Artistes et Phalanges

Partie 3 - Chapitre 9

Citadelle d'Avril

Catacombes

Le petit groupe avance en silence dans la galerie voûtée. Les bruits de la bataille qui continue en surface sont complètement étouffés et ne parviennent pas jusqu'aux oreilles des apprentis. Sous terre, seuls les claquements de pas sur les dalles résonnent contre les murs. Le monstre n'a pas cherché à les suivre. De toute façon, il aurait été bien incapable de se glisser dans le tunnel, bien trop étroit pour sa carrure.

Les apprentis se pressent et avancent sans se retourner. Nolan est en tête du groupe. Afin d'éclairer le chemin, il a tressé une petite boule fluorescente qui flotte à quelques pas devant lui. Une telle opération est désormais naturelle pour le jeune homme, un claquement de doigts suffit. Cependant, l'apparition du feu follet en a effrayé plus d'un : en effet, personne ne se doutait que les Porteurs étaient capables d'agir directement sur la matière. Qu'importe. Silvi et Mara lui ont emboîté le pas sans se poser de question. Le chemin tout tracé s'enfonce profondément et sans détour dans les entrailles de la citadelle.

Josic, quant à lui, s'arrête de temps en temps pour jeter un coup d'œil en arrière et veiller à la bonne progression du reste de la troupe. Alice n'est pas loin sur ses talons. Elle s'appuie sur le mur glacé du souterrain en faisant attention de ne pas perdre pied sur les pavés luisants. Elle a reformé à la hâte sa natte sur son épaule et tire machinalement dessus pour se concentrer. Une fille courageuse. Elle fait parfois une pause pour s'assurer que son amie Éliane s'en sort bien avec Gurvan, qui a décidé de lui prêter son épaule pour soutien.

Loin derrière, à la limite de l'aura lumineuse propagée par la boule colorée, Alfan baisse la tête et traîne les pieds. Josic n'arrive pas à voir les traits de son visage mais le jeune homme tremble comme une feuille. La disparition de son ami Lonun, tué sous ses yeux par un de ces monstres, a dû lui faire un choc, c'est certain. Pour rien au monde, Josic n'aurait voulu être à sa place. Voir l'un de ses camarades être mis en charpie doit être atroce. Et il ne faut pas oublier Ténuise qui ne méritait pas une mort si atroce. Qu'Alfan se retrouve dans cet état ne l'étonne pas. Josic en est d'ailleurs certain : si la situation n'était pas à l'urgence et ne monopolisait pas toute son attention, il n'en mènerait pas large lui non plus.

— Est-ce que quelqu'un sait où mène ce couloir ?

Nolan a rompu le silence sans s'arrêter.

— Pas vraiment, lui répond Gurvan après une brève seconde d'hésitation en regardant autour de lui. Le sous-sol de la citadelle est un vrai gruyère, il n'obéit à aucune logique, comme le reste de la cité.

— Ca fait pourtant plusieurs minutes qu'on marche en ligne droite, et je ne vois toujours pas d'intersection. Pas un virage, pas un croisement, absolument rien... C'est comme si le souterrain s'enfonçait sans fin sous la terre.

— À peu de choses, oui... Josic remonte au niveau des apprentis en tête. Mais la largeur du tunnel ne lui permet pas de se tenir de front aux côtés de Silvi et de Mara.

— On peut aller très loin sous la surface, continue-il. Les fondations de la citadelle sont criblées de salles immenses et d'autres bizarreries... Et puis, comme la cité est bâtie à proximité d'une source d'eau chaude, il est probable que le sol soit inondé par endroit...

— J'ai l'impression que le plafond s'éloigne...

Silvi ne fait pas si bien dire. Tout à coup, les murs voûtés disparaissent et le petit groupe se retrouve au centre d'une grande avancée rocheuse qui semble suspendue dans le vide. Il s'agit en fait d'une plateforme de marbre blanc accrochée aux parois d'un immense puits circulaire.