Fuir aussi loin que possible - Irina 1/2

832 80 27
                                    


Je suis replongée des années en arrière, lorsque je n'avais que dix ans. J'avais passé toute mon après-midi chez Olivia à jouer, manger, rigoler et surtout, à profiter d'une vie banale, sans aucun souci traumatisant qui se serrait ajouté au reste. Ce jour-là, il était bien trop tard. La nuit montrait le bout de son nez depuis une bonne heure, le père de mon amie m'avait donc ramené à la maison et mes pas m'avaient guidé rapidement dans ma chambre, alors que l'obscurité emplissait le séjour. Mon esprit ne pensait qu'à une chose : papa se trouvait au bar. Je n'avais pas perdu un seul instant pour grimper à l'étage et la regagner. Au moment d'entrer, j'ai tenté d'activer l'interrupteur, mais mon ampoule ne fonctionnait pas. Pour une raison que j'ignore encore, j'avais déplacé mon lit au fond de la pièce et je devais donc me rendre jusqu'à lui pour allumer ma lampe de chevet. Je n'avais effectué que quelques pas lorsque j'ai soudainement senti l'odeur. Il était là, derrière moi. Son aura terrifiante aspirait toute l'aire de la chambre. Je me souviens que la paralysie s'emparait de mon être, qu'elle me refusait le droit de réagir, de me défendre, de fuir. J'étais si jeune, si innocente, mais il m'a quand même attendu dans cette chambre plongée dans la pénombre. Tel un prédateur guettant sa proie, il n'allait faire qu'une bouchée de mon faible corps.

Mais aujourd'hui, j'ai vingt-trois ans et il est hors de question que je me laisse à nouveau faire. Malgré la peur qui se met en œuvre dans mon être, je trouve un soudain courage et m'élance droit devant sans un regard en arrière.

— Je vais te rattraper quoi qu'il arrive, mon ange, hurle mon père, de sa grosse voix.

Par réflexe, et parce que c'est la meilleure chose à faire, je me dirige en direction des paroles qui me parviennent. La plante de mes pieds martèle l'herbe mouillée et froide. Je ne fais pas attention sur quoi je marche, mon esprit est bien trop absorbé par la volonté de m'échapper, refusant qu'il pose la main sur moi. Jamais.

Et alors que j'arrive à l'angle du bâtiment, je suis stoppée par Erik qui se tient debout, le regard sombre. Je manque de tomber en avant en freinant ma course. Mon cerveau carbure à vivre allure, mes pensées s'entremêlent, mais je dois absolument trouver quelque chose, une simple solution à ce merdier si je ne veux pas sombrer dans les enfers, dans lequel Hadès et Lucifer font équipe. Ma bouche s'ouvre, j'essaie de crier, hurler, vocifère le moindre mot. Toutefois, mes cordes vocales refusent de m'obéir, elles sont comme tétanisées, figées, elles m'abandonnent quand j'en ai le plus besoin.

— J'ai envie de faire joujou, jolie Irina, annonce-t-il, avec un désir pervers dans la voix.

La nausée. C'est tout ce que je ressens à travers la panique, en l'imaginant une seule seconde glisser ses doigts de ma fente. Qu'il aille au diable.

Je jette un bref coup d'œil dans mon dos et découvre mon père avancer bien trop rapidement vers nous. Ni une ni deux, je m'élance droit vers la forêt dans laquelle mon unique échappatoire se trouve. Je suis jeune, endurante. Ils sont vieux, affaiblis par le temps. Je réussis à les devancer aussi loin que possible, mon adrénaline mélangée à l'instinct de survie. Je foule la terre, les branches, les cailloux. Le dessous de mes pieds souffre atrocement, mes larmes dévalent mon minois et viennent brouiller mon champ de vision, tandis que mon cœur bat à toute vitesse. Il fait si froid que chaque bouffée me comprime les poumons et assèche ma gorge.

Pourquoi ai-je été si idiote pour me rendre seule à l'arrière de son bâtiment ? Pourquoi Cyril ne pas suivis ? Encore une fois, j'ai agi avec stupidité sans aller parler à Aleksander. À croire que je ne suis qu'une pauvre victime qui est incapable de survivre sans son héros. Je me maudis d'être si fragile, d'avoir un père aussi monstrueux, d'être faible... J'ai constamment pensé que notre vie défilait seulement lorsque l'ont été proche de la mort. Que l'on voyait cette lumière blanche et ces flashs qui nous montraient à quel point nous avions souffert ou non. Je suis toujours là, je fuis loin d'eux et pourtant, les souvenirs de ma mère, ainsi que ceux d'Olivia, tournent en boucle dans mon esprit. Les regrets de l'avoir laissé périr m'assaillent si fort que ça m'en est si douloureux. Elle était ma meilleure amie et je l'ai abandonnée alors qu'elle se faisait manipuler par mon père. Je devrais la détester, lui dire qu'elle a mérité tout cela, néanmoins, je n'y arrive pas. Je m'étonne même à espérer la voir une dernière fois pour lui dire à quel point je l'aime. J'aime cette Olivia avec qui j'ai grandi avant qu'elle ne sombre bien trop fort dans les abîmes. Où ai-je échoué avec elle ? Moi qui l'ai rattrapé à chaque chute, il y a bien un moment où je n'ai pas su lui empêcher l'impact.

Je veux vivre Tome III : La fin d'un cauchemar - Dark RomanceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant