CHAPITRE 65 - PRISONNIERS DU FROID

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Prisonniers du froid

Un silence glacial s'était abattu sur la pièce, interrompu seulement par les souffles courts et réguliers qui s'échappaient en volutes blanches des lèvres de Sherlock et d'Émilie. Les murs d'acier renvoyaient chaque bruit, amplifiant cette impression d'enfermement oppressant.

Le claquement de la porte d'acier avait résonné comme un coup de tonnerre. Émilie se retourna d'un geste brusque, ses mains cherchant désespérément une poignée qui n'existait pas. Sherlock, lui, se tenait immobile, les yeux fixés sur l'éclairage blafard qui vacillait au plafond. 

Non, non, non... Ils n'ont pas osé, murmura Émilie, sa voix brisée par un frisson. 

Sherlock passa une main sur le mur glacial, observant les fines plaques de givre qui s'y formaient déjà. 

Une chambre froide industrielle, constata-t-il d'un ton plat, comme s'il s'agissait d'une simple pièce à analyser. 

Merci pour l'évidence, rétorqua Émilie en croisant les bras, plus pour se réchauffer que par agacement. Et maintenant ? On attend de geler sur place ?

Sherlock ne répondit pas immédiatement. Il sortit un carnet de sa poche, mais ses doigts, déjà engourdis par le froid, peinaient à tourner les pages. Émilie l'observa en silence, mordant ses lèvres pour empêcher ses dents de claquer. 

Le froid s'infiltrait partout : dans ses bottes, sous son manteau, jusque dans ses pensées. Elle ferma les yeux un instant, tentant de se calmer. 

On a combien de temps ? demanda-t-elle finalement, sa voix trahissant une inquiétude qu'elle tentait de masquer.

Sherlock leva les yeux vers elle, son regard sévère mais concentré. Il pencha légèrement la tête, comme s'il faisait défiler mentalement une liste de paramètres.

Cela dépend de plusieurs facteurs. La température ambiante ici doit être aux alentours de -18 degrés Celsius, ce qui signifie une perte de chaleur corporelle rapide, aggravée par notre immobilité. En moyenne, le corps humain perd environ 20 à 30 fois plus de chaleur dans l'eau que dans l'air, mais ici, sur une surface gelée, les effets s'approchent. Notre métabolisme peut compenser une perte de chaleur modérée en augmentant la thermogenèse, c'est-à-dire en produisant plus de chaleur à travers des frissons—comme ce que vous faites actuellement. Mais cette capacité est limitée par nos réserves de glucose disponibles...

Émilie leva les yeux au ciel, visiblement exaspérée.

Sherlock...

Il continua, imperturbable : ... et si nous considérons l'isolation de nos vêtements, qui est clairement inadéquate, nous devons également tenir compte de la surface corporelle exposée. Votre manteau offre une meilleure couverture que le mien, mais vos mains n'ont pas de protection thermique suffisante, ce qui...

Sherlock, répondez à ma question !

Sa voix claqua dans la pièce, résonnant sur les murs d'acier. Elle le fixa avec une intensité mêlée de frustration et de panique.

Sherlock s'arrêta net, ses yeux s'écarquillant légèrement comme s'il réalisait qu'il venait de s'égarer dans ses propres pensées.

Une heure. Peut-être deux. Avant que l'hypothermie devienne critique, lâcha-t-il enfin, concis.

Merci, répliqua Émilie d'un ton acerbe, se massant les bras pour tenter de se réchauffer.

Il la regarda un instant, un mélange d'agacement et d'admiration flottant dans ses yeux clairs. Elle avait cette capacité agaçante de le ramener brutalement à l'essentiel, sans lui laisser le confort de s'égarer dans ses analyses.

Une colocataire improbableOù les histoires vivent. Découvrez maintenant