Sailing to Philadelphia

Chapitre 11

Maksim conduisait prudemment sur la route enneigée qui serpentait jusqu'au petit ronflement au-dessus de Philadelphie. Natasha était installée à l'avant, sobre et élégante tandis que Nikolaï et Emily encadraient Piotr à l'arrière de la Cadillac. Ils n'avaient pas échangé une parole depuis qu'ils avaient quitté les abords de la ville pour la prison excentrée. La façade en crépis était sobre derrière des grilles en fer et son fossé. La voiture dû s'arrêter à l'entrée où patientait dans un petit baraquement trois hommes armés, en uniforme de police. Un afro-américain se pencha à la fenêtre tandis que les deux autres avaient la main portée sur leurs armes.

"Vos papiers."

Leur mère ne daigna même pas adresser un regard à l'homme, Maksim tendit les documents qu'il inspecta minutieusement. Il les dévisagea, étonné sûrement de voir les Bolkanski au grand complet dans cette voiture, comme une famille normale visitant un détenu aimé et non le parrain de la Moskowa.

"Pas d'armes à l'intérieur."

Natasha eut un marmonnement en russe.

"Moi qui croyait qu'ils n'avaient de dieu que les armes à feu en Amérique."

Ils descendirent ensuite, furent fouillés avant d'être autorisés à entrer. Leur mère eut une grimace agacée alors que ses bottines fourrées s'enfonçaient dans la neige boueuse. Nikolaï vient lui prêter son bras. Emily prit la main de Piotr, moins parce qu'elle craignait de glisser sur le verglas que parce qu'elle le voyait pâle et crispé à côté d'elle. Il ne fit aucun commentaire, semblant soulagé que l'assistance à sa sœur lui permette de trouver un peu de réconfort. Les doigts de son petit frère étaient froids entre les siens. Maksim resta en arrière avec la voiture.

Le bâtiment avait été une maison de correction avant de devenir une prison et nombre des bâtiments n'étaient pas fonctionnels en l'état. C'était néanmoins la prison dont les facilités avaient la meilleure réputation. Pirson avait obtenu le déplacement du patriarche Bolkanski en payant grassement quelques mains aisément corruptibles du système pénitencier. Ils furent accueillis par un homme, probablement un sergent, dénommé Jones.

"Vous êtes bien matinale Madame Bolkanski. Les nouvelles circulent vite jusqu'à vos oreilles."

Natasha Bolkanski plus grande que son interlocuteur le toisa de son regard polaire dans son manteau de fourrure. Il n'avait pas plus d'importance que la neige fondue sur ses chaussures.

"Nous sommes attendus il me semble, rétorqua-t-elle.

- Si la moskowitz veut bien me suivre, répondit-il d'un ton faussement poli avec une courbette railleuse."

Il les guida à l'intérieur où ils furent à nouveau fouillés avant de passer une porte fermée à double tour puis une autre. Enfin, ils atteignirent la salle des visites. Pirson avait réussi à obtenir une entrevue privée où seuls quelques gardes surveillaient les échanges familiaux. Ilya Bolkanski se leva aussitôt, avant même que la dernière porte ne s'ouvre.

"Ilya !"

Leur mère se précipita sur lui, la fratrie se tint un instant en retrait pour les laisser enlacés. Puis leur père se tourna vers eux et Emily put constater que son arcade sourcilière était bleue du coup reçu dans l'escarmouche qui l'avait conduit à l'isolement la journée précédente. Son père n'était pas bien grand mais il avait la carrure d'un ours. Il l'enfouit dans ses bras et l'espace d'un instant elle se sentit redevenir juste sa petite fille. Se laissant aller contre lui, elle nicha son nez contre son épaule. Il n'avait pas son odeur habituelle mais un parfum d'hôpital aseptisé.

"Papa, s'exclama Piotr, qu'est-ce qui est arrivé ?

- Asseyez-vous, répondit-il prudemment en russe.