Chapitre 6

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Andrew se réveilla en sursaut dans son lit, le corps couvert de sueurs froides et le cœur battant à un rythme effréné.

Ces images qu'il essayait d'oublier depuis son retour de Crimée, ne cessaient de le hanter nuit après nuit. Ces hommes hurlant à la mort, les pleurs des enfants, les explosions des canons tambourinaient dans son esprit à chaque fois qu'Andrew fermait les yeux.

Je vais finir par perdre l'esprit, une bonne fois pour toutes si ça continue comme ça. Pensa le Marquis.

A ses côtés, le corps nu d'un jeune homme endormi. Le marquis donna un violent coup de coude à son partenaire d'une nuit pour le sortir des bras de Morphée.

-Fiche le camp, immédiatement. Dit-il d'un ton sec.

Le garçon dont Andrew ignorait même le prénom, s'extirpa du lit nonchalamment, encore à moitié dans son sommeil. Il se rhabilla en silence avant de quitter la chambre, laissant le noble seul avec ses tourments.

Cette solitude, Andrew en avait besoin, elle était devenue sa plus vieille et fidèle amie avec le temps.

Il s'habilla hâtivement avant de rejoindre les écuries du domaine. Ses insomnies étaient devenues si fréquentes qu'il avait pris l'habitude de chevaucher dans la nuit, cherchant à fuir des fantômes qu'il n'arrivait pas à dompter.

Andrew remarqua immédiatement que quelque chose n'allait pas lorsqu'il pénétra dans les écuries. Une lampe d'huile était toujours allumée, et la porte d'un des box était grande ouverte. Comme si quelqu'un venait de quitter les lieux ou compter y revenir très prochainement. Or cela était impossible à cette heure-ci. Le noble soupira, excédé lorsqu'il comprit que l'écuyer avait sûrement dû commettre un oubli.

Cet incapable de Monsieur Blackburn va m'entendre demain ! Il aurait pu provoquer un incendie avec cette lampe !

Le marquis souffla sur la flamme pour l'éteindre avant de monter en scelle son pur-sang qui l'attendait impatiemment.

Dans l'obscurité de la nuit, Andrew se laissa porter par son étalon noir, les sabots du cheval résonnant sur les pavés humides du domaine. La brise froide apaisait l'esprit enfiévré du Maître. Alors qu'il s'enfonçait dans les terres, en direction des ruines du domaine, il aperçut au large une silhouette agenouillée à côté d'un étalon attaché à un arbre. Le marquis contracta sa mâchoire, la colère le gagna peu à peu. Il se demanda qui était assez fou pour défier les règles du manoir et faire du cheval au beau milieu de la nuit.

Sa colère se transforma en rage lorsqu'il s'approcha et reconnut une de ses juments, celle au pelage gris clair.

Qui que tu sois, tu es un homme mort. Pensa-t-il, le sang bouillonnant dans son corps. Aucun de ses domestiques n'aurait osé un pareil affront.

Andrew tira violemment sur les rennes de son cheval pour le faire accélérer.

Le marquis, arrivant à tout allure, prit de cours la silhouette qui n'eut pas le temps de remonter sur la jument pour s'échapper. Le voleur était pris au piège.

Il fallut encore quelques mètres pour qu'Andrew finisse enfin par reconnaître la personne.

Cette silhouette frêle lui était familière.

C'était cette chose qu'il avait déjà croisé dans les écuries. Ce garçon pittoresque, toujours recroquevillé sur lui-même, comme s'il espérait se faire oublier du monde entier.

Ses grands yeux bleus, habituellement tournés vers le sol, s'ouvrirent en grand lorsqu'il reconnut le Maître.

Peter se figea de terreur lorsqu'il vit le marquis s'avancer vers lui. Il n'avait pas envisagé un seul instant que le Maître lui-même puisse le surprendre, il vivait un véritable cauchemar éveillé. Le jeune palefrenier se mit à trembler de tout son corps lorsque ce dernier descendit de son cheval et dégaina son épée. Le noble pointa le bout de sa lame contre la nuque du garçon. Peter avala difficilement sa salive, la pointe de l'épée s'enfonça légèrement dans sa chaire et une goutte de sang perla le long de sa peau.

Il va m'abattre froidement tel un animal, je suis perdu. Pensa-Peter. Sa vie n'avait pas la moindre valeur aux yeux du noble et il venait de lui dérober son propre cheval dans sa propre demeure, il n'avait aucune chance de survivre.

Peter s'agenouilla, joignant ses poings en l'air, suppliant le noble de l'épargner. 

L'amant du Marquis Où les histoires vivent. Découvrez maintenant