Chapitre 38

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La duchesse Margaret Harrington pénétra les couloirs du manoir d'Ashford, un sourire énigmatique au coin des lèvres. Lady Vickridge accueillit sa Maîtresse à l'entrée des quartiers d'Andrew Harrington. La noble ne daigna pas saluer la gouvernante, elle lui vouait un profond mépris depuis des années. La duchesse se demandait bien pourquoi son fils s'obstinait à garder cette femme, aussi vieille qu'une antiquité, dans son domaine.

-Où, diable, est-il ? Pourquoi mon fils ne daigne t-il pas m'accueillir ?

Lady Vickridge laissa son habituel expression impassible pour un malaise palpable.

-Madame Harrington, et bien, il est enfermé dans ses quartiers depuis deux jours, je dois vous avouer que je suis inquiète...

La duchesse leva les yeux au ciel, soupirant d'exaspération.

-Ne soyez pas si émotive, Lady Vickridge. Poussez-vous.

Margaret Harrington ouvrit la porte de la chambre du marquis, et sans surprise, elle découvrit son fils dans une scène de débauche. Andrew était allongé dans son lit, inconscient, entouré de trois femmes dénudées. Des bouteilles de vin jonchaient le sol et un parfum d'opium planait dans la pièce. La duchesse qui brûlait de colère devant la dépravation de son fils qui ne s'en cachait même plus, demeura d'apparence impassible.

Elle se tourna vers la gouvernante.

-Réveillez-le, immédiatement. Dîtes lui que je l'attends pour le souper dans le salon des invités. Et pour l'amour de Dieu, virez ces catins hors du domaine avant que je ne meurs foudroyée par la honte !

La duchesse se hâta de tourner les talons pour s'éloigner de ce spectacle malsain.

Après une longue heure d'attente, Andrew Harrington finit enfin par rejoindre sa mère dans les quartiers des invités. Elle était attablée devant un repas qui avait déjà refroidi. Lorsqu'elle vit son fils, débraillé et chancelant à la porte de la pièce, elle le foudroya du regard.

-Asseyez-vous, Andrew, nous avons à parler.

Le marquis, encore ivre, s'assit difficilement sur son fauteuil. En se frottant le crâne, il se servit une coupe de vin, espérant ainsi faire passer son mal de tête.  Marguaret Harrington, scruta son fils à l'autre bout de la table.

- Vous devez vous ressaisir, mon cher. Il est temps, Andrew, de commencer vos fonctions de Duc et assurer nos relations avec nos alliées. Si vous saviez, les efforts que j'ai dû mené pour que vos mœurs, bien trop connues, ne vous fasse pas emprisonner. Ce ne serait jamais arrivé sans mon amitié avec l'évêque impérial Ambrose Falkner.

Les traits du marquis se déformèrent par la rage qui le transcendait à l'entente de ce nom, qui résonnait en lui comme une immonde provocation.

-Ne me parlez pas de ce porc ! Mon père le haïss...

-Assez ! Hurla la duchesse. Sans lui, nous aurions été destitués de notre fortune et vous seriez en train de croupir au fond d'une cellule. C'est exactement pour cette raison que vous allez faire ce duel avec son fils dans quelques jours au club des gentlemans. Ce sera votre première représentation officielle. Vous irez, et vous perdrez ce duel.

Andrew écarquilla les yeux, le sang bouillonnant dans ses veines.

-Avez-vous perdu la tête, mère ? Son fils est aussi gras qu'un porcinet, personne n'y croira.

-Bien au contraire Andrew, elle est bien accrochée et vous devriez prendre exemple. Toute l'aristocratie sera là. L'Évêque Falkner est un homme puissant à la cour de la reine, il représente l'autorité ecclésiastique dans notre pays. Bien que ce combat sera un combat de courtoisie, l'enjeux politique, lui est bien réel. L'évêque veut à travers ce duel, redonner une image de puissance à l'Église qui se meurt face à la noblesse. Et quoi de mieux, que son fils qui bat le noble le plus sulfureux du pays ? L'image sera parfaite, et nous en retour, nous obtenons sa protection.

