Chapitre 27

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Les silhouettes des quatre hommes à cheval disparurent dans la brume, telles des fantômes. Les chiens de chasses les suivaient de prés. Les sabots des étalons et les aboiements des chiens retentissaient dans les plaines du domaine.

Les hommes s'enfoncèrent dans la forêt, fusils à la main, guettant la présence de renards ou autres nuisibles. Peter se tenait à l'écart, quelques mètres devant les nobles. Andrew lui avait ordonné de se faire le plus discret possible et se contenter de fournir les cartouches et ramasser le gibier abattu. De longues heures s'écoulèrent, où les hommes devaient rester statiques, au milieu des bois, à l'affût du moindre bruit.

Le jeune palefrenier, vêtu trop légèrement, frissonnait sur son cheval. L'hiver n'était toujours pas terminé et cette journée était particulièrement froide.

Les ruines du domaine apparaissaient au large, transperçant le brouillard, comme une oasis perdue au milieu du désert.

-Pourquoi fixes-tu ces ruines ? Cela te rappelle-t-il notre baiser ?

Peter sursauta, le marquis se tenait derrière lui, un sourire moqueur sur les lèvres. Ses railleries firent rougir le palefrenier de honte, heureux que ses amis soient trop éloignés pour les entendre.

-Non, Monseigneur, j'étais simplement intrigué par ces vestiges, ils semblent figés dans un autre temps.

Le regard d'Andrew se rejoignit à celui de Peter, et observa à son tour les lugubres murs de pierres.

-Les domestiques me contaient une légende autour de ces ruines lorsque j'étais enfant, commença-le marquis, légèrement songeur. On raconte qu'elles sont hantées par le fantôme d'une domestique, depuis des siècles. Cette dernière, tombée éperdument amoureuse d'un noble, tenta d'empoisonner sa femme. En vain, elle décida de se donner la mort, à cet endroit, qui était autrefois sa maison, pour hanter le noble et ses descendants pour l'éternité.

Le corps de Peter frissonna à nouveau, mais cette fois ce n'était pas à cause de la température. Le palefrenier avait déjà entendu parler de cette terrifiante histoire, dans les couloirs des dortoirs. Lady Vickridge se hâtait systématiquement de faire taire les hommes lorsqu'ils l'évoquaient. Le palefrenier observa son Maître, perdu dans ses pensées. Il s'étonna de cette subite confession, bien que futile qu'elle soit.

-Et vous, Monseigneur, le croyez-vous ? Votre famille serait-elle maudite par cette femme ?

Le ton du domestique dévoilait un certain sarcasme dans sa question. Andrew était sans aucun doute, à ses yeux, un homme maudit. Le noble, hésitant, scruta Peter un instant avant de répondre, un sourire narquois sur les lèvres.

-Tu devrais savoir que je ne suis pas du genre à croire aux histoires imaginaires.

Le palefrenier comprit l'allusion du noble à sa propre foi. Il était sur le point de rétorquer lorsqu'ils entendirent un coup de canon retentir dans la forêt. Des dizaines de corbeaux s'envolèrent des branches d'arbre dans de sinistres croassements. La voix de Lord Whitmore se fit entendre.

-J'ai eu une biche ! Que le palefrenier vienne la récupérer !

Peter sauta sur l'occasion pour s'éloigner d'Andrew, et suivit à galop les chiens qui se précipitaient vers la carcasse. Le palefrenier descendit du cheval, et non sans une certaine peine, hissa le corps de l'animal sur son cheval. Les trois nobles le rejoignirent, quelques minutes plus tard. Sir Henry Blake, observait le garçon, un sourire malsain sur les lèvres. Peter n'aimait pas la façon dont le noble l'observait depuis le début de la partie de chasse. Il décida de l'ignorer, n'étant guère étonné que les amis du marquis soient également des malotrus.

-Et bien, on peut dire que ce bas-de-naissance sait tenir des rennes. Il semblerait être presque aussi doué que vous, cher Andrew. Lança-Lord Whitmore.

Le palefrenier ne put s'empêcher de sourire, flatté, jusqu'à ce qu'il entende le marquis rire grassement, moqueur.

-Allons donc ! Comment pouvez-vous me comparer à ce cul-terreux ? J'ai dirigé les unités de cavalerie de l'armée anglaise pendant qu'il tirait des charrettes de foin dans sa campagne.

Les nobles rirent aux éclats pendant que le pauvre palefrenier se sentait terriblement humilié par les railleries du noble. Son corps entier tremblait, révolté d'être encore la cible du mépris de ces hommes corrompus. Il relava la tête et planta son regard dans celui du marquis qui reprenait à peine son sérieux.

-Je ne pense pas être plus rapide que vous, Monseigneur, j'en suis certain.

Le sourire du marquis s'évanouit complètement devant l'affront de son domestique. Sa colère s'accentua lorsqu'il entendit les acclamations de ses amis.

-Alors là, vous n'aviez pas menti concernant votre palefrenier mon cher, ce vaurien ne manque pas d'aplomb !

Andrew ignora la remarque de son ami et fusilla du regard Peter.

-D'ordinaire, ton insolence me distrait mais cette fois, tu vas beaucoup trop loin. Je te punirai à notre re...

-La seule façon de me prouver que j'ai tort, Maître, interrompit-Peter, est de me battre à la course. Le premier qui arrivera aux ruines, l'emportera.

Le Sir et le Lord se mirent à siffler pour encourager leur ami. Ces derniers étaient ravis de cette distraction inattendue. Le torse du marquis se souleva au rythme de sa respiration, de plus en plus saccadée.

-Que risquez-vous, Maître ? De vous faire battre par un simple palefrenier ? Surenchérit-Peter.

La mâchoire d'Andrew se contracta devant les provocations du domestique. Il jeta un rapide coup d'œil à ses amis qui les observaient, amusés. Le marquis s'approcha de l'oreille de Peter.

-Très bien, faisons cette course. Mais je te préviens, lorsque je t'aurai battu et que nous serons rentrés au manoir, je te ferai amèrement regretter ton arrogance.

L'amant du Marquis Où les histoires vivent. Découvrez maintenant