Chapitre 26

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Peter planta sa pioche dans la montagne de purin.  Ses bottes s'enfoncèrent dans le sol bouseux, l'odeur du fumier envahit ses narines. Wilfried s'attelait à la même tâche dans un autre box pendant que Monsieur Blackburn charmait, comme à son habitude, une dame de chambre à l'entrée des écuries.
Plusieurs jours s'étaient écoulés depuis sa nuit passée avec le marquis et pour une raison obscure, Peter ne pouvait cesser d'y penser. Ces images lui tourmentaient l'âme et ce qu'elles lui provoquaient comme sensations, davantage. Le jeune palefrenier, pour son plus grand désarroi, ressentait un sentiment étrange, au-delà de la peur et de la honte, quelque chose d'inassouvi. Le garçon se demanda si les assauts du marquis n'avaient pas fini par lui faire perdre l'esprit. Il haïssait au plus profond de son être, tout ce que représentait cet homme qui lui avait fait vivre des sévices innommables, par pur plaisir. Mais malgré cela, le visage du marquis et la chaleur de son corps contre sa peau, le hantait affreusement. Peter appréhenda d'être à nouveau appelé par le marquis mais les jours s'écoulèrent et le noble ne se montra à aucun moment.
Le jeune palefrenier finit par croire les paroles de Lady Vickridge. Il suffisait qu'il se montre conciliant pour que l'attention du marquis s'évanouisse.

Les gloussements bruyants de la dame de chambre, courtisée par l'écuyer, rendait le travail du palefrenier davantage pénible. Peter, lassé d'être le larbin du vieil homme, était bien décidé à lui jouer un tour.

-Hé ! Wilfried, regarde un peu ça !

Wilfried s'interrompit pour observer le palefrenier, amusé. Peter prit une grosse pioche remplie de purin et de boue et la déposa juste devant la porte de l'écurie. Le garçon saisit une paire de gants et forma avec ses mains un petit monticule. Une fois terminé, il recula et prit une profonde inspiration pour crier de toutes ses forces.

-M'sieur Blackburn ! Dépêchez-vous, le marquis arrive au loin !

Peter n'eut pas besoin d'attendre pour entendre l'écuyer pestait un juron avant de rentrer à toutes vitesses. Le vieil homme entra précipitamment dans l'écurie et son pied glissa de plein fouet sur le tas bouseux. Monsieur Blackburn tomba à la renverse, poussant un hurlement digne d'un porcinet sur le point d'être abattu.
Peter et Wilfried explosèrent de rire devant le regard ahuri de l'écuyer.

-Vous deux, espèce de vauriens ! Comment osez-vous vous servir du Maître pour me tromper ? Vous allez me le pay...

Le visage de Monsieur Blackburn se décomposa lorsque son regard se porta derrière les garçons. Peter se tourna à son tour et déglutit sur place.
Le marquis se tenait à l'entrée des écuries, accompagnés de ses deux amis, Sir Henry Blake et Lord Whitmore.

Les hommes étaient tous trois vêtus d'ensembles de chasse, armés de fusils.

Bien que l'écuyer se tenait couché sur le sol, couvert de boue, le regard d'Andrew Harrington était braqué sur Peter. Il s'avança vers lui d'un pas déterminé.

-Alors comme ça tu m'utilises pour tes plaisanteries ? Pourquoi je ne suis pas surpris par ton insolence ?

Le regard du palefrenier était vissé au sol, le marquis l'intimidait tellement que sa seule présence lui donnait l'impression d'être écrasé.

-Excusez-moi, Monseigneur. Balbutia-t-il avant de se risquer à lever les yeux.

Il croisa le regard du marquis, qui bien que contrarié, trahissait une pointe d'amusement.
Andrew finit par s'écarter du palefrenier pour se diriger vers le box de son cheval. 

-Monsieur Blackburn, cessez vos âneries et habillez les chevaux de mes amis.

L'écuyer se précipita pour se relever, il secoua ses vêtements pour se débarrasser de la boue.

-Oui, bien-sûr Monseigneur ! Mais laissez-moi d'abord m'occuper de votre che-...

-Non, Blackburn, pas cette fois. Lui s'en occupera, il est plus rapide.

Andrew fit un mouvement de tête en direction de Peter qui blêmit. Le palefrenier n'osait même regarder Monsieur Blackburn qui devait probablement se sentir terriblement humilié. Le palefrenier se demanda encore à quel jeu sadique jouait le marquis, sachant pertinemment la jalousie de l'écuyer. S'amusait-il à voir Monsieur Blackburn se défouler sur lui ? Le garçon se hâta à sa tâche, souhaitant mettre un terme à l'abaissement du vieil écuyer, sous le regard attentif du noble.

-Et habillez un cheval de plus. Le garçon vient avec nous. Nous avons besoin de quelqu'un pour porter les sacs pour notre chasse à courre.

Peter ne put s'empêcher de se tourner vers Andrew, le regard ahuri, ne comprenant pas ce qui justifiait un tel privilège. Ce dernier s'approcha de lui, à seulement quelques centimètres de son visage.

-Pourquoi cet air si surpris ? Il me semblait que tu étais à l'aise avec les chevaux. Susurra le marquis à l'oreille du palefrenier.

L'amant du Marquis Où les histoires vivent. Découvrez maintenant