Double jeu ?

Chapitre 3 : L'envers du décor

Nous avons passé trois jours de formation intensive, mais aujourd'hui nous allons enfin découvrir l'envers du décor. Cassandre m'a permis de poser deux questions. Chaque soir, j'ai pu apprendre et approfondir les différentes missions données aux filles, dans cette maison. Je veux en savoir plus, comprendre et peut-être un jour, m'enfuir. Enfin, j'espère. Cet endroit maudit cache des lieux qui me sont encore inconnus. Je suis terrifiée à l'idée de les découvrir, mais j'ai compris certaines choses dans nos échanges, avec ma nouvelle amie. Je dois m'efforcer d'être l'hôtesse qui me correspond, et surtout, respecter les règles. Je suis forte, je lève les yeux au ciel, je peux y arriver. Cassandre déverrouille la porte de ma chambre à sept heures, comme chaque matin depuis mon arrivée. Je suis prête, allongée sur le lit, les yeux rivés vers le plafond.

— Éva, ma belle, il est l'heure, me dit-elle doucement.

— Oui, je t'attendais. Elle s'allonge près de moi un instant, dans le silence. Je tourne la tête vers elle.

— Ne t'inquiète pas, je resterai avec toi à chaque moment. Il ne t'arrivera rien, enfin pas aujourd'hui.

Elle attrape un coussin derrière elle et l'envoie dans mon visage, avant de rire aux éclats.

Après le petit-déjeuner, Carole nous accompagne dans ce qu'elle appelle la salle d'accueil. Ce grand hall, composé d'un bureau en bois vernis et d'une table ronde avec des brochures, est utilisé pour accueillir les clients. Sur la droite, un recoin est destiné aux manteaux et aux téléphones portables, qui sont interdits à l'intérieur. Une immense double porte en bois se tient en face de moi. C'est ici, nous y sommes, je vais découvrir l'envers du décor. Mon corps commence à trembler, Cassandre me prend la main pour me rassurer, mon esprit est concentré sur ce que je vais subir derrière cette porte. Carole se positionne entre moi et la porte.

— Aujourd'hui, vos hôtesses vont vous expliquer les différentes techniques et objets que vous découvrirez dans cette pièce. Demain, vous commencerez la pratique, annonce-t-elle d'un ton narquois.

Cette femme m'est antipathique, mais elle me rend admirative, elle est tellement forte. Cassandre m'a expliqué que notre cheffe était une ancienne prisonnière comme nous, elle se donnait peut-être un rôle avec son statut. Les portes s'ouvrent de l'intérieur, deux hommes se tiennent de chaque côté. Je suis subjuguée, j'avance lentement vers le centre de la pièce, sous un immense lustre. Il est entouré de cages en vieux fer, suspendues. Je suis entourée de petits salons. Je sens Cassandre qui m'observe, mais je n'arrive pas à détacher mon regard des différents objets, accrochés sur les murs. C'est une immense salle de château luxueuse, avec une touche de modernisme. Le bois se mêle aux nuances de rouge, des couleurs sublimées par le feu des torches. Nous n'avons toujours pas le droit d'échanger entre nous, je fais donc le tour du propriétaire avec ma seule confidente. La salle est composée d'alcôves de chaque côté de la pièce, avec, pour seule fermeture, un voilage. Certainement pour percevoir les silhouettes des occupants. Je m'avance vers l'une d'elles, ma main traverse le voilage, j'observe encore, et encore. L'alcôve contient un lit baldaquin, un petit salon et une armoire en bois.

— La pièce parait tellement vide !

— Les alcôves sont vidées après chaque soirée.

— Vidées ?

— Oui, les alcôves sont préparées avant les soirées, les attentes des clients sont souvent données à la dernière minute.

Je m'approche de l'armoire et l'ouvre. Des objets sont maintenus par des crochets. J'effleure une cravache en cuir noir, du bout de mes doigts.

— Prends la cravache, me souffle Cassandre.

Surprise, je la regarde, elle me sourit pour me mettre en confiance. J'ai peur, mais je suis très curieuse aussi. Elle m'invite à m'asseoir confortablement dans le fauteuil, me demande de fermer les yeux et de tendre mes mains, paumes vers le ciel. J'ai toute confiance en elle, et à vrai dire, ses récits m'ont donné l'envie d'en connaître davantage. Elle effleure la cravache contre ma peau, un frisson me parcourt le dos, me rendant fébrile. J'ouvre les yeux.