Je veux vivre Tome III : La fin d'un cauchemar - Dark Romance

Dans l'œil de la tempête - Irina

Mon pouce caresse l'œil dur et noir du lapin que je tiens encore dans mes mains, tandis que mes autres doigts maintiennent fermement le pistolet qui sera mon arme d'achèvement. Une princesse déchue prête à exécuter ce roi qui a beaucoup trop tiraillé mon existence et celui de divers enfants. Dans la bible, il est dit que nous devons excuser son prochain, qu'il pardonne nos péchés si on se repentit. Pendant longtemps, j'ai prié à genoux devant mon lit pour que Dieu me vienne en aide, qu'il ne prenne pas ma mère sous son aile, qu'il me libère à mon tour. Mais il n'a jamais répondu à mes vœux, quoi que je fasse. J'ai fini par ne plus croire en lui et me suis contentée de songer à ce que l'on souffrait tous, qu'on apprenait à vivre dans la douleur, avant de mourir pour toujours. J'étais bien trop petite pour comprendre que l'univers ne marchait pas de la façon dont je le pensais. Il ne suffisait pas de demander un souhait pour qu'il s'exauce ; exactement comme avec une étoile filante.

Cependant, j'ose imaginer qu'il existe un monde meilleur pour les personnes méritantes, et je ne suis pas sûre d'en faire partie. J'irais droit dans les enfers aux bras d'Aleksander, toutefois, Cole se joindra à nous et je continuerais à tout opérer pour que sa vie soit tourmentée pour toujours. J'ai besoin d'espérer qu'il ne reposera jamais en paix après ce que je m'apprête à réaliser. Si j'y parviens.

Debout devant cette porte, je peine à respirer convenablement. Mes paumes sont si moites que j'ai la sensation de lâcher la poignée. Mon cœur tambourine si rapidement qu'à tout moment, il va s'extraire de ma cage thoracique pour finir sur le sol que je fixe.

Et s'il n'est pas là ?

Et si je ne trouve qu'une salle vide ?

Et si je n'ai pas le cran d'appuyer...

Je me sens faible, peureuse, découragée de tout cela. Je n'arrête pas de me dire que je devrais aller chercher Hanz pour qu'il m'aide à accomplir ma mission. Pourquoi est-ce que je passe mon temps à être aussi contradictoire ? Un instant, j'ai la motivation d'aller jusqu'au bout, la hargne, et le suivant, je ne suis qu'une coquille vide qui voudrait se terrer au fond du sable, là où personne ne pourrait me trouver. Je me déteste tellement pour être ainsi. J'ai été lâche pour tuer moi-même Olivia, ou même la sauver. J'ai été trop stupide pour suivre John et finir violée avec son meilleur ami, sans être capable de demander l'aide de sa mère en la voyant. Je suis si inutile dans ce monde pour ne pas avoir été en mesure d'assassiner mon père dans son sommeil alors que j'en ai eu l'occasion bien trop de fois. Trop conne pour ne pas avoir parlé à un adulte de mon traumatisme.

Pourtant j'ai exécuté Emeline, puis j'ai regardé les deux autres périr sans jamais flancher. Sauf pour vomir. J'ai tenu tête à Erik, et Cole. J'ai affronté mon violeur dans la maison alors que j'ignorais sa présence. J'ai tué moi-même un homme qui voulait ma mort. J'ai également conservé la tête haute devant Viktoria qui rêvait de m'égorger. Mais j'ai surtout gardé mon courage face au mafieux qui m'avait kidnappée, et ça, ce n'est pas rien.

Un mouvement attire mon attention sur la droite. Je découvre Hanz, tenant un enfant dans ses bras. À peine âgé de trois ans, il relève son regard pour me fixer de ses yeux verts, un doigt mâchouillé dans sa bouche. Cette scène me fend le cœur, mais me redonne par ailleurs de l'espoir pour me reprendre en main. Ça doit cesser.

Je pousse la porte et pénètre enfin dans l'antre de Satan. Je suis accueillie par une décoration des plus gore qu'il soit. Une multitude de photos d'enfant sont placardées en guise de tapisserie. Il y a tellement que je ne serai pas capable de les compter. La bile tente de remonter quand j'en trouve certains nus, les mains ligotées. Comment peut-on dormir l'esprit tranquille après ça ?

— Qui a libéré l'oiseau de sa cage ? gronde mon père.

Je sursaute instantanément, et manque de lâcher l'arme, avant de découvrir sa position. Assis sur un fauteuil tournant, il pivote sur lui jusqu'à me faire face. Si j'étais dans inspecteur gadget, il serait docteur gang, ou plutôt pédophile gang. Cole aspire sa cigarette avec une extrême lenteur, le regard braqué sur moi. J'inspire un grand coup et lève le canon dans sa direction. Mon objectif était simple : le trouver et le tuer. Mais j'ai tant de points laissés sans explications, tant d'interrogations qui ont besoin d'être assouvies.