Chapitre 16

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"Donc, tu as réussi, cariña ?

-Bah plus ou moins...

-Comment ça plus ou moins ? s'enquit Allan, se redressant, sceptique, dans son transat. Il a dit oui ?"

Tandis qu'Allan et son père prenaient le soleil plaisant de cette fin d'après-midi clémente, tous deux installés confortablement dans des transats aux pieds plantés dans la neige, Lena allumait un brasero en prévision du crépuscule. Leur petit jardin arrière resplendissait sous le tapis de neige étincelante qui, malgré le soleil, se refusait à fondre complètement. Le sang d'andalousie qui coulait dans leur veine leur avait légué ce besoin de profiter du soleil et du plein air, même alors qu'on avoisinait les -5 degrés sur la côte Est ce jour-ci. Lena, en particulier, connaissait les plus grandes difficultés à demeurer enfermée, elle se sentait vite comme un lion en cage.

"Je t'ai dit, Lannou, plus ou moins ! s'impatienta celle-ci. Ce n'est qu'une question de temps...

-Je comprends pas comment ça peut être une question de temps s'il a accepté, contra Allan en arrangeant son épaisse écharpe autour de son cou, quand est-ce qu'on le voit ? On doit organiser un entretien avec Nikolaï pour que je puisse lui parler directement de nos futurs arrangements. C'était ce qui était convenu, tu te souviens, j'espère ?

-Tu m'as pris pour une secrétaire ?  s'agaça Lena en ajoutant une nouvelle dose de petits bois dans le brasero, J'ai enfin réussi à lui parler de notre offre, c'était déjà assez chiant comme ça !

-C'est bien, c'est bien, concéda Allan de mauvaise grâce, mais...

-Si ma fille te dit que c'est bon, c'est que c'est bon," le coupa Cirillo.

Celui-ci, un bras derrière sa nuque, comptait fermement arranger son teint hâlé et son visage face au soleil, il gardait les yeux clos tout en affichant un air de plénitude que lui inspirait ce bain de soleil hivernal mais surtout les bonnes nouvelles de sa fille unique. Celle-ci se frottait les mains pour se débarrasser de la poussière de bois et elle suivait, blasée, l'échange.

"En outre, le charme irlandais est bien faible comparé au charme espagnol qui nous vient de la Mer Méditerranée, établit Cirillo, je suis certain que tu connais même pas la Méditerrannée, mon gringalet ?

-Alors, si, Cirillo, je conn-

-Tu excelles dans bien des domaines, mon garçon, mais laisse Nikolaï Bolkanski aux bons soins de ma fille. Regarde-la, fit-il en ouvrant difficilement un œil pour désigner Lena d'une main théâtrale, n'est-elle pas lumineuse comme le soleil, et plus belle encore qu'un ciel étoilé ?"

Profitant de la semi-cécité de Cirillo, Allan se permit une moue dubitative en regardant Lena qui bougonnait dans sa barbe inexistante en donnant un coup de pied agacé dans un tas de neige.

"Parfaitement délicieuse, ironisa Allan.

-Je te l'ai déjà dit, Lannou, si t'es pas content, tu vas lui parler toi-même, à Nikolaï !

-Est-ce que j'ai dit quelque chose ?  prétendit celui-ci en levant innocemment les deux mains, j'ai dit que tu étais délicieuse."

Pour toute réponse, il se mangea une épaisse boule de neige en plein visage.

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"Mais c'est quoi exactement qu'on doit faire ? s'interrogea Lena en montant les escaliers. De la compta ?

-Ah non, non, c'est plutôt... de l'archivage."

Ils arrivèrent sur le palier métallique qui donnait sur le grand bureau du père Bolkanski et dont la porte était gardée par un grand tas de muscles au nom inconnu pour Lena. Le clan semblait collectionner les hommes de mains volumineux, et elle avait bien du mal à les distinguer. Le gardien leva les yeux alors qu'ils se présentaient à la porte et en reconnaissant le faciès de Roldy, il se replongea sans prononcer une syllabe dans sa revue sportive.

Sailing to PhiladelphiaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant