J'aimerai garder le meilleur de ceux qu'on était ☁️

LXV.

Après cette session d'écriture, il gratte sa guitare un long moment, pour se détendre, mais également parce que ça lui inspire cette fameuse chanson, celle qui portera le titre de son album et qui sera un point final à ces quatre années d'errance, et le début d'une nouveau chapitre de de sa vie. Ce soir là, il s'endort tard mais apaisé, la tête pleine d'une mélodie joyeuse et rempli de promesses, et le cœur léger à d'avoir enfin réussi à se libérer. Il n'a désormais plus qu'une hâte, retrouver son amoureuse et lui faire écouter cette chanson, juste eux deux, sa guitare, et un avenir beaucoup moins effrayant puisqu'ils le partageront.

Ces deux jours sans Héléna et Rosalie s'écoulent plus vite qu'ils ne l'auraient cru, il a même réussi à se reposer et reprendre des forces pour le concert de ce soir, chez lui, et en présence de sa famille, notamment celle qui n'a pas encore pu le voir en concerts, et de ses amis, d'enfance, d'études mais également de composition. Il vient d'arriver au Zénith de Caen, et seul sur le parking de cette grande salle, du côté artiste, il sent sa gorge se nouer d'émotions et il retient les larmes qu'il sent monter.  Certes ce n'est pas la plus grande salle de la tournée, ce n'est pas une très grande ville non plus, mais c'est sa ville. Ici, dans cette salle, c'est là qu'il est aller voir son premier concert alors qu'il n'était encore qu'un enfant avec des étoiles plein les yeux de voir son artiste préféré performant face à une salle remplie de cris de joie et de voix en chœur qui chantent à tue-tête. Cette dans cette salle de concert, un soir de fête puisqu'il venait d'assister à son premier concert, qu'il s'est dit qu'il ferait tout pour faire pareil quand il serait grand. C'est là, que silencieusement, il s'est fait la promesse d'un jour venir dans cette salle pour entendre le public chanter ses propres chansons et mettre des étoiles dans les yeux des enfants aux rêves pleins la tête. Ce qu'il ne savait pas en revanche, c'est que parmi ces enfants, il y aurait la sienne, émerveillée de voir celui qu'elle nomme désormais « papa » chanter et briller sur scène, face à tous ces gens. Il est d'ailleurs sortie de ses pensées par cette enfant et son rire. Il entend un éclat de rire familier qui tout de suite lui réchauffe le cœur, et heureusement qu'elles arrivent à ce moment là, car sinon il aurait été capable de laisser couler une larme, et c'est la dernière chose qu'il souhaite, particulièrement un jour de concert. Il reste debout sans bouger encore quelques secondes, attendant qu'elle vienne d'elle-même vers lui en pensant l'avoir pris par surprise. Et c'est chose réussie, puisqu'à peine une fraction de seconde plus tard, il entend un petit saut, puis sent les mains de la fillette lui taper avec amusement le bas du dos, et enfin il l'entend éclater de rire. Suite à ce son il se retourne, l'air sûrement plus enjoué qu'il n'aurait voulu, puisque quand il se baisse pour saisir Rosalie par la taille et la faire virevolter, il voit Héléna les dévorer du regard, un regard rempli de fierté et d'amour. Rosalie dans les bras de son papa enlace sa taille de ses deux petites jambes et serre ses bras autour de son cou, comme si elle avait peur qu'il lui échappe. Elle rit plus fort, et automatiquement ses parents rigolent aussi, heureux de s'être retrouvés. Ils sont probablement trop pudiques pour se l'avouer, mais ils se sont terriblement manqué durant ses quelques jours, et la petite fille l'a bien fait savoir à sa mère. Pierre dépose un énième baiser sur la joue de sa fille, avant de la reposer au sol. Naturellement, ils se dirigent vers l'entrée des artistes du zénith pour ne pas faire se faire à nouveau gronder par Lucie, et pendant que Rosalie sautille en direction de la salle, Pierre ne peut dévier son regard de sa fille, à nouveau pleine de vie, et un sourire franc se dessine même sur son visage. Face à cette réaction et les retrouvailles de tantôt, Héléna aussi sourit, un grand sourire, lumineux, et pour la première fois depuis longtemps, sans un brin de fatigue. Elle se rapproche de son amoureux pour marcher juste à côté de lui, et saisit doucement son bras.

