Artistes et Phalanges

Partie 4 - Chapitre 10

Chaîne de Coton

Plaine de la citadelle

La première vague de Kaurocs s'abat avec violence sur le flanc droit de la phalange, sans aucune hésitation. Les monstres titanesques s'enfoncent profondément dans la ligne de défense, mais les Artistes tiennent bon. Des silhouettes plus petites se faufilent entre les démons, et l'information remonte jusqu'au centre de commande. Ce sont des hommes et des femmes, frappés par le mal des Ombres, qui se jettent sans discernement sur les barricades montées par les novices appelés en renfort. Les cris et les chocs sourds parcourent les lignes alliées où se trouvent les Porteurs assistés de Verdande. Le petit groupe est légèrement en retrait, à l'abri derrière l'élite de la phalange menée par le commandant Kamir en personne.

La tactique se veut simple. La vague principale des Ombres se déploie pour tenter de submerger toute l'armée en une seule fois. Leurs forces sont éparpillées sur une ligne de front distendue. L'objectif de Kamir est d'enfoncer le centre de l'attaque pour briser la vague et créer un corridor qui permettra aux Porteurs de se précipiter en direction de la citadelle. Ils devront agir avec détermination, car les Artistes seront en sous-effectifs au milieu de la bataille. Kamir s'est opposé à toutes objections, il a une confiance totale en ses hommes. C'est peut-être l'option la plus dangereuse, mais la plus efficace. Le temps presse, la déchirure dans la trame est désormais visible par tous, comme un éclair noir qui grésille et s'élève au-dessus de la cité.

Nolan et Lothar courent derrière la première charge de la phalange. Le jeune homme a pris Mara par la main et l'entraîne à sa suite. Son amie est horrifiée, elle cède à la panique et peine à le suivre. Mais elle doit surmonter sa peur, il le faut. L'apprenti craint l'impact avec la horde déchaînée de Kaurocs qui s'approche à toute vitesse. Il ne se berce d'aucune illusion. Mara est peut-être le Kambar tant redouté, Monegarn choisie par les joyaux, mais dans son état actuel, elle n'est d'aucune utilité. Les Artistes d'ailleurs, les novices surtout, n'ont pas caché leurs anxiétés devant l'attitude incompréhensible de l'apprentie. Certains se sont clairement élevés contre la présence de Mara dans la troupe, d'inquiétude ou de peur certainement, parfois sans même cacher leur rancœur concernant l'origine de la jeune fille. Le Kambar est une Monegarn, cela va leur porter malheur.

L'affrontement est violent, la première rangée de guerriers est balayée par des pattes monstrueuses. Ce n'est que grâce au courage de la deuxième ligne que la charge ne se voit pas complètement dévastée. L'assaut ralentit, mais le bataillon progresse toujours. Malgré le nombre important de leurs camarades qui s'effondrent, les Artistes déploient tout leur génie pour répondre aux coups de crocs. Ils bondissent sur le dos des démons, pourfendent les fantômes qui se jettent sur eux, et tranchent avec ardeur dans les forces ennemies. Quelques soldats en retrait tissent des canevas complexes du bout des doigts et projettent des ondes de choc éblouissantes, capables de renverser un monstre. Mais les Kaurocs sont d'une force démesurée et plusieurs guerriers sont fauchés d'un simple geste. La horde résiste et redouble de rage. Le commandant Kamir se retourne dans la direction des Porteurs qui assistent au combat.

— C'est le moment d'y aller ! rugit-il.

— Ils sont encore trop nombreux ! hurle Lothar pour couvrir la fureur de la bataille.

— Nous n'avons pas le choix ! On va tenter une dernière charge, profitez-en pour vous faufiler ! La phalange tentera tout pour contenir les démons.

D'un regard circulaire, il cherche ses officiers qui n'attendent que son ordre pour agir. Il lève la main puis la baisse en direction de la masse noire des monstres qui leur font face. Toute la phalange répond à son appel, elle reprend pied et intensifie ses attaques. Nolan retient son souffle, une brèche vient de s'ouvrir dans la ligne ennemie. N'écoutant que son courage, il serre la main de Mara et se précipite dans l'ouverture. Lothar accoure sur ses talons. Mais les démons ont compris la manœuvre et la trouée se réduit fortement. Les Artistes ont beau redoubler de bravoure, les Kaurocs font éclater une colère noire qui se soulève comme une tempête. Elle balaie les troupes d'élite qui perdent pied, Nolan croit voir le bout du tunnel, mais une masse sombre le bouscule violemment et il se retrouve à rouler dans la poussière. Il se redresse et suffoque. Ils sont cernés, ils n'ont pas réussi à passer. Lothar tente de repousser les assauts de démons et Mara s'est recroquevillée à ses côtés.