"Harold !"
Emily frappa à nouveau à la porte de l'appartement du scientifique, elle avait du mal à contenir son impatience. Lena était libre ! Exilée de Germantown et de sa maison familiale mais libre. Hayden avait eu le discernement qu'ils espéraient. Il avait fait plier Jeremiah, entre sa tisane du soir et son brossage de dent. Expédié le cas comme une affaire courante. C'était presque inespéré, elle s'était déjà préparée à revenir à la charge et à défendre bec et ongle l'indépendance de Lena. Hayden avait craint le pire en envenimant un conflit avec les Russes. Il avait accepté le marché.
Elle n'arrivait pas à croire que ce plan avait fonctionné, ça avait paru si irréel de voir arriver Lena dans le bureau de son père quelques heures plus tôt. Et elle n'avait rien, du moins rien de toutes les horreurs qu'Emily s'était imaginée pour avoir réagi trop tardivement.
"Hé oh ! Vous pourriez arrêter de vous acharner comme ça ? Il y a des personnes qui essayent de travailler ici!"
Elle sursauta. Une jeune femme, plus jeune qu'elle, la toisait derrières ses impressionnantes lunettes rondes sur le seuil d'un appartement. Elle était maigre, et d'une pâleur de vampire. Emily lâcha une excuse, aussi gênée que frustrée. Il n'était pas dans ses habitudes de se faire remarquer ainsi. Elle allait tourner les talons lorsque la voisine la retint.
"Si vous cherchez Harold, il est sur le toit.
- Ah."
Un peu déconcertée, Emily tourna sur elle-même à la recherche d'escaliers mais il n'y en avait aucun. La rouquine eut un un soupir exaspéré, elle rentra dans son studio et Emily l'entendit ouvrir sa fenêtre avant qu'elle ne s'écrit à l'étage du dessus.
"Harold, y'a ta copine qui est là !"
Il y eut un silence puis un bruit de pas dans les escaliers en métal à l'extérieur. Harold entra alors par la porte de secours pour atterrir dans la cage d'escalier. Sa mine réticente s'illumina aussitôt lorsqu'il la reconnut. En trois pas, il fut sur elle :
"Emily ! Alors ?!
- Lena est libre, fit-elle avec précipitation, ils l'ont laissé partir !
- C'est vrai ? Ils ne lui ont rien fait ?
- Non ! Non elle va bien !
- Alors c'est fini, soupira-t-il avec contentement.
- Oui c'est vraiment fini. On l'a sorti de là."
Elle eut un petit rire de soulagement. La fatigue et l'inquiétude lui écrasaient les épaules depuis qu'on avait tiré sur son frère, alors cette nouvelle bienvenue et espérée avait libéré un peu de l'air bloqué dans sa gorge. Harold la pressait déjà pour avoir tous les détails lorsque la voisine les coupa sèchement dans leur enthousiasme.
"Alors soit vous allez discuter à l'intérieur soit vous allez vous les cailler dehors mais je veux pas vous entendre sur le pallier.
- Oh, toutes mes excuses, fit Emily.
- Ah oui, ne t'inquiète pas Vivian, lâcha Harold. On va pas te déranger.
- J'espère bien ! J'ai un oral demain, asséna-t-elle avec autorité, il est hors de question de le rater."
Elle claqua la porte derrière elle pour les laisser dans un silence. Harold avait plus l'air amusé que désolé, Emily était un peu gênée d'avoir été aussi impolie.
"Viens, on monte. Faut que tu vois quelque chose!"
Elle se laissa entraînée par l'énergie communicative d'Harold, et se retrouva à grimper sur les escaliers de secours. Son regard tomba aussitôt sur le bitume, cinq étages plus bas. Ses doigts s'accrochèrent à la rambarde, une sueur froide lui glissa le long de la nuque. Elle n'était plus si sûre d'avoir envie de savoir de quoi il en retournait. Harold s'empara de sa main tant pour la rassurer que pour l'entraîner à sa suite. Déstabilisée par ce geste, le cœur d'Emily battait encore plus sourdement à oreilles.
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Sailing to Philadelphia
Romance1930, alors que la Prohibition bat son plein, Philadelphie voit le Boyard à la tête de la Moskowa être arrêté. Ses aînés, Nikolaï et Emily, sont maintenant seuls maîtres à bord et comptent bien asseoir leur autorité contre les opportunistes. De l'au...