Le Jeu des Intellects
Le lendemain, la nuit était tombée, enveloppant la petite auberge d'un calme trompeur. La chambre était baignée dans une lumière tamisée, les ombres des rideaux flottant doucement au rythme de la brise. Sherlock était assis sur le rebord de la fenêtre, un livre posé sur ses genoux, tandis qu'Émilie était allongée sur le lit, ses jambes croisées et son regard fixé sur le plafond.
Le silence qui s'étirait entre eux n'était pas vide. Il était chargé d'une tension subtile, presque palpable. Émilie avait remarqué depuis leur discussion précédente que quelque chose s'était installé entre eux, un mélange de compréhension et d'irritation.
— Alors, dit-elle enfin, brisant le silence, combien de temps encore allez-vous rester là, à me disséquer en silence ?
Sherlock releva les yeux de son livre, un sourcil arqué.
— Vous présumez que je vous dissèque, répliqua-t-il calmement. Peut-être suis-je simplement en train d'apprécier le silence.
— Vous ? Apprécier le silence ? répondit-elle avec un sourire malicieux. Ce serait la première fois.
Il posa délicatement son livre sur la table près de lui et se tourna vers elle, les bras croisés.
— Très bien. Puisque vous insistez, Émilie, parlons.
Elle se redressa légèrement sur le lit, s'adossant à l'oreiller.
— Parlons, alors, dit-elle, son ton provocateur. Mais vous devez jouer selon mes règles cette fois. Pas de questions détournées. Pas de tentatives de manipulation.
Sherlock esquissa un sourire en coin, amusé par son défi.
— Et quelles seraient vos règles, exactement ?
— Première règle, répondit-elle en levant un doigt, vous répondez honnêtement à mes questions.
— D'accord, concéda-t-il, curieux de voir où cela allait les mener.
— Deuxième règle, reprit-elle, vous ne faites pas semblant de tout savoir. Vous avez le droit de ne pas comprendre.
— Un défi intéressant, admit-il en inclinant légèrement la tête. Et quelle est la troisième règle ?
Elle le fixa longuement, un sourire joueur sur les lèvres.
— Vous m'écoutez vraiment. Pas seulement mes mots, mais ce que je veux dire derrière.
Sherlock resta silencieux un instant, ses yeux d'acier fixant Émilie avec une intensité presque déconcertante. Il aimait les défis, et Émilie avait ce don rare de transformer chaque échange en un duel intellectuel aussi captivant qu'imprévisible.
— Très bien, dit-il finalement. J'accepte vos règles.
Émilie hocha la tête, satisfaite, et croisa ses bras.
— Pourquoi avez-vous feuilleté mon carnet ? demanda-t-elle abruptement, sans détour.
Sherlock ne broncha pas, mais elle vit une lueur de surprise traverser son regard.
— Je n'ai jamais prétendu que je ne l'avais pas fait, répondit-il calmement.
— Mais vous n'avez pas avoué non plus, rétorqua-t-elle.
Elle se redressa davantage, ses yeux brûlant d'une colère contenue.
— Vous comprenez que c'est une violation de ma vie privée, n'est-ce pas ?
Sherlock se leva de la chaise où il s'était assis et commença à faire les cent pas.
— C'était là, ouvert sur votre table. Et je ne suis pas du genre à résister à l'appel d'une énigme, dit-il en haussant légèrement les épaules, comme si cela justifiait tout.
— Une énigme ? répéta-t-elle, presque outrée. Ce n'était pas une énigme, Sherlock. C'était moi. Mes pensées, mes émotions... Vous n'avez pas le droit de me réduire à un mystère à résoudre.
Il s'arrêta net, ses mains croisées derrière son dos.
— Vous êtes bien plus qu'un mystère, Émilie, dit-il doucement. Et c'est précisément pour cela que je voulais comprendre.
Elle le fixa, déconcertée par l'honnêteté de ses mots.
— Comprendre quoi ? murmura-t-elle, moins agressive.
Il marqua une pause, cherchant ses mots avec une prudence inhabituelle.
— Ce que cette chanson signifie pour vous. Ce que ces émotions signifient.
Elle sentit son cœur se serrer. Il avait lu, oui, mais il avait aussi compris. Peut-être mieux qu'elle ne le voulait.
— Et qu'avez-vous trouvé ? demanda-t-elle finalement, la voix légèrement tremblante.
Il détourna le regard un instant, fixant un point invisible au loin.
— Une immense solitude, dit-il enfin. Et une lutte constante pour ne pas s'y perdre.
Un silence lourd s'abattit sur eux. Émilie se sentit mise à nu, exposée sous le regard perçant de Sherlock. Elle voulait répondre, mais aucun mot ne venait.
— Vous n'aviez pas le droit, murmura-t-elle finalement, les yeux baissés.
Il fit un pas vers elle, mais s'arrêta à mi-chemin, respectant la distance qu'elle semblait imposer.
— Vous avez raison, concéda-t-il. Mais parfois, Émilie, les choses que nous faisons sans permission sont celles qui nous rapprochent le plus de la vérité.
Elle releva les yeux, et leurs regards se croisèrent. Un mélange de colère, de frustration, mais aussi de quelque chose de plus profond et plus doux se mêlait en elle.
— Vous êtes insupportable, dit-elle finalement, un sourire amer sur les lèvres.
— Et vous êtes fascinante, répondit-il sans détour.
Cette fois, ce fut à son tour d'être décontenancée. Elle détourna le regard, cherchant à masquer l'impact de ses mots.
— Nous devrions dormir, déclara-t-elle, tentant de mettre fin à cette conversation qui la déstabilisait plus qu'elle ne voulait l'admettre.
— Dormir ? répéta Sherlock avec un sourire en coin. Vous et moi savons très bien que ni l'un ni l'autre n'aura cette chance ce soir.
Elle soupira, amusée malgré elle.
— Vous devriez arrêter d'essayer de me comprendre, Sherlock.
— Et vous devriez cesser de me résister, répliqua-t-il, un éclat malicieux dans les yeux.
Elle leva les yeux au ciel, mais un sourire trahissait son irritation feinte.
— Bonne nuit, Sherlock.
— Bonne nuit, Émilie.
Elle se coucha enfin, son esprit tourbillonnant encore des mots qu'ils venaient d'échanger. De son côté, Sherlock retourna s'asseoir près de la fenêtre, les pensées en désordre. Ni l'un ni l'autre ne trouverait probablement le sommeil cette nuit-là, mais ils savaient tous deux que ce moment, aussi simple qu'il puisse paraître, marquerait une nouvelle étape dans leur étrange relation.

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Une colocataire improbable
FanfictionDans les ruelles sombres de Londres, où chaque ombre cache un secret, Sherlock Holmes se trouve face à un ennemi à la hauteur de son intellect : le redoutable Moriarty. Alors que les complots se multiplient et que les preuves se retournent contre lu...