Je veux vivre Tome III : La fin d'un cauchemar - Dark Romance

Épilogue - Aleksander 2/2

Dix ans plus tard.

Je pénètre dans la verrière qui a été construite il y a plusieurs années. Disposée au fond du jardin, à la lisière du bois, elle donne une touche spéciale sur la beauté de l'horizon. Ses fenêtres opaques sont à la fois transparentes, mais empêchent aussi de voir ce qui s'y passe réellement. À pas de loup, je franchis le seuil de l'entrée et tombe sur un paysage floral qui décore plusieurs tables agencées. Des pivoines aux multiples couleurs, des roses noirs, ainsi que des bégonias vivaces, sont placées dans des pots qui se mélangent entre eux. Parmi cette nature, une femme à la longue chevelure sombre se dessine comme une silhouette sur un tableau d'art ; qui en vaudrait des millions. Vêtue de sa robe bleu ciel, elle ne m'entend pas approcher d'elle. Cette déesse qui passe toutes ses après-midi dans cet antre, prends soin de chaque fleur qui se trouve dans son champ de vision, avec la plus grande délicatesse que je lui reconnais après douze années écoulées à mes côtés. Cette jeune fille qui m'a bousculé dans Bordeaux est toujours celle qu'elle est. Son âge augmente, sa vie continue, sa façon de penser également, mais son corps ne change pas. Il reste délicieux à contempler, l'envie de le toucher chaque jour est si intense. Irina maintient de me faire perdre pied, quoi qu'elle puisse porter. Et la robe qu'elle aborde ne va pas faire long feu, surtout lorsqu'elle laisse entrevoir ses cuisses que j'écarterai à la nuit tombée.

— Où est-il ? grondé-je.

— Qui ça ? feinte-t-elle de ne pas comprendre, sans même lever les yeux vers moi.

Mes pas me rapprochent assez pour que je puisse sentir son odeur de magnolia parmi l'effluve floral qui se dégage autour de nous.

— L'homme que tu caches, répliqué-je. Où est-il ?

Elle porte une main près de ses lèvres et pouffe de rire, avant de reprendre son sérieux en se saisissant d'une pivoine rose.

— Mon amant est déjà bien loin d'ici, mon amour. Si tu te préoccupais un peu plus de moi, que de ta nouvelle activité compétitive, je n'aurais jamais laissé ton ennemi pénétrer mon jardin secret.

Je serre les poings, ma mâchoire se contracte, elle sait que je déteste lorsqu'elle ne se range pas de mon côté. C'est moi qui l'ai épousé, moi qui dors chaque soir dans son lit, moi qui la fais jouir. Je refuse qu'elle se rallie à l'adversaire.

— Si tu ne craches pas le morceau, menacé-je en effectuant deux nouveaux pas, tu peux oublier ta livraison de patte aux fromages du mercredi.

Ses gestes se suspendent, son regard se rive droit devant elle, avant qu'elle ne tourne lentement son minois vers moi avec un air intimidant. Son front est plissé, son nez retroussé. Diverses techniques de torture lui traversent l'esprit. Mais je ne flancherai pas face à la patronne de la maison.

— Viens-tu vraiment de dire ce que j'ai entendu, Aleksander ?

Un duel est lancé entre elle et moi. Quoi qu'on puisse penser, même si j'ai tué bon nombre de personnes, j'ai une adversaire de taille qui est prête à me réduire en cendre pour avoir osé toucher à son péché mignon.

Son corps pivote sur elle-même et c'est à ce moment précis que j'y discerne son bide arrondi de quelques mois. J'oublie un instant ma mission pour me concentrer sur ce petit être qui grandit à nouveau en elle. Ma paume se dépose automatiquement sur le tissu et rencontre un ventre dur qui protège mon bébé. Notre bébé.

Mon cerveau se déconnecte pour ne laisser place qu'à cet évènement qui embellit ma vie. Les affaires marchent en ce moment, mais la colère ne continue qu'à s'accroitre chaque jour dans cet entrepôt. Je maintiens de faire couler le sang, passer des contrats illégaux, ne manque pas de payer un pot-de-vin pour que la police m'oublie, cependant, lorsque je franchis le seuil, je néglige que je suis un puissant criminel et je me change en l'homme marié qui retrouve ses enfants. Et cette prochaine venue ne fera que renforcer la plénitude qui habite la villa, autrefois plongée dans la noirceur extrême.