Chapitre 29

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Les hommes rentrèrent de leur chasse en fin d'après-midi. La chasse avait été fructueuse, ils avaient abattu deux biches et trois renards. Peter était épuisé par ces longues heures passées à attendre sur son cheval. Lorsqu'ils arrivèrent dans les écuries, Monsieur Blackburn se précipita pour descendre les gibiers abattus pendant que Wilfried déshabillait les chevaux.

-Laissons les domestiques se charger de vider les bêtes et allons festoyer dans vos quartiers, lança Sir Henry Blake, une pointe de mépris dans sa voix.

Andrew resta silencieux. Il observa Monsieur Blackburn ordonner brusquement aux garçons de s'armer de couteaux pour couper les chairs. La maladresse de Peter attira l'attention du marquis, le garçon semblait hésitant devant le corps du renard qui se tenait devant lui.

L'écuyer vociféra des menaces au domestique qui d'un geste incertain, planta le couteau dans l'animal. Le palefrenier poussa un cri de douleur avant de porter son index à ses lèvres. Le vieil écuyer redoubla ses remontrances, des postillons jaillissants de sa bouche.

-Allez au manoir, je vous rejoins dans peu de temps.

Sir Henry Blake et Lord Whitmore, ravis de pouvoir enfin se prélasser après leur pénible partie de chasse, ne se firent pas prier pour quitter les écuries.

Andrew se dirigea vers Peter et s'accroupit à ses côtés. Peter, terriblement intimidé par cette soudaine proximité, sentit une étrange vague de chaleur l'envahir.

-Blackburn, occupez-vous de la biche.

L'écuyer regarda son Maître, hébété, avant de finalement se lever, résolu.

Peter retint un cri de surprise lorsque le noble prit sa main, non sans une certaine brusquerie. Andrew sortit un mouchoir de la poche de sa veste et l'attacha autour du doigt blessé du garçon.

-Tu es si maladroit ! Dit le marquis, l'air agacé.

Peter l'observait, abasourdi. Il ne comprenait pas le comportement du marquis, lui qui d'ordinaire s'était toujours montré violent envers lui.

Andrew se débarrassa de sa veste et retroussa élégamment les manches de sa chemise. Il passa une main dans ses cheveux pour coiffer une mèche rebelle qui tombait sur ses yeux. Le marquis tendit sa main en direction du palefrenier.

-Le couteau. Je vais te montrer comment faire. Si tu veux être un homme, tu dois savoir ce genre de chose.

Peter, obéit, partagé entre le malaise provoqué par la proximité avec cet homme qui lui inspirait tant de crainte, et la curiosité de recevoir une leçon d'un noble qui semblait maîtriser à la perfection les arts de la vie.

D'un mouvement fluide, Andrew planta la pointe dans l'abdomen de l'animal, juste sous les côtes, et glissa lentement la lame vers le bas, traçant une ligne nette jusqu'au bas-ventre. Le geste était assuré, presque élégant, comme celui d'un artisan dans son atelier.

- Le couteau doit être incliné, pas trop profondément, juste assez pour trancher la peau sans percer les entrailles.

Le ton du marquis était calme, presque pédagogique, comme celui d'un professeur d'école.

Peter, agenouillé à ses côtés, observait attentivement, fasciné. Chaque mouvement semblait naturel, presque instinctif, alors que le marquis glissait ses doigts sous la peau du renard, détachant les tissus sans effort apparent. Le garçon était à chaque fois impressionné par l'habileté d'Andrew, il semblait être né pour être doué en tout. Le palefrenier avait du mal à se l'avouer, mais il vouait une certaine admiration pour le noble.

-Monseigneur, où avez-vous appris à faire cela ? N'est-ce pas cela une tâche ingrate pour les domestiques ?

Andrew releva brièvement les yeux vers Peter, son regard était sombre mais cette fois ce n'était pas quelque chose d'effrayant, le garçon semblait y voir une pointe de tristesse.

-Mon père m'a appris qu'un vrai chasseur vide lui-même ses proies. C'est ainsi qu'il respecte son gibier.

Peter, les joues rougies par le froid hocha silencieusement la tête. C'était la première fois qu'il réalisa que ce n'était pas qu'un Duc qui était mort quelques mois auparavant, c'était également un homme qui avait laissé un fils endeuillé. Le palefrenier se sentait soudainement stupide de n'avoir pu imaginer qu'il existait ce genre de lien chez les nobles aussi. Leurs titres les déshumanisaient complètement aux yeux du peuple. Peter vit en Andrew, non un marquis, mais un jeune homme peiné par la perte brutale d'un père qu'il semblait aimer.

Peter contemplait l'attention méticuleuse d'Andrew, qui retirait délicatement les viscères pour les poser sur le côté.

Peter se demanda alors s'il était possible qu'Andrew ait été quelqu'un de différent, autrefois.

Une fois l'animal complètement éviscéré, l'attention du marquis se porta à nouveau sur le palefrenier. Il avait repris son habituel sourire malsain. Le noble se pencha vers le domestique, ses lèvres effleurèrent son oreille.

-Viens dans ma chambre, ce soir à minuit. Cette fois, ce sera toi qui me videra.

L'amant du Marquis Où les histoires vivent. Découvrez maintenant