26- Raconte-moi

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FERMÍN LOPEZDécembre 2024

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FERMÍN LOPEZ
Décembre 2024

Zéro.

C'était le nombre de mots qu'elle avait prononcée depuis que nous avions quitté sa maison familiale.

Zéro.

C'était le nombre de regards qu'elle m'avait lancée dans la voiture lorsque je lui parlais.

Zéro.

C'était le nombre de gestes qu'elle avait faits pour m'indiquer qu'elle était encore présente, encore là, dans l'instant. Ses bras étaient croisés contre sa poitrine, son regard rivé sur la route qui défilait sous un ciel assombri, et ses lèvres restaient obstinément closes.

J'avais l'impression qu'elle me haïssait de ne lui avoir jamais rien dit. Mais j'avais suivi les ordres que ses parents m'avaient, à contrecœur, donné.

Il était évident que c'était horrible pour elle, elle avait été une autre personne pendant quinze ans, et elle ne saura jamais qui elle était. Mais j'avais tellement souffert de la situation, que je peinais à compatir pour elle. Ne plus avoir eu de nouvelles de la personne dont vous étiez fou amoureux pendant quatre ans, et la revoir un beau matin, en chaire et en os était déchirant.

Je ne comptais même pas le nombre de scénarios que je m'étais fait, plus horribles les uns que les autres. Le nombre de cauchemars qui avaient agités chacune de mes nuits, et encore moins les litres de larmes que j'avais versées. Je n'étais rien de plus qu'un adolescent plongé dans sa détresse initiale, ajouté à ça, la perte de la personne qui le maintenait en vie. Et elle n'en sait plus rien.

Elle ne sait plus que c'était elle qui m'avait sauvé, qui m'avait donné une raison de me réveiller chaque matins, qui m'avait sorti de ce gouffre dans lequel je m'enfonçais jour après jour.

Alors j'avais replongé, si bas que je ne pensais jamais remonter la surface. Avais-je envie de revenir à la surface ? Et c'est quand j'ai rencontré Willow que ma vie a repris du sens. Willow m'avait, sans le savoir, sauvé. Elle ne faisait rien de plus que de venir chez moi lorsqu'elle n'en pouvait plus, lorsqu'elle était presque dans le même état que moi.

Mais elle n'en savait rien. Je ne lui avais jamais parlé de mes propres démons. Je me contentai de lui donner les mêmes conseils qu'Aspen m'avait donné. Mot pour mot, lettre pour lettre. Quelque-part, c'était Aspen qui avait sauvé ma meilleure-amie, pas moi.

Je jetai un coup d'œil vers Aspen, son silence pesant de plus en plus lourd à mesure que les kilomètres défilaient sous les roues. Elle semblait si loin, si intouchable dans cette bulle d'isolement qu'elle s'était créée. Ses doigts, qui auparavant s'agitaient de nervosité, étaient maintenant immobiles, reposant sur ses cuisses.

— Tu ne diras rien ? finis-je par demander, ma voix basse, presque désespérée.

Elle ne tourna même pas la tête. Ce silence... ce maudit silence... Il était insoutenable, trop bruyant. J'allumai la radio, dans l'unique but de faire taire ces bourdonnements dans mes oreilles. Toutefois, ma mine s'assombrit rapidement, et mon cœur se serra si fort que j'eu l'impression qu'il allait finir par exploser.

𝘵𝘩𝘦 𝘵𝘢𝘴𝘵𝘦 𝘰𝘧 𝘰𝘶𝘳 𝘮𝘦𝘮𝘰𝘳𝘪𝘦𝘴Où les histoires vivent. Découvrez maintenant