Chapitre 15

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Nikolaï fumait cigarette sur cigarette, affalé sur le canapé à classer en piles distinctes les années des documents qu'il lisait. Emily se chargeait de reprendre les piles ensuite pour les tirer par mois. Après la soirée au O'Faeries où Gaëlle et son frère l'avaient convaincue de se rendre pour faire une pause, ils avaient repris leur laborieuse et fastidieuse activité.

Ils en avaient pour des jours et des jours, elle n'osait même pas envisager le fait que peut être ces jours se changeraient en semaine. Ses yeux se portèrent sur les cartons de fichiers sortis de la banque qu'ils avaient ramenés dans le bureau de leur père. William Buck s'était confondu en excuse, avait promis des intérêts plus fort pour l'année prochaine pour compenser ce malheureux problème.

Emily lui aurait sauté à la gorge pour lui faire vomir sa culpabilité. Ce malheureux problème était un problème crucial. Leur coffre avait été ouvert par une tierce personne. Ce malheureux problème avait envoyé son père derrière la barreaux. Après la colère, l'apathie s'était abattue sur elle devant l'immensité de la tâche. Elle était là à classer des dossiers d'il y a dix ans pour retrouver la trace ou l'absence de ceux volés. Trouver si d'autres avaient disparu. Elle était comme une fourmi, minuscule.

Le café était froid dans la tasse, elle le but en grimaçant avant de se passer les mains sur le visage. Une pique d'angoisse s'enfonçait dans sa poitrine. Et s'ils ne trouvaient pas ? S'ils n'y avait aucune trace ? S'ils perdaient leur temps pendant que l'autre les devançait ?

"On va trouver Milichka."

Elle leva ses yeux bleus sur ceux gris de son frère, il n'avait pas l'air plus convaincu qu'elle. L'euphorie qui avait pris Nikolaï hier soir pour profiter d'un peu de temps libre à manger des mets délicieux et profiter du spectacle de cabaret avait disparu. Ses cheveux d'ordinaires si impeccablement coiffés balayaient négligemment son front.

"On ne peut pas passer nos jours et nos nuits ici, répondit-elle, il faut continuer à gérer les affaires de papa, à se montrer. La taupe pourrait en profiter et les autres pensaient qu'on est dans une situation de faiblesse.

- Tu veux qu'on se relève ? proposa Laïko, ça va nous prendre encore plus de temps. Et papa n'a pas le temps.

- Tu as une autre solution ? fit-elle avec abattement. On ne peut pas demander à maman.

- On peut demander à Piotr, après ses cours."

La solution semblait la seule envisageable. Elle hocha la tête, mais même avec l'aide de Piotr ce serait toujours trop long. Elle se replongeait dans les papiers lorsque la porte s'ouvrit sur une figure bienvenue. Nikolaï se redressa avec emphase :

"Gaëlle ! Notre sauveuse !

- Ben alors mes lapins, vous m'avez pas l'air en forme, fit-elle en entrant dans le bureau.

- On aurait bien besoin d'un coup de main, soupira Nikolaï dans un accent suppliant.

- Où est-ce que tu vas ?"

La remarque d'Emily fit soudainement réaliser à son frère que leur amie avait revêtu son élégant chapeau en feutrine orange brûlé et ses jolies chaussures au bouton doré. Un sourire malicieux s'afficha sur le visage de Gaëlle, dévoilant ses petites dents blanches.

"Oh je vais faire quelques courses !

- Quelques courses ? Avec tes chaussures de lumière ? s'amusa Nikolaï.

- J'aurais besoin d'une raison ? Je les adore !"

Les deux Bolkanski échangèrent un petit regard de connivence, elle finit par lever les yeux au ciel avec amusement.

Sailing to PhiladelphiaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant