamin, je me vexe. Donne-moi une réponse au lieu de me faire patienter comme ça.

-D'accord d'accord pardon, souffle-t-il pour reprendre sa respiration. Tu es sûre que tu ne veux pas tenter ? Je peux t'aider à t'entraîner c'est pas un problème.

-Je suis sûre, je réponds du tac au tac.

A mon ton convaincu, il comprend que ça ne sert à rien de négocier davantage.

-C'est d'accord. Mais à une condition.

Je suis tellement soulagée que je me fiche de sa condition, je me sens déjà gagnante.

-Je veux que tu me donnes des cours particuliers.

Quoi ?

-Va falloir que tu m'expliques. Je suis pas prof hein.

-Je suis une brêle en philo mais je peux pas me permettre de rester avec cette moyenne. Il faut absolument que je remonte mes notes et je sais que tu peux m'aider pas petit génie.

Tiens, ça faisait longtemps qu'il n'avait pas utilisé ce surnom. Ça me rappelle notre rencontre, plus que... Mouvementée.

-C'est pas que je refuse mais entre les cours et mon travail ça risque d'être compliqué Nate.

-Je te demande pas trois heures par jour t'inquiète pas, juste une à deux fois par semaine ça serait vraiment super.

Ça a l'air de lui tenir à cœur. De toute façon je ne suis pas en position de négocier je viens de lui dire que j'étais prête à tout !

-Admettons. Mais je veux savoir pourquoi je fais ça. Qu'est-ce qu'elle a de si important ta moyenne ?

C'est son tour de paraître mal à l'aise. Merde, j'ai encore mis les deux pieds dans le plat.

-Je t'ai déjà raconté que mes parents sont très stricts, et encore c'est un euphémisme si je dois être honnête. Après avoir refusé d'être médecin, ils ont accepté à contre cœur de me laisser faire ce que je voulais. Une seule condition. Être le meilleur. Il ne manquerait plus qu'il y ait un perdu dans la famille, lance-t-il d'un rire jaune. C'est eux qui payent l'appart dans lequel nous sommes, si ma moyenne descend sous le B, ils n'auront aucun scrupule à nous mettre à la rue.

-Mais c'est horrible ! je m'insurge.

-C'est horrible mais c'est comme ça. Les garçons ne sont pas au courant, alors j'ai juste à travailler comme un fou, ça ne tient qu'à moi.

Ma pensée ne traverse pas la barrière de mes lèvres et heureusement, car actuellement je suis en train de maudire ses parents.

-Mais c'est beaucoup trop de pression, t'es pas une machine.

-Je sais bien mais je pensais y arriver. Je pensais même que ça pourrait être une source de motivation. Le problème c'est que le concours et la peinture me prennent tout mon temps. Additionner à ma note catastrophique de Mrs Vidal, ma moyenne fait un peu la gueule, il avoue, honteux.

Je vois qu'il n'est plus aussi à l'aise depuis qu'il me parle de ses parents. Leur relation à l'air vraiment particulière. En entendant tout ça, je me rends compte de la chance que j'ai d'avoir une mère aussi aimante que la mienne.

-Bon avec tout ça je suis obligée d'accepter. T'inquiète pas je vais t'aider à remonter ta moyenne qui est déjà largement suffisante d'ailleurs, l'oublie pas.

La confiance qu'il place en moi me touche. Il m'a parlé de sa famille mais surtout, il compte sur moi pour l'aider. Avec ce qu'il fait pour moi, je ne peux décemment pas le laisser dans la merde.

Ça risque d'être un peu compliquer de convaincre Jonah au vu de nos récentes réconciliations mais je vais faire ce que je peux pour qu'il accepte. Nate a tout mon soutien et je veux qu'il le sache.

-Compte sur moi pour faire de moi le Descartes des temps modernes, je lui promets.

-Je prends cette promesse très au sérieux venant du Victor Hugo du 21e.

Artists on campus - NateOù les histoires vivent. Découvrez maintenant