Chapitre 35

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La nuit enflammée de Peter et Andrew avait marqué le domaine. Les bruits de leurs ébats qui avaient duré jusqu'à l'aube, parfois bruyants, avaient mis les murs épais du manoir à rude épreuve, éveillant les curiosités des domestiques.

Lady Vickridge gravit les marches en direction des appartements privés du marquis. Son pas était assuré, elle était sur le point de gérer une situation particulièrement délicate.

Arrivée devant la porte massive de la chambre du marquis, la gouvernante frappa vivement. Devant le calme absolu, elle frappa de plus belle. Après de longues secondes, la porte finit enfin par s'ouvrir. Andrew se tenait debout, ses cheveux en bataille, nu comme un vers, le regard encore marqué par les plaisirs de la veille. Derrière lui, dans les draps froissés, Peter dormait, guerre plus vêtue, à moitié caché sous une couverture.

Andrew fronça les sourcils, visiblement agacé par cette interruption.

-Je vous avais pourtant dit de ne pas me déranger lorsqu'il est dans mes quartiers.

Lady Vickridge, mal à l'aise devant la colère naissante du marquis, s'empressa de lui répondre.

-Je le sais, Monseigneur, mais la baronne de Montclare souhaite vous rencontrer.

Le noble observa sa domestique, hébété.

-Et en quoi cela me concerne-t-il, Lady Vickridge? Beaucoup de personnes souhaitent me rencontrer dans ce pays, ce n'est pas pour autant qu'il faut venir m'importuner dans mes quartiers.

Andrew était sur le point de refermer la porte, pressé de rejoindre son amant sous les draps mais Lady Vickridge l'interrompit, un vent de panique sur le visage.

-Monseigneur ! Elle est déjà...là. Elle attend en ce moment même dans le couloir.

Le visage du noble déformé par l'exaspération, soupira lourdement. Il ne supportait pas de se sentir pris au piège. Il regarda par-dessus l'épaule de sa gouvernante et perçut au bout du long couloir un attroupement de domestiques.

-Bien. Faites-la entrer dans quelques instants. Je vais me faire habiller. Mais d'abord, faites sortir le garçon discrètement par la porte de service. Je soupçonne cette pintade d'être les yeux et les oreilles de ma mère.

Lady Vickridge hocha vivement la tête, elle travaillait depuis suffisamment longtemps pour la famille d'Harrington pour savoir que les suspicions du marquis envers sa propre mère étaient fondées.

Elle se dirigea vers le lit, où Peter dormait encore profondément. Elle le réveilla d'une voix douce mais ferme.

-Debout Peter, il faut partir maintenant.

Le jeune garçon, confus, tenta de se redresser, encore engourdi par le sommeil.

Andrew jeta un coup d'œil à Peter avant de se rendre dans le dressing room où deux servantes l'attendaient pour l'habiller,

-Et Lady Vickridge, ramenez-le-moi ce soir.

La gouvernante, étonnée par la demande de son Maître dont son attention pour ses partenaires disparaissait habituellement au petit matin, acquiesça à nouveau.

Lady Vickridge aida Peter à s'habiller à la hâte, enfilant seulement une chemise simple et un pantalon, avant de l'emmener discrètement vers la porte de service, cachée derrière une tapisserie. Une fois la porte refermée, Peter, encore hagard de la nuit passée, s'éclipsa dans l'aile des domestiques.

Quelques minutes plus tard, la baronne fut introduite dans la chambre du marquis. Andrew, cette fois vêtu d'un magnifique costume, cintré à la perfection, s'appuyait contre le bureau, d'un air nonchalant.

-Monsieur Harrington ! Quel plaisir de vous revoir ! Commença-t-elle avec un sourire mielleux.

Andrew répondit à la jeune femme par un simple sourire pincé.

-Je tenais à vous féliciter pour votre somptueuse cérémonie. Je ne doute pas un seul instant, que votre retour de guerre ne soit passée inaperçue auprès des aristocrates.

Elle marqua une pause, observant Andrew, cherchant une réaction. En vain, elle reprit la parole.

