20-Charlotte

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La lumière du jour filtrée par les stores – pas si occultants que ça – baigne la chambre dans une ambiance de matin d'été. Fun fact pas si fun que ça : nous sommes en décembre.

Miam le réchauffement climatique.

Je prends le temps de m'étirer dans ce lit étonnement vide, Jonah doit déjà être en train de préparer le petit-déj dans sa mission de redevenir le petit-copain parfait. Je suis une friande des grasses matinées le week-end alors je suis frustrée d'avoir bêtement oublié de baisser les volets, quelle idiote. Foutu pour foutu, je me traîne hors du lit mais retombe aussi vite sur le matelas quand je prends conscience que ce n'est pas ma chambre. Les souvenirs de la veille fusent dans mon esprit et tout me revient en mémoire. Vraiment tout. Moi qui croyait que Jonah préparait le petit-déj !

Bon retour dans la réalité, bouffonne.

Le premier constat me frappant c'est que je me réveille dans le lit d'un homme qui n'est pas celui près duquel je me réveillais hier matin. Donc je me fais tromper et moi je vais déjà voir ailleurs ? Je ne vaux certainement pas mieux que lui. J'aurais dû être effondrée, comme toute personne normalement constituée après la découverte de cette tromperie, mais quelle a été ma première réaction ? Je suis allé chez un autre mec et nous avons ris ensemble devant Pretty Woman.

Je transpire la culpabilité par tous les pores, comment pourra-t-il me pardonner et accepter de se remettre avec moi s'il apprend ça ? Car si une chose est sure, c'est qu'il ne m'a pas trompée gratuitement, j'ai forcément fait quelque chose pour le mériter. Ce n'est quand même pas son genre d'agir comme ça ! On ne met pas fin à une aussi longue relation de cette manière, et je suis bien déterminée à lui demander des explications.

Pour cela, il faut que je raye toute trace de mon passage ici, qui fut une grossière erreur s'il faut être honnête. Je rassemble donc toutes mes affaires et fourres tout en boule dans ma valise.

Désolé maman, je t'entends me faire la morale de là où tu es.

La morale pour mon linge froissé ou ma façon de penser je ne sais pas encore trop mais là n'est pas la question. Je continue le massacre de mes habits en tentant tant bien que mal de fermer cette foutu valise mais évidemment mon karma est tellement fort en ce moment – d'ailleurs s'il m'entends : fou moi la paix, je t'en supplies trouve toi une autre cible – que la laine de mon pull préféré, offert par Jonah pour nos deux ans, se coince dans la fermeture et forme un gros trou. L'univers est donc vraiment contre nous deux, punaise.

Karma 1 – Charlote 0

C'est bientôt la fin de cette journée de merde ? Ah bah non, surprise, on est que le matin...

J'abrège mes souffrances en abandonnant cet effort qui de toute façon est vain et laisse mon pull dans cet état, au risque d'empirer les dégâts. Il est temps de sortir de cette chambre dans laquelle, rappelons-le, je n'aurais jamais dû me trouver et de descendre les escaliers sur la pointe des pieds. Avec tous ces sacs sur mon dos, on dirait plutôt un hippopotame au milieu de danseuses classiques mais espérons que ma discrétion, bancale je l'admet, ne réveillera pas les garçons.

Vous pensiez que mon karma s'arrêterait là ? Non ce n'était évidemment pas encore assez rigolo pour me laisser enfin tranquille. Une fois au bas des marches je découvre un Nate parfaitement réveillé et ayant préparé de quoi nourrir tout un régiment.

Karma 2 – Charlotte 0

-Si tu pensais que tu allais pouvoir t'enfuir comme ça c'est raté. Prise la main dans le sac, plaisante-t-il.

Merci de me rappeler mon échec mec, ça fait toujours plaisir.

-Je ne savais pas ce que tu préférais manger le matin alors j'ai préparé tout ce que je savais faire. On a des pancakes, des œufs, je suis même passer à la boulangerie française pour t'acheter des viennoiseries, j'espère que tu aimeras.

J'ai beau avoir pris la mauvaise décision en venant ici hier, Nate, lui, n'y est pour rien et à agi comme un véritable ami. Bordel il est carrément passé à cette boulangerie à l'autre bout de la ville et qui coûte une blinde juste pour être sûr de me faire plaisir ! Je me sens maintenant aussi coupable vis-à-vis de lui. Et dire que j'ai voulu partir sans même le remercier pour hier soir. Bordel je pourrais pas juste arrêter de culpabiliser pour tout le monde juste deux minutes ?

