Partie 1 - Chapitre 7 (1/2)

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Forêt des Marches

Nord de Vallis

— Je n'en peux plus !

Silvi relève rageusement sa capuche. Hier, s'il neigeait encore, la pluie tombe maintenant grise et froide. La boue ne facilite pas les déplacements au milieu de la forêt. Seules les fines gouttes d'eau martèlent en cadence le sol et glissent le long des écorces des arbres noueux. Le crachin redouble un petit peu d'intensité. Le soleil ne s'est toujours pas levé. Le ciel reste sombre, sans vie, sans étoiles. Il n'y a même pas de vent pour secouer les arbres hérissés comme des flammes tortueuses. Nolan traîne les pieds. Silvi le rattrape en quelques enjambées, tire sur sa manche, et l'oblige ainsi à s'arrêter. Il ne demande pas mieux.

Tout comme Silvi, il reprend son souffle. Les joues rosies de son amie font ressortir ses yeux noirs et scintillants qui ne reflètent que trop bien son agacement. La boue colle aux vêtements. Bien qu'ils ne soient pas très chargés, leurs manteaux humides sont des fardeaux. Du coup, le moindre de leur mouvement exige un effort supplémentaire.

La marche forcée n'est visiblement pas un souci pour Lothar. Ce dernier avance tranquillement et, malgré son grand âge, ses pas restent élastiques. Il se déplace comme un félin, attentif au plus petit mouvement, et calcule ses gestes à l'économie.

— Lothar !

Le vieil homme ne s'arrête pas.

— Lothar, on a besoin de se reposer !

Les jambes des deux jeunes gens sont douloureuses. Cela fait deux jours déjà qu'ils progressent avec difficulté à travers une forêt qui ressemble de plus en plus à un marécage froid et gluant.

— Il n'en est pas question... Lothar ne s'est même pas retourné et avance inlassablement. Nous devons à tout prix atteindre le prochain refuge avant la nuit. Vous vous reposerez ce soir.

— Avant la nuit ! bougonne Silvi. Il doit être assez tôt dans l'après-midi, et il n'y a toujours pas de soleil ! Et puis, où allons-nous ? Nous ne savons pas ce que nous devons faire !

— Si tu te tais et que tu marches rapidement, tu le sauras dès ce soir... Je te le promets.

Silvi ouvre la bouche pour envoyer une réplique cinglante, mais Nolan l'en empêche :

— Ne cherche pas à discuter... Ça ne sert à rien. C'est vrai, il faudra bien qu'il nous en dise un peu plus. On ne s'est même pas arrêté pour manger ! Mais comme il ne nous attend pas et que je ne vois pas très bien ce qu'on pourrait faire sans lui...

Nolan accroche le bras de Silvi au sien. Cette dernière lui lance un regard fatigué, presque implorant. Nolan lui sourit et la tire légèrement en avant pour qu'elle se décide à reprendre la marche.

— On va bientôt pouvoir se coucher...

— Oui, bien sûr... Bientôt... Mais pour aujourd'hui seulement, et sûrement pas dans un vrai lit...

Devant, Lothar a presque disparu dans l'ombre.

***

— Nous allons pouvoir enfin nous arrêter. Nous sommes arrivés.

Silvi et Nolan lâchent un soupir de soulagement et regardent autour d'eux.

— Où sommes-nous ?

Tout autour du petit groupe, il y a toujours autant d'arbres empêtrés dans la boue.

— Au carrefour d'une très ancienne voie marchande. Il ne nous reste que quelques mètres à franchir, et vous pourrez apercevoir une vieille tour de garde.

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