Chapitre 10

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La lampe posée sur l'établis de l'écurie continuait de brûler lorsque le Marquis rentra.

Il descendit de son cheval, maladroitement, encore enivré de sa soirée. Il balaya les lieux du regard jusqu'à ce que son attention se porte sur une silhouette allongée sur le sol. Le jeune palefrenier était assoupi dans les pailles. Le noble s'approcha de lui mais le garçon ne se réveilla pas. Andrew en profita pour l'observer plus attentivement, le garçon passait son temps le visage rivé sur le sol. Il était surpris de voir une chose aussi vulgaire pourvue de traits aussi raffinés.

Impatient, le noble lui donna un coup de pied pour le sortir de son sommeil. Le garçon se réveilla en sursaut et lorsqu'il aperçut le marquis, il reprit son habituelle expression de petit animal terrorisé.

-C'est comme ça que tu m'accueilles ? Décidément, tu es bien insolent envers ton Maître.

Le palefrenier se releva, chancelant. L'état du marquis frappa le garçon. Ses vêtements étaient à moitié défaits et couverts de vin. Peter ne voulait pas s'imaginer à quel genre de débauches le noble s'était adonné.

-M-Monseigneur ! Veuillez m'excuser, je me suis assoupi sans m'en rendre compte. Je vais m'occuper de votre cheval.

Le garçon se précipita vers l'étalon, heureux de pouvoir s'éloigner du marquis. Une boule d'angoisse se tordait dans son estomac, être seul avec le noble représentait un énorme danger pour lui.

Il se hâta de défaire les rennes du cheval et les suspendit à un crochet. Andrew continuait de l'observer, en silence ce qui tourmentait d'avantage le garçon. Pourquoi reste-t-il ici ? Pourquoi ne rentre-t-il pas au manoir ? Le corps du garçon fut pris de tremblements lorsqu'il entendit les pas du noble s'approcher de lui. Le noble s'arrêta juste derrière lui, dans son dos. Peter sentit le souffle du marquis contre sa nuque, lui donnant la chair de poule sur l'entièreté de son corps.

Le palefrenier ne s'arrêta pas pour autant dans sa tâche, la respiration haletante, priant pour que le noble fasse demi-tour et le laisse tranquille.

-Tu as aimé ce que je t'ai fait l'autre soir ?

La voix d'Andrew était grave et autoritaire à la fois. Son ton menaçant sous-entendait qu'il n'y avait qu'une réponse possible. Peter ferma les yeux, une larme coula le long de sa joue. Il prit une grande inspiration avant de répondre. Peu importe le prix ou son statut, il n'allait pas succomber aux perversités de cet homme.

-Non Monseigneur, dit-il d'une voix faible. J'ai trouvé ça dégoutant, c'est une...abomination.

Le marquis, stupéfait par l'aplomb du garçon, échappa un ricanement étouffé. Le palefrenier était sur le point de retirer la scelle du cheval lorsque le noble l'attrapa brutalement par les cheveux. Le garçon poussa un cri de surprise et d'effroi. Andrew renforça sa prise pour faire basculer sa tête en arrière, le forçant à le regarder dans les yeux.

-Tu es en train de dire que je suis une personne dégoutante ? Une abomination ?

Peter, bien que terrifié, défia son Maître du regard, les sourcils froncés. Face au silence du garçon qu'il prenait comme un avoue, la colère s'empara du noble.

-Je les connais les gens comme toi. Des simples d'esprit qui pensent que leur vertu peut les faire sentir supérieur à n'importe qui. Mais cela ne sont que des mensonges, propagés par l'Église, pour satisfaire les bas de naissance de leurs misères. La vérité est, qu'il est bien facile pour un homme de ne pas succomber à la luxure, lorsqu'il n'y a jamais été exposé. La vérité est que, la vertu n'est que la triste récompense d'une vie misérable, vide d'expériences pour un Dieu que personne ne voit. La vérité est que le paysan le plus vertueux deviendrait l'homme le plus dépravé s'il devenait riche.

Peter écoutait le noble, la respiration haletante, effaré par ses paroles. C'était la première fois qu'il entendait de tel discours où l'on parlait du divin de cette façon. De tels paroles abominables.

Le marquis lui paraissait bien plus corrompu qu'il n'avait pu l'imaginer.

-En veux-tu la preuve ? Tes hommes d'Église pour qui tu voues tant d'admiration, dès lors qu'ils acquissent un peu de pouvoir, je les croise dans les bordels, ils font la fête avec moi au nom de la vertu des miséreux !

Le marquis s'esclaffa devant l'air ahurie du garçon. Ce dernier fut pris d'une rage folle face aux paroles blasphématoires du noble. Des images du révérend de son village, John Cartwright, lui revint à l'esprit. Il était inconcevable pour Peter qu'un homme de son intégrité se fasse salir par un hédoniste.

-Taisez-vous ! Comment osez-vous parler des hommes d'Église de cette façon ? Grâce à Dieu, tous les hommes ne sont pas consumés par la luxure comme vous l'êtes !

Le sourire du noble se fana sur son visage pour laisser place à la colère. Il frappa le garçon d'un coup de poing, l'envoyant au sol.

-Comment oses-tu me parler de la sorte?

Pendant que Peter suffoquait, le marquis s'agenouilla pour lui faire face, il le saisit à nouveau par les cheveux. Ses traits étaient déformés par une haine profonde.

-Il me semble que tu as oublié que je suis le futur Duc d'AshFord, ma famille est proche de la reine. Je pourrais te tuer, là, tout de suite, absolument personne n'oserait me poser la moindre question, surtout pour un cul-terreux dans ton genre. D'autres sont morts pour bien que cela.

Les larmes coulaient abondamment sur les joues du garçon, il se sentait terriblement impuissant face au noble. Dans un dernier élan de courage, il ne quitta pas le Duc du regard, lui transmettant silencieusement tout son mépris pour lui. Andrew lui répondit par un sourire sadique.

-Si tu savais comme ce regard me plait. Puisque tu ne vis qu'à travers ta vertu, voyons ce qu'il se passera si je te l'arrache.

L'amant du Marquis Où les histoires vivent. Découvrez maintenant