Chapitre 31

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Peter émergea lentement de son sommeil. Le feu de cheminée et la douceur des draps de soie contre sa peau l'enveloppaient dans une chaleur réconfortante. C'était une sensation à laquelle il n'était pas habitué, lui qui dormait d'ordinaire sur une paillasse rugueuse dans une chambre glaciale. L'odeur agréable de la pièce, mêlant des effluves de bois précieux et de délicieux mets cuisinés flottaient dans l'atmosphère. Pendant un bref instant, le garçon se permit de se sentir bien, de croire qu'il était ailleurs, dans un monde où le danger ne rôdait pas constamment.

Mais ce sentiment s'évanouit rapidement lorsqu'il ouvrit les yeux. La réalité lui revint brutalement en mémoire. Il était dans la chambre du marquis Andrew Harrington.

-Te voilà enfin réveillé, j'ai bien cru que tu allais roupiller toute la nuit.

Le marquis était installé derrière son imposant bureau en bois massif. Il tenait entre ses doigts une plume d'oie qui courait sur des feuilles de papier. Il parlait sans le regarder, les yeux rivés sur ses courriers.

Peter remarqua avec un soupçon d'angoisse qu'on l'avait lavé et changé. Il se redressa difficilement sur le lit et des souvenirs sombres lui revinrent à l'esprit. Le noble avait abattu froidement Monsieur Blackburn sous ses yeux. Même si l'écuyer était loin d'être un homme honorable, Peter ne pouvait s'empêcher d'être terrorisé à l'idée qu'Andrew puisse enlever la vie d'une personne sans le moindre état d'âme.

-Monseigneur, commença-t-il d'une voix éraillée, Monsieur Blackburn, pourquoi l'avoir tué ?

Le marquis s'interrompit dans sa tâche pour relever enfin la tête vers le domestique. Il le regardait, dubitatif, avec une pointe d'agacement.

-Oh ? Tu aurais peut-être préféré que je le laisse abuser de toi ?

Des images de l'homme sur le point de se déshabiller au-dessus de lui revinrent à Peter, une vague de dégoût l'envahit. Il secoua vivement la tête.

-Non, bien-sûr que non. Mais...Monseigneur, il travaillait pour votre famille depuis tant d'années. Pourquoi l'avoir tué froidement pour son comportement envers moi ?

Andrew regarda silencieusement Peter. Même si les traits du noble demeuraient impassibles, son regard trahissait un certain tourment.

-Parce qu'il était trop lent. Je voulais m'en débarrasser depuis longtemps, ce soir n'était qu'un prétexte pour le faire.

Le ton du noble était toujours aussi glacial. Peter ne savait pas pourquoi, mais il ressentit une sorte de déception. Il se trouvait terriblement stupide d'avoir pu imaginer, le temps d'un instant, qu'il aurait pu en être la raison.

-Oh...oui, bien-sûr mon seigneur. Et bien, je-je ne vais pas vous déranger plus longtemps.

Hésitant, il s'extirpa du lit pendant que le noble était à nouveau plongé dans ses courriers. Il marcha, chancelant, jusqu'à la porte mais la voix d'Andrew retentit.

-Qui t'a donné l'autorisation de partir ? Assieds-toi à table et mange.

Peter suivit le regard du noble jusqu'à la table à manger de ses quartiers, d'où venaient ces délicieuses odeurs. Les yeux du garçon s'écarquillèrent devant le festin qui se tenait devant lui. Au centre, trônait l'un des gibiers qu'ils avaient abattu le jour même, sa peau dorée et croustillante, encore fumante, parsemée de fines herbes aromatiques. Des huitres fraîches, posées sur un lit de glace, scintillaient à la lumière des bougies. Des asperges délicatement blanchies, nappées d'une sauce hollandaise baignaient dans du beurre à la truffe. La table n'en finissait plus, des fruits exotiques, comme des dattes ou du raisin, des pâtisseries fines et un plateau de fromage complétaient l'ensemble.

-Mon-Monseigneur, je ne peux pas manger de telles choses !

Peter s'approchait de la table, fasciné par tous ces mets qu'il n'aurait jamais un jour imaginer goûter. Le garçon s'était accommodé à la nourriture des domestiques qui étaient majoritairement composée de pain rassis et de riz blanc.

-Ne sois pas stupide, ce ne sont que mes restes. Regarde-toi. Tu es aussi maigre qu'un clou, c'est pour cela que tu tombes dans les pommes à la moindre occasion. Tu ne quitteras pas cette pièce avant d'avoir mangé.

Devant l'autorité du marquis, Peter se laissa tomber sur un siège autour de la table. Il commença à manger en silence, dégustant avec une lenteur prudente chaque aliment que son palais n'avait encore jamais goûté. C'était une explosion de saveurs dans sa bouche. Le jeune palefrenier ne savait plus où donner de la tête, s'il avait pu, il aurait englouti toute la table. Dire que pour lui, ce n'est qu'un repas quotidien parmi tant d'autres. Pensa-Peter. Il ne pouvait qu'envier l'opulence dans laquelle vivait le marquis, lui qui n'avait connu que la misère. Peter s'aventura à jeter quelques coups d'œil indiscrets en direction d'Andrew, qui se tenait quelques mètres plus loin.

La plume d'oie du noble glissait avec aisance sur le papier, dans un ballet élégant que Peter ne pouvait s'empêcher d'admirer en silence. Lorsque Andrew remarqua que les bruits de mastication du domestique avaient cessé, il releva la tête pour croiser le regard du domestique qui le fixait. Pris en flagrant délit, le garçon plongea ses yeux dans son assiette, les joues brulantes de honte. La respiration de Peter s'accéléra lorsqu'il entendit le noble se moquait de lui à travers la pièce.

-Pourquoi me regardes-tu sans cesse de cette manière ?

La question fendit l'air comme une lame invisible.

-Que voulez-vous dire Monseigneur ?

-Tu sais très bien de quoi je parle. Je t'ai vu m'épier, à plusieurs reprises, dans les écuries, ou bien encore lorsque j'étais avec mes amis dans les orangeries. Alors dis-moi Peter, que se passe-t-il dans cette jolie petite tête ?

Le cœur du domestique battait à tout rompre dans sa poitrine.

-Et bien Monseigneur, c'est parce que je vous trouvais si...élégant. Comme lorsque je vous vois écrire. Et cela malgré que vous soyez, sans le moindre doute, la personne la plus effrayante à mes yeux.

Peter parla au marquis droit dans les yeux, malgré que la honte le consumait. Il sentit son pouls accélérer lorsqu'il entendit le noble se levait de sa chaise. Il s'approcha de Peter, un sourire narquois sur les lèvres, sa plume toujours à la main. Le marquis prit place aux côtés du domestique.

-Alors comme ça, tu me trouves élégant, Peter ? Dit-il en déboutonnant la chemise du palefrenier.

Andrew prenait tout son temps, bouton par bouton, savourant la réaction du garçon qui s'affolait sous ses gestes. Le torse de Peter se soulevait de plus en plus fort au fur et à mesure que le tissu dévoilait sa peau nue et blanche. 

-Il y a un secret que tu dois savoir, j'ai une autre manière d'utiliser cette plume mais je ne suis pas sûr que tu la trouveras tout aussi élégante.

L'amant du Marquis Où les histoires vivent. Découvrez maintenant