Héléna : Moi aussi, je suis contente de te retrouver...

Murmure-t-elle, toujours un sourire au coin des lèvres. Pour simple réponse, il lui rend ce sourire en coin et l'embrasse tendrement sur le sommet de la tête, en passant un bras derrière ses épaules.

Héléna : Tu sais, elle a beaucoup parlé de toi ces derniers jours.

Pierre, comme à son habitude, tente de paraître détendu et détaché, mais malgré cette façade, la jolie belge perçoit bien que cette révélation lui fait plaisir, bien plus qu'il ne l'avouera. Evidemment, elle en profite pour le taquiner.

Héléna : Tu sais, tu peux le dire que ça te fais plaisir qu'une gamine de trois ans et demi qui a le même rire de daronne que toi ai parlé que de toi pendant deux jours et qu'elle a même insisté pour avoir un nouveau t-shirt.

Au début, Pierre sourit simplement, mi-gêné et mi-amusé par cette vague de sentiments, puis, aux derniers mots d'Héléna, son regard se pose sur Rosalie, quelques mètres plus loin, assise sur un siège de la salle de spectacle, son gilet rose bonbon sur les genoux. Elle porte un t-shirt rose pastel, trop grand pour elle, noué à la taille sans doute par sa mère, mais surtout avec un gros logo blanc dessus. Le logo PG. Le jeune normand tourne brièvement son regard vers Héléna, qui lui fait un clin d'œil la tête et la main droite désormais posées sur son épaule. Pierre ne peut s'empêcher de laisser naître un sourire jusqu'aux oreilles, et il sent ses yeux s'humidifier. Lui qui n'envisageait même pas être un père un jour, le voilà à présent fort ému par une petite fille qu'il ne connaît que depuis quelques mois et qui sème déjà la pagaille dans son cœur. Jamais il n'aurait cru réussi à ressentir des sentiments si forts pour un petit être blonds avec de grands yeux bleus, une tache dorée dans l'œil, un rire craquant et, surtout, le t-shirt de son merch. Il tente de se ressaisir, se dit que c'est con d'être aussi ému par cette enfant et tout ce qui la concerne, et d'ailleurs Héléna semble lire dans ses pensées.

Héléna : C'est normal, tu sais. Ça fait bizarre au début, mais c'est ouf comme sentiment.
Pierre : Je, je pensais pas que c'était possible. Tu sais je voulais pas d'enfant à la base, alors...
Héléna : Je sais. Et moi non plus je pensais pas que c'était possible. Je l'ai toujours voulu, mais je pensais pas que ce serait... à ce point.

Ils échangent un sourire tendre, puis la jeune femme se recule légèrement, ancrant son regard dans celui de son amoureux.

Héléna : Elle t'as vraiment adopté maintenant. T'es son père, et c'est comme si elle le savait depuis toujours. Tu sais, je sais que t'as du mal avec tes sentiments, les exprimer, tout ça... Mais elle elle t'aime. À cet âge là on se rend pas compte, mais elle je t'assures qu'elle t'aime, tu comptes pour elle maintenant.
Pierre : Elle aussi elle compte pour moi. J'ai pas l'habitude de le dire, mais je t'assures qu'elle compte pour moi. J'ai vraiment eu peur pour elle ce week-end, je crois que je me suis rendu compte... C'est vraiment ma fille maintenant. Et je te promets que je ferai tout pour être à sa hauteur.
Héléna : Je sais. Je te fais confiance. Inconsciemment c'est toi que j'ai choisi comme père pour elle, c'est pas pour rien.

Ils restent là face à face, à se sourire, puis Héléna revient nicher sa tête dans le cou de Pierre, et il caresse doucement ses cheveux qui tombent en cascade en le long de sa nuque.

_______________________________________________________________________________________________