Partie 4 - Chapitre 7

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Chaîne de Coton

Cache de Premiers

Lothar tend le bol d'onguent au médecin-soldat qui l'assiste, puis il noue la dernière bande de tissu tout juste bouillie et séchée sur le bras de l'apprenti. Ce dernier est assis sur un lit de camp dressé à la hâte.

Sa plaie n'est que superficielle, comme la majorité des blessés qui occupent l'hôpital de fortune. D'ailleurs, ce sont tous des novices échappés de la citadelle lors de la prise de pouvoir de Panicaut et guidés par Verdande dans les dédales souterrains qui criblent la plaine.

Ils sont pour la plupart exténués et affamés. Certains sont fiévreux pour être restés trop longtemps dans un environnement humide ; d'autres présentent des contusions mineures. Rien de bien grave en somme. Mis à par les cinq soldats tués par les Kaurocs, la phalange ne comporte aucun blessés. L'état de Silvi le préoccupe bien plus : elle a été attaquée sauvagement. Le démon l'aurait mise en pièce sans l'intervention in extremis des Artistes de la phalange. Lothar avait étouffé un juron quand il put s'approcher d'elle pour estimer la profondeur de ses blessures.

La bête avait brisé l'apprentie, la jeune fille avait perdu connaissance sous son assaut. Elle présentait de nombreuses fractures aux jambes, et son bras gauche faisait un angle bizarre avec son coude. Mais ce qu'il craignait le plus, c'était les entailles importantes qui labouraient ses membres, son dos et le sommet de son crâne. Ses cheveux poisseux de sang croûtaient à la base de sa tempe et certaines incisions avaient même commencé à suppurer. Rien d'étonnant pour des blessures de Kaurocs, mais leur importance ne présageait rien de bon.

Lothar avait fait allonger l'apprentie à l'écart des autres blessés, pour la mettre au calme et à l'abri des regards. Ses compétences lui permirent de stabiliser Silvi, de résorber ses entailles et de corriger ses fractures. Mais à peine nettoyées, les plaies recommençaient à noircir. Elles refusaient de se refermer malgré les efforts répétés du vieil homme. Il s'en rendit compte : le mal était bien trop important.

Les rubans de l'espace et du temps qui façonnaient le corps de Silvi se flétrissaient et se rétractaient comme des fils de coton que l'on brûle. Ses efforts pour freiner la contagion n'étaient pas suffisants. Lothar n'était pas très confiant quant à la survie de la jeune fille.

C'est alors qu'il entendit des voix s'élever à l'entrée de l'hôpital de fortune.

— Mais laissez-moi marcher seule ; je suis assez grande pour cela ! coasse Verdande, apparemment remontée comme une pendule.

— Madame, vous êtes épuisée, vous perdez l'équilibre à chaque pas.

— Arrêtez de dire n'importe quoi, ce n'est que passager. Allez me chercher une nouvelle cape, je suis certaine qu'il en traîne une quelque part. Celle-ci ne vaut plus rien... Commandant, je vous demanderai de suivre l'exemple de votre soldat et d'arrêter de me regarder avec vos gros yeux : cela ne marche pas sur moi !

— En tout cas, marmonne Kamir à quelques pas de là, le rite de passage ne vous a pas rendu plus aimable... Reconnaissez au moins une chose : vous êtes exténuée... Prenez mon bras, et cessez de discuter. Je vous amène à Lothar...

Le rideau de tissu qui sépare le lit de Silvi du reste des blessés se soulève. Verdande entre, accrochée au coude de Kamir, suivie de quelques apprentis, dont Nolan et Mara. La vieille femme s'affaisse sur un banc et souffle bruyamment.

D'un geste, Lothar demande à la troupe qui l'accompagne de retourner dans la salle commune. Il rattrape cependant Nolan et Mara et leur fait signe de rester. Les deux jeunes gens se font discrets dans un coin, mais ne peuvent s'empêcher de jeter des regards inquiets en direction du lit. Mis à part les bandeaux qui enserrent sa tête, Silvi a l'air de dormir paisiblement. C'est probablement le résultat des drogues utilisées par l'Artiste pour la soigner. Un drap fin lui couvre le bas du corps pour cacher les attelles qui soutiennent ses jambes, mais laisse apparaître les bandages qui lui compriment la poitrine et les épaules. S'il n'avait pas accompagné lui même la blessée dans la grotte, Nolan ne serait pas aussi inquiet. Il a vu de ses propres yeux les dégâts causés par le Kauroc.

Artistes et PhalangesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant