Sailing to Philadelphia

Chapitre 38

L'appartement était relativement petit avec ses 35 m², il n'était constitué que d'une pièce à vivre où chambre, salon et cuisine se disputaient la place ainsi que d'une pièce d'eau, mais c'était amplement suffisant pour Lena qui lui trouvait un petit air chaleureux, malgré tout. En outre, le loyer était très abordable et plus séduisant encore, sa localisation était idéale. Il se trouvait à la limite entre Kensington et le quartier de Fishtown, ce qui la plaçait suffisamment éloignée de Germantown sans qu'elle ne soit sur le territoire d'aucun gang, bien que le North Kensington portoricain n'était pas bien loin. Détail pratique, un trajet d'une vingtaine de minutes en métro suffisait pour la porter jusqu'à Center City où elle était employée de ménage dans la boîte de conseil de Rosita. Toutes les étoiles étaient donc alignées pour un bon emménagement.

"Ca va pas te faire trop bizarre de passer d'une maison à un une-pièce ? lui demanda Harold.

-Oh si, certainement, admit Lena, mais ce sera la première fois que j'aurai un chez-moi... aussi petit soit-il, c'est assez excitant !"

Installée pieds nus sur le lit dont Rosita et elle venaient d'appliquer des draps propres, Lena était assise en tailleur dans un vieux jean délavé et elle leva un regard éloquent vers Harold qui acquiesça, comprenant son sentiment. Il l'aidait à sortir ses vêtements des cartons, à les replier convenablement avant de tenter de réussir l'exploit de tout faire tenir à l'intérieur de l'unique penderie des lieux.

Lena laissa courir son regard le long de la pièce à vivre où Bartolome et Douglas discutaient baseball en rangeant la vaisselle. Près d'eux, Rosita et Damian partageaient une cigarette devant la fenêtre ouverte, et leur discussion semblait gaie et légère. Parachevant ce tableau si tendre au cœur de Lena, Jared inspectait chaque recoin de l'appartement dans la quête très minutieuse de découvrir tout vice caché qui ne saurait échapper plus longtemps à son œil de lynx.

"Mon quartier va me manquer, bien sûr, avoua Lena, ma maison aussi... mais bon, c'est pas comme si j'avais le choix... je suis déjà heureuse que ça se soit terminé sans plus de..."

Mort. Le mot resta coincé dans sa gorge et elle se la racla avec gêne, s'affairant dans la fastidieuse entreprise de retrouver la compagne d'une chaussette orpheline. De derrière ses lunettes, l'étudiant l'observait avec compassion.

"D'ailleurs, je ne t'ai pas remercié, Roldy.

-Oh, non, Lena, j'ai quasiment rien fait...

-Au contraire, Roldy, tu es allé chercher de l'aide quand j'en étais incapable. Merci.

-Quand j'ai eu besoin de toi, tu étais là pour moi... c'est le moins que je pouvais faire, Lena. Et puis, c'est Emi et Nikolaï qui ont tout fait, ne nous voilons pas la face.

-Emi ?"

Devant l'écho du diminutif, Harold piqua un fard et ce fut à son tour de se plonger dans le pliage avec assiduité. La malice s'intensifia dans le creux des joues de l'ancienne danseuse.

"Bah quoi, tout le monde l'appelle Emi...

-Hmhm, et tout le monde appelle Nikolaï Niko... tu l'appelles comment, toi ?

-Y'a que toi qui peux te permettre de lui donner des surnoms ridicules...

-Nouki, c'est pas ridicule, se défendit-elle avec mauvaise foi avant de reprendre, Donc, reparlons d'Emi...

-Et reparlons de Nouki !"

Ils rirent de concert tandis que Lena jetait toutes ses chaussettes dans une petite pagnette en pailles tressées, et la fit glisser sous le lit.