LVI.

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Quelques minutes passent, il y a comme un instant de flottement que ni l'un ni l'autre n'ose brisé, un instant nécessaire pour permettre à Pierre de digérer ce qu'il vient d'apprendre sur Rosalie, réfléchir au sort de sa fille avec ce handicap découvert un an après, digérer qu'Héléna lui ai caché ces informations essentielles, et lui pardonner. Héléna quant à elle a besoin de réaliser ce qu'elle vient de dire, le poids dont elle vient de se libérer et ce que cela représente pour l'avenir de sa fille, une pointe de culpabilité dans l'âme de ne découvrir ça que maintenant, après un an de douleurs pour Rosalie, sans même qu'elle n'ait pensé une seconde que Lucien puisse être à l'origine de ses souffrances. Elle sait que Pierre lui en veut, et il a le droit. Depuis qu'il est revenu dans sa vie ils avaient décidé d'être une famille, de se faire confiance, et c'est tout l'inverse. Évidemment, recommencer une relation avec son amour de jeunesse en sachant que quatre ans se sont écoulés et qu'un enfant est venu se glisser entre eux est loin d'être facile, mais elle pensait être capable de surmonter ça, qu'avec Pierre qu'elle connaît par coeur ça irait, que finalement, Rosalie ne ferait que les lier un peu plus. Mais pour l'instant c'est  l'inverse qui se produit. Héléna est devenue plus une mère qu'une femme ces derniers temps, notamment à cause de sa dernière relation tumultueuse, et elle réfléchit avant tout par rapport à sa fille que par rapport à ses envies ou ses sentiments. Rosalie est devenue un but à sa vie, quelque chose à quoi s'accrocher malgré tout, et le simple fait de l'imaginer malheureuse l'effraie. Encore plus si c'est à cause d'elle ou de ses choix. Elle pensait qu'en laissant Pierre rentrer à nouveau dans sa vie elle leur ferait du bien à toutes les deux, retrouver celui qui est le père de l'une et l'amour de toujours de l'autre. Loupé. Ce sont les deux personnes qu'elle aime le plus au monde, elle ne supporterait pas d'être à nouveau séparée du jeune homme mais détesterai décevoir sa fille et pour l'instant elle n'arrive pas à laisser la place qu'il mérite à Pierre, par peur et surtout par réflexe maternel. Ce réflexe qu'elle a développé et qui l'a faite devenir une lionne dès que quiconque ose s'approcher un peu trop de sa fille. Elle pensait être capable de faire tomber ses barrières avec Pierre, mais elle lui a caché quelque chose d'important sur Rosalie. À vrai dire ce n'était même pas volontaire. Elle s'est tellement haït d'aimer Lucien et de lui avoir confié la prunelle de ses yeux, tellement haït de rester malgré tout, et tellement haït pour les traumatismes que cela pourrait causer à Rosalie dans le futur, que son cerveau a fait un blocage sur cette période et a préféré effacer ce souvenir de la mémoire d'Héléna.

À présent, elle fixe une voiture turquoise en train de faire un créneau à une cinquantaine de mètre en face d'elle, la couleur brillant de mille feux à la lumière du réverbère, tout en s'allument une nouvelle cigarette pour se détendre, ordonner ses pensées. Elle sent le regard de Pierre sur elle, et elle sait qu'il lit en elle colle dans son livre ouvert. Et ça ne loupe pas, il pose un regard tendre sur elle, accompagné d'un sourire du même genre, avant de lui demander doucement, presque dans un murmure comme si, même ici loin des chambres de patients endormis, il risquait d'en réveiller.

Pierre : Hélé ?

Elle tourne lentement la tête vers lui pour fixer son regard et lui montrer qu'elle l'écoute, un sourire faible au coin des lèvres et la fumée toxique s'évaporant devant elle. Pierre connaît le regard d'Héléna depuis longtemps, il pensait s'y est être habitué, mais encore aujourd'hui ça le déstabilise. Alors quand ses yeux plus bleus que le ciel cherchent à fixer son regard, il baisse la tête, comme si les graviers que ses baskets sont en train d'écraser étaient la chose la plus importante à ce moment-là.

