TRENTE-HUIT

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Chapitre trente-huit

La Nouvelle-Orléans, Garden District, États-Unis - Dimanche 15 mai 2023, 12h25

BORIS

Je finis de fixer au mur le dernier cadre de ma maison. Ma. Maison. Notre maison.

Je n'arrive pas à réaliser.

Le Garden District de la Nouvelle-Orléans. C'est irréel d'être propriétaire d'un bien ici.

Il y a de ça plusieurs mois, après Noël, Lake est devenue étrange. Elle était souvent sur son téléphone, on ne parlait plus de son père, plus de là où nous allions bouger... Et un jour Elena a commencé à parler de son amour pour la Nouvelle-Orléans. Nous n'avions jamais mis un pied là-bas avec Lake, alors pour l'anniversaire d'Elena on lui a offert un voyage pour y faire les touristes, ma mère se rajoutant. C'était incroyable et effectivement, j'ai vu les yeux de Lake briller d'une telle manière que j'ai compris qu'il fallait peut-être s'installer ici.

J'ai glissé l'information dans une conversation, comme un courant d'air qui je pensais n'avait pas été pris en compte. Jusqu'au soir où Lake est venue me rejoindre dans le lit, son téléphone tendu vers moi avec l'annonce de cette immense maison - au prix exorbitant, un grand sourire aux lèvres m'annonçant qu'on irait la visiter la semaine suivante.

Au vu du prix, je me suis dit qu'elle voulait seulement aller refaire un tour dans cette ville qui lui avait bien plu et qu'elle avait fait semblant d'être intéressée par une maison juste pour pouvoir s'occuper pendant le séjour. Alors une semaine après, je l'y ai suivie, on a pris l'avion, j'ai même fait comme si j'étais blindé aux as devant l'agent immobilier pour ne pas éveiller les soupçons.

Pendant ce temps là, Lake semblait être sur un petit nuage. Elle avait les yeux qui couraient dans toute la pièce comme une enfant. Quand on a visité le grand garage pouvant héberger trois voitures, elle m'a adressé un sourire ravisant.

J'aurais dû me douter de quelque chose avant qu'elle annonce à l'agent que nous étions intéressés mais je n'avais rien vu venir. Encore là, je pensais qu'elle blaguait et qu'elle finirait par renvoyer un message pour finalement s'excuser et que nous n'avions pas été conquis - qui ne l'aurait pas été ? Mais elle n'a rien fait.

Elle ne m'a rien dit, on est rentrés chez ma mère et encore là elle a gardé le silence. Puis un beau matin, alors que j'étais assis autour de la table, un café devant moi, je l'ai vue arriver avec une pile de papiers dans les bras qu'elle a posée dans un bruit sec sur la table, un large sourire aux lèvres.

— Signe ça, elle annonce. S'il te plaît.

En fronçant les sourcils, j'ai attrapé les papiers et j'ai vu la photo de la maison sur le devant du dossier. J'étais sidéré quand j'ai remonté mon regard vers elle alors qu'elle se tortillait d'impatience devant moi. J'ai feuilleté les pages sur lesquelles sa signature figurait déjà en ne comprenant pas.

— Tu as fait un prêt de cette somme, Lake ?

Elle secoue la tête de gauche à droite en devenant soudain très silencieuse me faisant plisser les yeux.

— Tu as tout cet argent ?

Soudain son regard devient sombre. Une excitation grandissante. Je vois qu'elle se retient de rire.

— Je n'ai presque plus rien non. Mais nous avons une maison.

— Une maison ? Lake c'est... Un foutu manoir.

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