Chapitre 36

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Nyx se tenait immobile dans la pénombre, les yeux rivés sur Eryx, étendu dans ce lit d'hôpital qui ressemblait plus à un champ de bataille qu'à un lieu de repos.

Les murs de la chambre étaient décorés avec sobriété, les couleurs apaisantes choisis pour apaiser les esprits tourmentés. Mais rien dans cette pièce ne pouvait apaiser la tempête qui grondait en elle.

Elle se sentait comme une naufragée, dérivant entre la terre ferme de son devoir et l'océan tumultueux de ses émotions.

Elle repensait sans cesse à la première fois où elle avait rencontré Eryx. À l'époque, il était déjà une figure imposante dans le monde souterrain, une légende vivante, redouté et respecté à la fois.

Elle, en revanche, n'était qu'une inconnue, une ombre parmi tant d'autres, essayant de se faire un nom dans un monde qui ne pardonne pas les faibles.

Leur rencontre avait été brutale, un choc des volontés, mais au fil du temps, une complicité étrange s'était développée entre eux.

Nyx avait appris à naviguer dans les eaux troubles de son empire, absorbant chaque leçon, chaque conseil, tout en restant en retrait, toujours sur ses gardes.

La vie dans le cartel d'Eryx était une danse délicate entre pouvoir et survie. Nyx avait vu de ses propres yeux ce que la trahison pouvait coûter; elle avait vu des hommes forts s'effondrer sous le poids de leurs erreurs, et elle avait juré de ne jamais laisser sa garde baisser.

Mais avec Eryx, tout avait changé.

Il était l'incarnation même du pouvoir brut, un homme dont la force ne résidait pas seulement dans sa capacité à imposer sa volonté, mais aussi dans la manière dont il manipulait ceux qui l'entouraient, les poussant à accomplir des actes qu'ils n'auraient jamais imaginés.

Cette maîtrise du contrôle, Nyx l'avait toujours admirée, même si elle en avait aussi souffert. Elle se souvenait de nuits passées à discuter avec lui, à élaborer des plans complexes, à anticiper les mouvements de leurs ennemis.

Ces moments étaient empreints d'une étrange intimité, comme si, malgré tout, ils étaient les seuls à véritablement se comprendre dans ce monde de violence.

Pourtant, à chaque instant, elle sentait la distance entre eux, une distance qu'elle savait être en grande partie sa propre création.

Maintenant, cette distance semblait insurmontable. Eryx gisait là, vulnérable, et Nyx ne pouvait s'empêcher de se demander si, dans le fond, elle n'avait pas toujours eu peur de ce moment — le moment où il ne serait plus invincible.

Et maintenant qu'il était réduit à un homme, un être fragile entre la vie et la mort, elle se sentait démunie, incapable de retrouver cet équilibre qu'elle avait si soigneusement maintenu.

"Je t'ai vu sombrer, et je n'ai rien fait pour t'en empêcher."

Les pensées de Nyx étaient lourdes de regrets. Elle savait qu'elle avait participé, d'une manière ou d'une autre, à la chute d'Eryx. Peut-être que, si elle avait été plus honnête, plus ouverte, les choses auraient été différentes.

Mais le monde qu'ils avaient construit ensemble n'était pas fait pour la faiblesse ou la sincérité.

Il était bâti sur des fondations de secrets et de mensonges, et chaque couche ajoutée n'avait fait qu'éloigner Eryx un peu plus de cette part d'humanité qu'elle chérissait en secret.

Les jours se fondaient dans les nuits alors qu'elle passait d'innombrables heures à son chevet. Chaque instant était une épreuve, un rappel cruel de l'impermanence de la vie. Parfois, elle s'autorisait à rêver.

Elle fermait les yeux et s'imaginait une autre vie, une vie où Eryx et elle auraient pu être simplement... heureux. Une vie sans sang, sans trahison, sans la nécessité constante de regarder par-dessus leur épaule. Ces pensées étaient une fuite, elle le savait, mais elles étaient tout ce qui la maintenait encore debout.

Pendant ce temps, le cartel continuait de tourner, et Nyx devait jongler avec son rôle de chef par intérim. Elle s'était familiarisée avec chaque détail des opérations, prenant soin de masquer son implication.

Chaque message envoyé, chaque décision prise, tout devait sembler émaner d'Eryx. Le doute n'était pas permis, car le moindre soupçon pourrait déclencher une cascade d'événements incontrôlables.

Elle avait parfois l'impression de marcher sur une corde raide, chaque faux pas pouvant la précipiter dans le vide.

Mais elle tenait bon, alimentée par une détermination farouche de protéger l'empire qu'ils avaient bâti ensemble.

Pourtant, même en réussissant à maintenir cette façade, une question la hantait constamment : Que se passerait-il si Eryx ne se réveillait jamais?

Nyx ne pouvait se résoudre à imaginer un monde sans lui, mais elle devait préparer cette éventualité.

Elle avait commencé à tisser des alliances plus personnelles, à solidifier des liens au sein du cartel pour s'assurer que, quoi qu'il arrive, elle pourrait reprendre les rênes.

Chaque décision, chaque mouvement était calculé, mais au fond d'elle-même, elle savait qu'elle ne pourrait jamais être Eryx. Il était unique, irremplaçable, et cette pensée la terrifiait.

Les nuits étaient les pires. Lorsque la clinique se plongeait dans un silence presque funèbre, et que les seules lumières étaient celles des machines, Nyx se permettait de lâcher prise.

Elle s'approchait du lit, son visage tout près de celui d'Eryx, comme pour vérifier qu'il respirait encore. Parfois, elle osait murmurer son nom, espérant un signe, un mouvement, quelque chose qui lui prouverait qu'il était encore là, quelque part.

"Reviens-moi, Eryx..."

Les mots s'étranglaient dans sa gorge, alors que les larmes menaçaient de couler.

Elle savait qu'elle mentait. Elle pouvait le faire, elle en était capable, mais elle ne le voulait pas. Pas seule.

Le vide qu'Eryx laisserait derrière lui serait trop grand, trop vaste pour qu'elle puisse le combler seule. Et même si elle réussissait à maintenir le cartel en vie, elle savait que cela ne signifierait rien sans lui.

Nyx se battait, chaque jour, chaque nuit, pour maintenir une façade de contrôle. Mais à l'intérieur, elle était en morceaux, déchirée entre son devoir et ses sentiments.

La seule chose qui la tenait encore debout était l'espoir, mince et fragile, qu'il finirait par ouvrir les yeux, par revenir à elle. Et chaque jour où cela ne se produisait pas, elle sentait un peu plus de cette lumière s'éteindre.

Mais elle ne pouvait pas abandonner. Pas encore. Tant qu'il y avait un souffle en lui, tant qu'elle entendait le rythme de son cœur à travers les machines, elle continuerait à se battre. Pour lui, pour eux.

Et alors que les heures passaient, Nyx restait là, immobile, la main d'Eryx dans la sienne, murmurant des promesses à voix basse.

Des promesses qu'elle espérait pouvoir tenir, si seulement il lui en laissait la chance

Retribution's DawnOù les histoires vivent. Découvrez maintenant