Andrew, écœuré par tant de manigances saupoudrées de bien-pensance, vida son verre d'une traite.

-Il en est hors de question. Je préfère mourir.

Le regard perçant de la duchesse se radoucit légèrement.

- J'ai eu vent de ce qu'il s'est passé avec Monsieur Blackburn. Vous avez assassiné notre cher écuyer pour un...pouilleux. Et c'est ce même bas-de-naissance qui vous a volé dans la nuit. Vous savez ce que vous devez en conclure mon fils ? Ne montrez jamais la moindre empathie envers les bas-de-naissance, sinon ils en oublieront leur place. Ces gens ne sont pas comme nous, Andrew, vous êtes un noble qui est sur le point de devenir le sixième Duc D'AshFord, quand est-ce-que vous l'avez enfin l'accepter ?

Andrew plongea sa tête entre les mains, les sourcils froncés. L'idée que sa mère avait raison lui était insupportable. Devant le silence de son fils, que la duchesse prenait enfin comme un signe de résilience.

-Quoi qu'il en soit, je suis soulagée de savoir que le garçon a été pendu. Cette folie est enfin terminée.

Marguaret Harrington se leva de son fauteuil, prête à quitter le domaine d'Ashford. Avant de sortir de la pièce, elle se retourna une dernière fois vers Andrew, toujours vautré dans son fauteuil, perdu dans ses pensées.

-Oh, et avant que je n'oublie, vous allez inviter cette ravissante baronne de Montclare à votre duel. Ce serait la parfaite occasion d'introduire votre amitié auprès de la noblesse...puisque vous la demanderez en mariage lors du bal de la reine.

Une heure plus tard, la duchesse Marguaret Harrington remonta dans son carrosse.

-Alors ? Qu'à t'il dit ? se hâta de demander La baronne Elinor de Montclare qui attendait discrètement dans le carrosse. 

La duchesse se retourna vers la jeune femme, un sourire sournois sur les lèvres.

-Notre plan se passe à merveille, ma chère. Il s'est débarrassé de cette...odieuse distraction et ne s'est pas opposé lorsque j'ai évoqué vos futures fiançailles. Ce qui, pour Andrew, revient à un accord tacite.  Préparez votre plus belle robe, car dans quelques jours, il vous invitera à l'accompagner à son duel.

Les yeux de la baronne s'ouvrirent comme des billes, elle était ivre de joie.

-Oh, Madame ! Quelle merveilleuse nouvelle ! Tout se passe exactement comme vous l'avez prédit. Votre idée de lui dérober sa chevalière pendant ma visite dans ses quartiers était brillante, il était si distrait que ce fut un jeux d'enfant.

Marguaret Harrington n'étant jamais en reste de flatterie, sourit à la jeune femme. Elle jubilait toujours de voir les gens s'émerveillait devant son esprit stratégique.

-Merci ma chère, dit la duchesse sur un ton suffisant. Mais rien de cela n'aurait été possible sans cette servante Mary Shelley, à qui nous avons remis la chevalière. Je ne regrette pas de la payer grassement depuis des mois. Andrew a malheureusement l'esprit si perverti qu'il aurait été capable de croire un bas-de-naissance. Il fallait que l'aveux vienne du garçon et pour cela, je dois admettre que son puritanisme dont j'ai eu vent, nous a bien rendu service. Ah ! Madame de Montclare, allons festoyer au nom de sa dévotion et de son sacrifice ! 

Les femmes rirent aux éclats pendant que le carrosse roulait dans l'obscurité de la nuit. 

N.B. : Dans l'église anglicane, les ecclésiastiques ont le droit de se marier et d'avoir des enfants, contrairement à l'église catholique romaine.

L'amant du Marquis Où les histoires vivent. Découvrez maintenant