-Quel dommage que ce délicieux moment que nous partagions ait été écourté par les frasques de l'un de vos domestiques.

Un sourire malicieux se dessina sur les lèvres d'Andrew. Elinor remarqua que c'était la première expression qu'il daignait lui montrer.

-Oui, en effet. Ce garçon me donne beaucoup de fil à retordre, dit-il d'un ton léger plein de sous-entendus.

Elinor de Montclare fronça légèrement les sourcils, intriguée par le comportement du noble. Ce dernier semblait particulièrement détaché, plus que d'ordinaire.

Qu'importe, la duchesse Harrington l'avait averti, elle devait faire preuve d'une certaine ténacité si elle souhaitait obtenir ce qu'elle voulait. Et ce que la baronne désirait le plus au monde, c'était Andrew Harrington.

Elle fit un pas vers lui, feignant de s'intéresser à la décoration de la pièce.

-Monsieur Harrington, vous ne devez ignorer que le grand bal printanier de la reine Victoria arrive à grand pas.

Andrew, l'esprit toujours ailleurs, hocha la tête distraitement.

-Hmm... Il est bien tôt pour y penser, ce bal n'aura lieu que dans quelques mois.

La baronne était déconcertée face au manque d'enthousiasme du noble, elle qui espérait une quelconque branche à laquelle se rattacher. La jeune femme ne laissa pas déstabiliser pour autant. Elle s'approcha du marquis, papillonnant des yeux, prenant une profonde inspiration pour faire gonfler sa poitrine corsetée sous le regard peu scrupuleux d'Andrew.

-Andrew, que diriez-vous que nous y allons ensemble ? Je sais, c'est peu conventionnel que la proposition vienne d'une femme, mais au diable les règles de bienséance !

Andrew la regarda, médusé. Il était surpris par l'aplomb soudain de la noble qui lui avait paru si naïve lors de leur dernière rencontre. Un long sourire moqueur se dessina sur ses lèvres lorsqu'il comprit qu'elle était chaperonnée par sa mère. Elinor était une belle femme, éduquée, cultivée et de haut rang. Elle était tout ce dont un homme comme Andrew pouvait rêver mais l'idée même que la duchesse ait un quelconque rôle dans cette manigance, le rebutait invariablement. Il hésita un instant à la souiller et la renvoyer auprès de la Duchesse, cela aurait été une parfaite réponse aux manigances de sa mère.

Mais ses pensées revenaient sans cesse à Peter, et au plaisir intense qu'il avait ressenti entre ses cuisses. La voix de la baronne n'était qu'un murmure lointain face aux images qui lui revinrent en tête. Andrew n'avait qu'une idée, que cette conversation se termine rapidement pour rappeler le palefrenier dans ses quartiers.

-Madame de Montclare, je suis particulièrement flatté par votre invitation, et loin de moi l'idée de vous froisser, mais je ne doute pas un seul instant que ma mère a dû vous faire part de mon inimitié pour ce genre de représentations. Vous n'aurez aucun mal à trouver un gentleman qui sera à la hauteur de votre beauté.

C'était une façon subtile pour le marquis de faire comprendre à la jeune femme qu'il était parfaitement conscient de sa complicité avec sa mère.

Face au sous-entendu du marquis, Elinor lui adressa un sourire pincé, à son tour, une amère déception sur le visage.

-Très bien, Monsieur Harrington. Je comprends parfaitement, dit-elle avant de prendre une profonde inspiration, quel dommage...Mon père aurait été ravi de vous revoir, il voulait savoir quel homme était devenu le fils de son ami.

La baronne tira sa révérence avant de tourner les talons. Andrew l'observa, en silence, suspicieux, la jeune femme semblait être à bonne école avec sa mère. Le noble avait parfaitement conscience que la mort de son père était un parfait levier de manipulation, il n'était aucunement crédule.

Andrew poussa un long soupir en pensant à William Harrington, son père, cinquième Duc d'Ashford. Le regard du marquis se porta vers le tiroir du bureau dans lequel reposait la chevalière qui lui promettait un avenir déjà tracé. 

L'amant du Marquis Où les histoires vivent. Découvrez maintenant