Sailing to Philadelphia

Chapitre 21

Le métro de Philly était exactement comme dans ses souvenirs, ses carreaux de faïence d'un vert passé, ses bruits de tuyauterie et son odeur d'humidité. Il était déjà tard et seuls les oiseaux de nuit de bon ou de mauvais augure empruntaient à cette heure le transport. Emily était montée dans une station en dehors de la Moskowa pour ne pas être reconnue. Elle avait envoyé Boris avec la voiture faire la collecte des gains des bookmakers des combats de boxe et de lutte à sa place. Elle avait prétexté un mal de crâne et devoir rentrer se coucher.

Elle regarda défiler les stations. Elle n'avait pris le métro que rarement, et voulait être sûre de ne pas manquer la station pour le changement de ligne. La dernière fois qu'elle avait validé un ticket, elle avait dix ans. Harold lui avait consciencieusement expliqué le trajet pour se retrouver mais l'intercom ne fonctionnait pas. Le nom Queen Park apparut sur les carreaux, elle sortit lentement de la rame comme si elle avait une idée nette de sa prochaine destination. Le métro la laissa seule sur le quai vide.

Elle tourna sur elle-même incertaine de la sortie à prendre. Elle sortit de son sac le petit papier froissé où Harold avait griffonné des instructions. Il n'avait pas spécifié qu'il y aurait deux sorties. Désorientée, elle se dirigea vers celle de droite en direction du nord.

Elle grimpa les escaliers avec incertitude et s'arrêta devant l'affichage formé de lettres en faïence pour trouver le quai de la ligne sur laquelle passait le métro d'Harold. Elle jetta un œil à sa montre, elle craignait d'avoir manqué la correspondance et qu'Harold soit seul dans la rame. Les bruits de métro dans tous sens ne l'aidait pas plus à se repérer.

Des pas claquant au loin lui firent tourner la tête. Emily eut un petit soupir de soulagement. Harold venait d'apparaître au bout du couloir. Il semblait essoufflé mais son allure était quant à elle proprement saisissante pour qui ne l'avait vu qu'en son habituelle dégaine. Elle lui avait donné l'argent nécessaire pour se procurer un costume digne de ce nom avec l'avance d'une partie du salaire pour laquelle elle le rémunérait de ce soir. Elle remarqua qu'il avait eu le temps de le faire ajuster pour qu'il lui aille parfaitement. Sa mère était couturière se rappela-t-elle en détournant les yeux un peu gênée par cette inspection insistante.

"Bonsoir Monsieur Brontey. Je suis navrée du retard, il y a eu un retardement sur la ligne apparemment... Et je n'ai pas trouvé le quai...

- Oh ne vous en faites pas, ça arrive tout le temps !

- Vous m'avez trouvé, c'est ce qui compte, s'excusa-t-elle.

- Ce n'était pas difficile, venez on va prendre le prochain."

Il l'entraîna dans des escaliers graisseux, elle n'osa pas mettre sa main à la rambarde. Le quai était déserté, un cri strident annonça la fermeture des portes retentit. Surprise, Emily n'eut pas de réaction immédiate. Harold lui attrapa le bras pour courir dans le dernier wagon. Maintenant sa main sur son fascinateur Emily réussit à entrer sans se faire couper en deux par la porte. Un peu essoufflée, elle tenta de remettre correctement son accessoire dans la vitre qui ne renvoyait qu'un reflet fumé. Elle adressa un œil à Harold qui hocha la tête, voilà. Tout était près.

Ils s'assirent au milieu de la rame. Celle-ci était vide mis à part la présence de deux hommes en bleu de travail qui discutaient en buvant un Coca et d'une femme aux bas en résille. Celle-ci croisant son regard, leur adressa un clin d'œil malicieux et suggestif. Elle descendit à la station suivante et leur envoya un baiser rouge avec un petit rire.

"Bonne soirée les tourtereaux !"

Emily se surprit à rougir. Elle les prenait vraisemblablement pour un couple en rendez-vous. Une femme ne sortait pas seule à cette heure à part pour rejoindre un amant ou parcequ'elle était une prostituée. La robe d'un vert criard ouverte jusqu'au mollet suggérait bien les raisons présence de cette femme. Celle d'Harold en suggérait une autre.