Partie 1 - Chapitre 10

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Citadelle d'Avril

Territoire des Marches

Les deux jeunes gens arrivent en bas de la tour après avoir descendu un long escalier en colimaçon.

—  Et bien... Ça alors ! Silvi fait une petite moue d'incompréhension en découvrant la porte abandonnée.

—  Qu'est-ce qu'il y a ? questionne Nolan en soulevant le loquet et en abaissant la poignée.

—  Pendant que tu étais inconscient, deux gardes étaient adossés en permanence à cette sortie. Ils ne m'ont jamais autorisée à la franchir... Avec leurs grands airs, qu'est-ce qu'ils pouvaient m'énerver ces deux-là ! Pourquoi ne sont-ils plus là ?

—  Je crains de ne pas pouvoir répondre à leur place, lui annonce Nolan en haussant les épaules. Ils devaient sans doute avoir leurs raisons... On le saura bientôt, je pense.

—  Bien entendu... Mais ils auraient tout de même pu nous indiquer la direction de la salle d'armes !

Les deux jeunes gens franchissent la porte triste et austère et traversent une succession de couloirs. La citadelle ressemble à un énorme labyrinthe percé de fenêtres et de portails immenses. La construction du bâtiment ne semble avoir obéi à aucune contrainte et à aucun plan  : des colonnes gigantesques défient les lois de la nature et des voûtes monstrueuses les transgressent. Cependant, les murs sont invariablement blancs et les dalles du sol grises et lisses. Les plafonds changent de couloir en coursive. Chaque salle possède un thème particulier  : on peut voir courir des lièvres entre des poutres ou des petits faons gambader aux coins des parois. La précision des peintres est remarquable, aucun oiseau ne se ressemble.

Sur leur route, les habitants de la citadelle s'arrêtent et les dévisagent. Ce n'est peut-être que son imagination, mais Nolan à l'impression que sa joue et son front sont les centres d'intérêt de la majorité des individus  : les regards s'y attardent. Les citadins restent cependant très courtois et c'est avec des sourires polis qu'ils les aident à trouver le chemin de la salle d'armes, n'hésitant pas à poser leurs affaires et à les accompagner pendant quelques instants.

La citadelle évoque une énorme ruche en pleine activité, ses habitants sont vifs, souvent pressés, et avares de paroles. Nolan en remarque deux types. Les premiers, qui sont majoritaires, portent un large pantalon noir et une ceinture de tissu qui ressemble aux leurs. Une chose pour le moins exceptionnelle attire également l'attention de Nolan  : ces personnes, jeunes pour la plupart, tiennent toutes un fourreau à l'épaule, depuis lequel sort la garde colorée d'une épée.

Le deuxième type de personnage, qui doit sans aucun doute être représenté par les employés et les soldats de la cité, est reconnaissable à leur tenue jaune et impeccable.

Silvi lui fait également remarquer qu'ils ne croisent aucun enfant dans le château. Les plus jeunes doivent avoir sensiblement leur âge.

Guidés par le petit groupe qui les accompagne dans un silence gêné, Silvi et Nolan pénètrent dans un grand hall au plafond très haut et au sol brillant comme un miroir. Des colonnes au style épuré soutiennent de gigantesques poutres et les maintiennent en suspens dans les airs. Si c'est une salle d'armes, elle est bien singulière. Les citadins qui les suivaient s'arrêtent net à l'entrée, les saluent avec respect, et s'en vont comme si de rien n'était.

Une douzaine de personnes discute au fond de la galerie. Ce petit groupe au centre de l'espace fait paraître le lieu plus disproportionné encore. Les deux jeunes gens reconnaissent sans peine Lothar parmi eux ; sa grande stature et ses favoris argentés permettent de l'identifier sans problème. À part ça, il ne se distingue en rien de ses compagnons. La ceinture de toile rouge qu'il a nouée autour de sa taille est fendue de blanc, tout comme celles de ceux qui l'entourent. Comme eux, il porte aussi un large pantalon noir et un long manteau blanc qui lui descend en dessous des genoux.

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