Pierre : Je... Je peux te faire écouter une chanson ? Une chanson de mon album je veux dire...

Héléna est surprise par cette demande, si elle connaît déjà « Nous on sait » qu'il a fait écouter aux six artistes de la tournée, et bien sûr « Ceux qu'on était », elle ne connaît pour l'instant aucune chanson du futur album de son petit ami, et savoir qu'elle va avoir une exclu, avant même les cinq autres, lui réchauffe un peu le coeur. Pierre voit l'étincelle dans ses yeux quand il prononce la fin de sa phrase, et pour la première fois depuis le début de cette journée il a l'impression de lui faire du bien, d'être à sa place à ses côtés.

Pierre : Tiens.

Dit-il en lui glissant un de ses écouteurs dans l'oreille gauche, avant même d'avoir obtenu une réponse de sa part. Elle ne dit rien, arrange l'écouteur dans son oreille, puis le regarde à nouveau, attendant qu'il lance la chanson.

« Quand j'ai tort, quand j'oublie encore
Que j'avais promis des efforts
Tu le sais, mais tu ne dis rien. »

La jeune femme tourne doucement son visage vers Pierre, cherchant dans son regard une réponse, puis elle se concentre à nouveau sur ce qu'elle écoute.

« Et toi t'es là, même quand j'ai peur
Ta main dans la mienne et je repars
Dans ton regard, j'me sens plus fort
J'voudrais pas d'un monde où tu n'serais pas »

À cet instant, où la chanson, bientôt sur sa fin, s'adoucît, laissant simplement la voix de Pierre remplie d'émotions, ses mots et du piano, Héléna sent des larmes perler au coin de ses yeux et un sourire ému s'étirer sur son visage. Elle tourne la tête vers le jeune chanteur qui lui rend un sourire timide. Quand la chanson prend fin, elle retire l'écouteur, le rend à Pierre, puis avant même qu'il n'ai le temps d'ouvrir la bouche pour lui demander son avis, elle le devance.

Héléna : C'est pour ta mère ?

Il hoche simplement la tête. Il ne pensait pas que ce serait sa première réaction mais il est content de voir que le message est clair, que ce sont les bons mots, lui qui a si peu l'habitude de se confier sur ses sentiments justement.

Héléna : C'est beau, vraiment. Et je dis pas ça parce que je suis amoureuse de toi ou ta voix m'envoûte, et que tu pourrais me chanter la recette des lasagnes que ça m'enchanterai. Je le dis parce que je trouve que c'est beau ce que t'as écrit, ça te ressemble. Elle va être tellement fière de toi.
Pierre : J'espère.

Dit-il en baissant à nouveau le regard sur ses pieds, toujours peu confiant en lui et ses textes, qui sont pourtant si importants pour lui.

Héléna : Tu as de la chance de l'avoir dans ta vie, autant que j'ai de la chance d'avoir Brigitte dans la mienne, et même si je sais que tu le montres moins je sais à quel point elle est précieuse pour toi, à quel point son soutien est indispensable.

Lui répond-elle en esquissant un sourire plus doux, plus sincère, avant de reprendre sur un ton presque humoristique.

Héléna : Elle a de la chance de t'avoir aussi tu sais. Toutes les mères rêveraient que leurs enfants en plus d'être beau et de bien chanter leur dédie une chanson comme ça !

Elle ponctue sa phrase d'un clin d'œil, mais derrière cette tournure légère Pierre sent bien qu'elle cherche à exprimer quelque chose de plus profond.

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Ça y est, Pierre, Hélé et Rosalie sont de retour !

Je suis désolée pour cette absence, je pensais profiter de ma semaine de vacances pour m'avancer et finalement je n'ai pas eu le temps... Bref, le travail et les cours ont repris, les chapitres aussi, et j'espère qu'ils continueront à vous plaire malgré mon irrégularité ;)

Je vous souhaite donc un bon week-end prolongé, une belle nuit pour ceux qui me lisent maintenant et merveilleuse journée aux autres <3

PS : Merci pour tous vos petits mots pour mon anniversaire, vous êtes adorables et ça m'a fait très plaisir ♥︎

J'aimerai garder le meilleur de ceux qu'on était ☁️Où les histoires vivent. Découvrez maintenant