Partie 3 - Chapitre 1

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Citadelle d'Avril

Secteur Est, Cité dortoir

Les cloches annonciatrices du couvre-feu retentirent deux heures après la fin du dîner, alors que les apprentis étaient déjà retournés dans leurs cellules. À ce signal, les caniches et les gardes de la citadelle avaient commencé leurs rondes de nuit.

Josic, Keiran et Gurvan s'étaient quant à eux donné rendez-vous une heure plus tard, au rez-de-chaussée de l'énorme cage d'escalier du bâtiment-dortoir. Cet endroit est immense et sombre, idéal comme lieu de ralliement : les premiers arrivés pourraient se cacher dans l'ombre des lourdes marches de pierres, et y attendre les retardataires sans se faire repérer. Par chance, Keiran et Gurvan dorment au premier niveau, à quelques pas seulement de l'escalier. Atteindre le point de rassemblement ne serait pas trop difficile pour eux, ce qui n'est pas le cas de Josic qui loge au troisième. Pas mal de discrétion et une petite part de chance lui seront nécessaires.

Faire le mur ne lui pose pas de problèmes en soi, ce n'est d'ailleurs pas très compliqué. En effet, ce n'est pas la première fois qu'il s'essaie à ce genre d'exercice et pour l'instant, il ne s'est fait prendre qu'une seule fois. Les règles sont très strictes pour les apprentis : quitter les étages du dortoir pendant le couvre-feu les expose à des sanctions peu enviables. Ils peuvent bien entendu sortir de leur chambre pour assouvir quelques-uns de leurs besoins – toilettes et douches se trouvent à l'opposé des escaliers – mais ils ne doivent pas s'attarder en chemin et n'ont pas le droit de s'éloigner de leur palier.

Heureusement, les caniches sont peu nombreux. Un seul duo de gardes est affecté à chaque niveau du grand bâtiment-dortoir, et ces derniers se contentent de tourner en rond dans le couloir en formant une large boucle. Il suffit d'attendre un peu, de choisir le moment opportun et de prendre l'escalier sans se faire remarquer. Josic le sait, lorsque les caniches entrent dans le premier virage, il lui reste un peu moins de deux minutes pour se rendre en haut des marches. C'est bien plus que nécessaire. La seule interrogation concerne l'escalier lui-même car il est impossible de connaître à l'avance les personnes qui s'y trouvent. C'est à cet endroit même qu'il s'est fait attraper il y a quelques mois. Il avait essayé de rejoindre le bâtiment des femmes de l'autre côté de la cour où une des filles de la section l'y attendait – ce qui, soit dit en passant, est l'unique bonne raison qui peut pousser un apprenti à quitter le dortoir en pleine nuit. Un caniche était alors monté les marches et ne lui avait pas laissé le temps de s'expliquer : Josic avait été pris sur le fait. Il s'en souvient encore, car au bout de deux jours de trou, il s'était juré de ne plus recommencer... Jusqu'à son prochain rendez-vous galant.

***

Josic attend patiemment derrière la porte de sa cellule que les pas des gardes s'estompent dans la galerie. Il les entend tourner au coin et disparaître progressivement. Le moment est arrivé : il pousse doucement le verrou, tire à lui le battant noir et se glisse à l'extérieur. Le couloir est sombre mais pas plus qu'en temps normal. Des lampes régulièrement espacées sont allumées contre le mur de tuffeau et balisent toute l'allée. Josic se retourne le cœur battant et referme rapidement la porte derrière lui. Si jamais un garde apparaît au bout de la galerie, il pourra toujours prétendre se rendre aux toilettes. Aussi vite que possible, il gagne l'entrée de l'escalier, y passe la tête pour écouter d'éventuels échos de pas, croisant les doigts pour ne rencontrer personne, et dévale quatre à quatre les marches. Arrivé au rez-de-chaussée, il se jette dans l'ombre de l'escalier et se laisse tomber au sol. Il pose une main sur son cœur qui s'est un peu emballé sous le coup de l'adrénaline, et reprend calmement sa respiration. Un mouvement dans un coin attire son attention. Deux ombres s' approchent de lui.

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