Sailing to Philadelphia

Chapitre 18

"Eh, Maddy, l'interpella Doug alors qu'elle déposait quelques billets au vendeur de stand contre les sodas qu'ils avaient commandés, t'es vraiment pote avec les Bolkanski ? Quand ils sont venus manger au cabaret, j'ai compris que tu les connaissais mais je pensais pas à ce point... et ils n'ont pas vraiment l'air d'être trop à l'aise ici."

Tandis que Bartolome commençait à faire de l'équilibrisme avec les grands gobelets de sodas pétillants, Lena jeta un coup d'œil à la tribune où Emily, Piotr et Nikolaï étaient toujours assis en compagnie de Harold. Même d'aussi loin, elle discernait sans mal la gêne et la crispation d'Emily qui se tenait droite comme un piquet sur son siège en épiant de biais le reste du public. Nikolaï se mêlait mieux à la foule mais il faisait tout de même tâche avec son allure de grand prince du monde. Quant à Harold, il sifflotait et gesticulait inutilement sur son siège, et il était évident qu'il cherchait à camoufler le malaise qu'il vivait à se retrouver seul avec tous les rejetons Bolkanski. Seul Piotr paraissait vraiment à sa place, vêtus d'habits simples et semblables au reste des spectateurs, et connaissant les paroles des chants des supporters des Phillies qu'il chantait avec le reste du public comme voulait la tradition durant la Septième Manche. Il était par ailleurs le seul debout.

Lena commençait à se demander si ça avait été la meilleure idée qu'elle ait eu de faire venir Emily ici, elle ne semblait pas du tout apprécier le moment, ni Harold que la présence de ses patrons semblait tendre. Pourtant, les Phillies gagnaient et Romuald brillait par ses talents connus et reconnus, et Lena jugeait le match spectaculaire, une véritable leçon de bon jeu. Quant aux Mariners, ils ne déméritaient pas pour autant et rendaient le match intéressant.

"Seulement Emily, et le petit Piotr est adorable, c'est un fan de baseball lui aussi, répondit Lena en aidant son frère avec les sodas, mais Nikolaï... il est collant, à croire qu'il peut pas s'empêcher de suivre sa sœur partout.

-Oui, enfin, je suis pas sûr que ce soit une bonne idée, honnêtement... tu sais qu'ils trafiquent de la drogue entre autre chose ?"

Comme prise sur le fait, Lena se rembrunit un peu en se raclant la gorge et elle ouvrit la marche pour fendre la foule qui s'agglutinait hors des gradins pour se dégourdir les jambes et se désaltérer avant le début de la prochaine manche. Doug pressait le pas pour rester à sa hauteur et poursuivre la conversation.

"Et tu sais ce que fait Gaëlle chez eux ?

-Elle est que croupière, t'inquiète pas va, répondit-elle sur un ton taquin. T'as pas de souci à te faire.

-Je m'en fais pas..."

Lena jeta un coup d'œil en coin à son ami qui dissimulait bien mal le petit sourire qui éclosait à la mention de Gaëlle. Ces derniers jours, celle-ci rendait des visites fréquentes au cabaret et mangeait parfois seule à une table, Lena s'arrangeait toujours au mieux pour lui permettre un prix spécial. Ses intentions n'étaient pas voilées pour un sou, et si la croupière était devenue subitement une habituée du O'Faeries, elle savait que ce n'était pas pour venir la voir danser, même si elle était toujours de ceux qui applaudissait le plus fort. Doug, espérant avoir lui aussi distingué quelque chose dans cette présence régulière, venait immanquablement à la table de Gaëlle en fin de repas pour s'inquiéter qu'elle avait mangé à son goût mais aussi à sa faim. Lena appréciait particulièrement l'histoire qu'elle voyait naître dans le décor vert et argent du cabaret. Ca emplissait ce lieu d'un peu de la magie qu'il vendait mais qu'il ne faisait que contrefaire.

Ils aboutirent enfin à leurs places qu'ils avaient délaissées et Piotr les accueillit avec bonheur, se saisissant avec gratitude d'un gobelet pour se soulager la gorge qui avait tant chanté. Nikolaï parla aussitôt des paris et se félicitait avec grandiloquence de ses bénéfices maintenant quasiment assurés, sous l'œil admiratif et envieux de Bartolome qui regrettait désormais de ne pas avoir été aussi audacieux avec sa maigre bourse qui aurait alors connu un généreux remplumage.