Chapitre 24

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"J'ai appris que nos frasques ont énervé Hayden, j'espère que ce n'est pas trop grave...

-Oh non, diminua-t-elle, il a toujours été assez susceptible mais il aboie plus qu'il ne mord."

Le mensonge sortit difficilement bien qu'il glissa avec souplesse contre sa langue et pour ordonner à ses angoisses de retourner au fond de son estomac, elle se malaxa avec un peu trop de force le poignet gauche. Alors qu'elle se confiait avec une aisance déconcertante à sa sœur, elle préférait taire certaines vérités à Nikolaï - peut-être, et sûrement, était-il déjà au courant des détails sordides, mais s'il savait qu'elle réduisait de beaucoup la gravité de la situation, il n'en montra rien. Dans tous les cas, elle n'avait aucune envie de discuter de Jeremiah avec lui. Ce qu'elle ressentait pour Nikolaï était doux et sucré mais elle savait que si elle n'y prenait pas garde, ce béguin pouvait devenir un cadeau empoisonné. Si son week-end à New-York avec Jeremiah lui avait bien appris un truc, c'était que les prochaines semaines allaient être épuisantes, éprouvantes et semées d'embûches. Nikolaï devait être sa porte de sortie, c'était la seule chose qu'il pouvait réellement lui apporter. Elle ne reproduirait pas l'erreur de ses baisers volés au El Paso, leur prix s'était révélé très onéreux.

Ca ne l'empêcherait pas, toutefois, de profiter de sa compagnie tant qu'elle le pouvait comme elle l'avait fait en acceptant son invitation à la patinoire. Elle avait passé un délicieux après-midi avec la fratrie Bolkanski, et elle n'avait qu'à peine penser à ses problèmes, ce qui était toujours appréciable. Quant à Nikolaï, il s'était montré particulièrement prévenant et attentionné, adorable en tout point, et si elle ne savait pertinemment que ça ne pouvait mener à rien de bon, elle se serait assurément laisser prendre au jeu. Malheureusement, elle ne risquait pas seulement que son cœur soit brisé une seconde fois, toute sa vie pouvait voler en éclats à la moindre incartade.

La Cadillac noire s'embrancha dans les petites rues populaires où les Gonzalez vivaient, et Lena jeta un coup d'œil aux silhouettes des maisons de ses voisins endormies dans la nuit tombée depuis plusieurs heures déjà.

"A propos de notre proposition, déclara-t-elle après s'être raclée la gorge, t'as eu le temps de prendre une décision ?

-Ah..., fit-il, comme surpris, avant de lui sourire avec sérénité, non, pas encore, avec tout ce qui se passe, comme tu le sais...

-Oui, je comprends, l'interrompit-elle, ça fait rien. On peut encore attendre."

Elle ne voulait plus le brusquer comme auparavant. Elle avait étrangement confiance en lui et si elle insistait, elle craignait de briser quelque chose. Et elle pouvait attendre, oui, encore un peu. Si elle s'y prenait bien, et elle s'y prendrait bien, elle pouvait tenir encore.

Maksim gara la voiture devant chez elle et elle sortit sur le trottoir. Nikolaï avait lui aussi quitté l'habitacle et en gentleman, il la suivit jusqu'en haut de son perron pour qu'elle n'ait plus qu'à passer la porte en toute sécurité. Jeremiah avait lui aussi fait ça les quelques premières fois où il l'avait ramenée chez elle mais ne voulant pas y penser, elle se tourna sur Nikolaï en affichant un grand sourire.

"Je peux rentrer me coucher sans m'inquiéter pour toi, ça va ? lança-t-elle avec moquerie. Pas trop dévasté par la défaite contre ton petit-frère ?

-Tu aimes bien trop remuer le couteau dans la plaie, lui reprocha-t-il sur le ton de l'humour avant d'adopter l'une de ses expressions enjôleuses, je préfère me dire que j'ai plutôt perdu contre toi...

-D'accord, je saurai m'en rappeler !"

Un mouvement attira alors son regard, et Lena qui faisait face à la rue tandis que Nikolaï lui tournait le dos, porta ses yeux sur le trottoir d'en face. De l'autre côté de la route, une cigarette s'embrasait alors qu'on tirait dessus et une silhouette se découpait entre deux maisons. Lena n'eut qu'à plisser le regard pour reconnaître Byrne. Elle sentit son coeur manquer un battement et eut un élan de panique quand Nikolaï, s'apercevant de sa distraction, voulut lui-même se retourner. Heureusement, elle eut le temps de poser une main contre son menton pour le retenir et prétexter :

Sailing to PhiladelphiaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant