Chapitre 30

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La nuit était tombée sur le domaine d'AshFord, les écuries étaient plongées dans une semi-obscurité, seules quelques lanternes répandaient une lumière tremblante sur les murs de pierres. Peter rangeait les derniers outils et fourrageait les stalles, chaque bruit résonnant dans le silence oppressant de la nuit. Il était seul dans les écuries, Monsieur Blackburn s'était hâté de terminer sa journée de travail après son humiliation et Peter avait congédié Wilfried une heure auparavant.

Le cœur du jeune palefrenier battait à tout rompre à l'idée de ce qui l'attendait dans très peu de temps, dans les quartiers du marquis. Le garçon ne cessait de rejouer dans sa tête la demande du noble, sa voix basse et son souffle brûlant contre son oreille. La peur s'immisçait dans ses entrailles, mêlée à une curiosité honteuse.

Alors que Peter fermait la porte de l'une des stalles, un bruit sourd retentit derrière lui. Il sursauta et se retourna vivement, les yeux écarquillés. Une silhouette se dessinait dans l'obscurité, le palefrenier plissa les yeux pour la reconnaitre. Monsieur Blackburn. L'homme tanguait sur place, une bouteille de rhum à la main. L'air de l'écurie empesta rapidement l'alcool fort. Un mauvais pressentiment envahit le palefrenier. Le vieil écuyer leva son index en direction de Peter.

-Toi, commença t'il l'air menaçant, tu crois que je ne sais pas à quoi tu joues ?

Peter leva les bras en l'air, tentant de calmer l'homme en face de lui.

-M'sieur Blackburn, vous avez trop bu ce soir, je ne sais pas de quoi vous parlez !

Les traits de l'homme se déformèrent en un hideux rictus, son regard était trouble.

-Ferme-là ! Tu crois que je ne vois pas ce qu'il se passe entre le marquis Harrington et toi ? Tout le domaine sait que tu as été traîné dans les quartiers du Maître le soir de la cérémonie et je t'ai vu lui faire les yeux doux tout à l'heure. Tu t'es attiré ses faveurs en le séduisant, espèce de putain !

Monsieur Blackburn s'approcha dangereusement de Peter, ce dernier tenta de reculer mais se retrouva rapidement dos au mur. L'écuyer l'agrippa brutalement par la nuque, d'une poigne de fer, le garçon suffoquant entre ses doigts.

-Quarante ans que je travaille pour cette famille et tu crois que je vais me laisser faire éclipser par un bas de naissance comme toi ?

Le palefrenier se débattait de toutes ses forces entre les bras de l'écuyer mais l'homme était trop robuste. Monsieur Blackburn resserra sa prise autour de la trachée du garçon, il approcha son visage du sien, Peter sentait son haleine nauséabonde. Le vieil homme passa sa langue ses lèvres, ce geste donna un haut le cœur au garçon.

-Alors ce sont ces lèvres qui ont embrassé celles d'un noble, hein ? J'imagine qu'il doit y avoir chez toi quelque chose de suffisamment appétissant pour attirer l'attention du Maître.

Monsieur Blackburn ne laissa pas le temps à Peter de répondre, sa main libéra enfin sa gorge pour se plaquer violemment contre l'entre jambe du garçon qui poussa un cri de douleur. Le vieil homme écrasa ses testicules entre ses doigts à travers le tissu de son pantalon, un sourire malsain sur les lèvres.

-Je serai curieux de goûter à ton corps...

Peter hurla un juron à l'homme qui lui répondit par un violent coup de poing. Le palefrenier s'effondra au sol, à moitié sonné. L'écuyer en profita pour lui sauter dessus, il plaqua ses poignets au sol d'une main et de l'autre déboutonna son pantalon. Peter était sur le point de s'imaginer vivre un nouvel assaut lorsque la porte de l'écurie s'ouvrit brusquement. Le palefrenier tourné vers le sol ne pouvait voir la scène qui se tenait derrière lui mais il entendit le pas de deux hommes entrer dans la pièce. Il sentit le poids de l'écuyer contre son corps s'écarter de lui.

-M-Monseigneur, je vous en prie ! Pardonnez-moi !

Peter put enfin se retourner et découvrit Monsieur Blackburn supplier à genoux Andrew qui se tenait debout, un garde à ses côtés. Le marquis tenait une épée à la main pointée en direction de l'écuyer. Le regard du noble brûlait de colère, son corps entier tremblait.

-Décidément Blackburn, votre vie n'aura été qu'une succession de déceptions, dit le marquis sur un ton glacial.

Il ne laissa même pas le temps de répondre à l'homme qui avait travaillé pour lui toute sa vie, d'un geste sec, il leva le bras et trancha la gorge de Monsieur Blackburn. Le sang jaillit de la fine incision, se propageant sur le sol glacial en pierres. Le corps inanimé de l'écuyer s'effondra tel une poupée de chiffon. Le noble regarda la scène, impassible. Ce vieux crouton de Blackburn n'allait pas lui manquer. Il était aussi rapide qu'une tortue et ne cessait de le noyer dans d'insupportables flagorneries à chaque fois qu'il le voyait. Andrew poussa un long soupir, brisant le silence assourdissant qui avait envahi les lieux.

-Et bien mon garçon, j'étais venu pour te corriger, pensant que tu t'étais encore défilé. Mais il semblerait que tu aies une bonne raison à ton retard à notre rendez-vous. Dit le marquis en essuyant sa lame à l'aide de son mouchoir de soie.

Devant le silence du domestique, le marquis se tourna vers lui et le découvrit couché dans les pailles, inconscient. Andrew sourit discrètement, cela ne l'étonnait guerre que ce garçon de la campagne ait tourné de l'œil à la vue d'une exécution à mort.

Andrew se tourna vers son garde.

-Amène le dans mes quartiers, et demande à l'un de tes hommes de se débarrasser du corps.

Le marquis s'agenouilla devant le corps du palefrenier. Du bout des doigts, il caressa tendrement la joue du garçon.

-Cette fois on dirait bien que tu me dois la vie, Peter.

L'amant du Marquis Où les histoires vivent. Découvrez maintenant