-C'est adorable Nate, vraiment. Je t'avoue que je vais pas pouvoir rester, j'ai prévu d'aller leur demander des explications en face pour comprendre ce que j'ai fait pour mérit...

-Même pas en rêve, je te laisse même pas finir ta phrase. Répète après moi : Moi, Charlotte, femme belle, forte et indépendante, je n'ai rien fait pour mériter ce qui m'arrive, le connard dans l'histoire c'est lui.

-Je dirais pas ça Nate.

-Un peu que tu vas le dire sinon pas touche au petit-déj. Tu vois ces délicieux pains au chocolat ? Ça serait dommage de gâcher tu trouves pas ?

Ok s'en prendre à moi avec des pains au chocolat comme chantage c'est vache. Heureusement pour lui, malheureusement pour moi, j'ai honte d'avouer que ça marche. Oui je sais, à mon grand âge on peut encore m'acheter avec des pains au chocolat, je ne suis pas fière mais j'assume.

Ou pas...

-Bon alors c'est vraiment parce que plus vite j'aurais dit ces conneries, plus vite je pourrais partir, je concède. Moi, Charlotte, femme corruptible et affamée, je n'ai rien fait pour mériter cette torture dès le matin, le traître de l'histoire, c'est Nate Solis.

-Bon, on va dire que ça passe pour aujourd'hui, mais prend pas trop la confiance, je vais pas te lâcher. Plus sérieusement, assied toi et profite du repas, si tu pars maintenant tu vas louper le clou du spectacle, m'annonce-t-il, tout fier.

J'ignore de quoi il me parle mais je l'écoute et m'installe sur un des tabourets du bar pour – enfin – manger ces viennoiseries avec lesquelles il me nargue depuis tout à l'heure.

-Ca commence, me chuchote-t-il au creux de l'oreille.

Le savoir dans mon dos me donne des frissons qui ne devraient même pas exister. Après tout j'y suis pour rien si c'est mon corps qui réagit tout seul, non ?

Je comprends enfin de quel spectacle il me parle quand j'aperçois une fille descendant les escaliers.

-Coiffée, maquillée, j'irais même jusqu'à dire douchée, pas de doute, celle-ci était dans la chambre de Lyam cette nuit. Félicitations Charlotte, tu assistes à ton tout premier walk of shame à la coloc, ça se fête !

Il se décale pour me servir une nouvelle tasse de café et nous fait trinquer à cette « inauguration » mais ce qui me soulage le plus c'est qu'il se soit décaler de mon dos pour que ces stupides frissons cessent.

Une seconde fille pointe le bout de son nez en haut de ses fameux escaliers beaucoup trop empruntés en si peu de temps pour une maison ne comptant que trois officiels habitants. Pour faire plaisir à Nate, je me tourne vers lui sans même avoir besoin de préciser que je pense à Josh. En même temps ce n'est pas très drôle quand il n'y a que deux choix, mais aussi beaucoup plus facile.

Une fois le fameux défilé fini je continu de m'empiffrer de ce délicieux petit déjeuner, il faut dire que je ne me contente que d'un simple café d'habitude, alors c'est rare d'avoir autant de choix. Nate me parle d'un plan « remise de rupture » mais je ne l'écoute que d'une oreille. Avant de se remettre d'une rupture, il faudrait déjà s'être fait larguée, et jusqu'à preuve du contraire ça n'est pas encore le cas. Je vous fait pitié à ne pas voir la réalité en face ? Tant pis, laissez-moi dans mon déni, je refuse de voir la chute.

J'arrête définitivement de l'écouter quand je découvre une troisième fille, en haut de ces foutus escaliers. Face à mon mutisme, Nate lève la tête et explose de rire.

-Non me dis pas que... Mon Dieu dis-moi juste que je ne sais pas compter ou que je suis juste pas réveillée.

-Désolé pour toi mais non tu vois pas double, alors Josh ou Lyam le plan à trois ? me demande-t-il, visiblement très amusé par ma gène. Je t'avais pourtant prévenue en te disant que tu aurais loupé un grand spectacle !

Artists on campus - NateOù les histoires vivent. Découvrez maintenant