EPILOGUE

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Chaîne de Coton

Nolan s'arrête pour reprendre son souffle. Il se retourne et regarde en contrebas. Le chemin qu'il a parcouru depuis le matin marque des courbes étroites jusque dans la plaine désertique. Le cratère n'a pratiquement pas bougé depuis son arrivée dans cette région du monde, il y a plusieurs mois déjà. Les rochers se dressent toujours aussi escarpés, la pente s'élance abruptement et les buissons rachitiques continuent d'être malmenés par les bourrasques d'altitude. Aujourd'hui, il est difficile d'imaginer cette cuvette comme étant le théâtre d'une bataille au cours de laquelle se sont affrontées une phalange d'Artistes et une horde de bêtes démoniaques.

Le ciel s'est éclairci. Il ne présente plus ce lavis crépusculaire qui l'entachait depuis des semaines. Désormais bleu cendré et ratissé de nuages épars, il souligne le soleil au zénith qui fait preuve d'une insolente vitalité. Au centre de cratère, l'œuf brillant qui protégeait la citadelle d'Avril a disparu. La cité se dresse maintenant avec fierté dans la brume. Elle présente encore les stigmates de la catastrophe passée. Des tours manquent à l'appel, les ponts suspendus restent de guingois tandis que les piliers gigantesques qui soutiennent sa structure se battent contre les trombes d'eau qui se déversent dans le cratère.

La citadelle restructure ses quartiers par petites touches. Comme le bouclier n'est pas encore reconstruit – les Artistes ont d'autres priorités pour l'instant –, la cité a consolidé ses murailles et revu progressivement son périmètre pour adapter sa forme générale à son nouvel environnement. Si la situation actuelle s'établit et que la protection magique n'est pas reconstituée, la cité deviendra méconnaissable. Elle ressemblera probablement à un gigantesque navire aux multiples proues taillées dans le roc pour affronter les assauts des rivières fumantes.

La ville sur ses hauteurs est en cours de reconstruction. Son centre de gravité a été légèrement déplacé tandis que la citadelle projetait des digues de pierre pour la mettre à l'abri des torrents. Il y a quelques jours encore, il n'en restait pratiquement plus rien, une partie de ses fondations avaient été balayées. Mais aujourd'hui on peut deviner sans peine la nouvelle place du village ainsi que les artères principales qui rejoignent la nouvelle grande porte de la citadelle d'Avril.

Mara dépasse Nolan en continuant sa marche vers le sommet du cratère. Elle lui rend son sourire, à peine voilé par sa lourde chevelure rouge tiraillée par le vent. Cela fait quatre mois que la jeune fille l'a ramené à la vie.

« Ramener à la vie » qualifie bien son expérience, Nolan s'est senti renaître. Personne n'explique vraiment ce qui s'est passé. Mais les spectateurs de la scène sont suffisamment nombreux pour témoigner de l'énorme puissance du Kambar tapie dans la conscience de son amie.

Alors qu'il la regarde grimper le sentier avec souplesse, Nolan ne peut que s'imaginer le tableau. Il se voit, lui, disparaître dans un éclair aveuglant. Une explosion titanesque emportait cette porte vers un autre monde où attendait patiemment la conscience bannie de Deerro. Après quelques secondes, Mara se serait mise à crier et à frapper le sol de ses poings nus, au point que les dalles de granits qui le composaient se seraient brisées comme des assiettes la porcelaine. Puis elle se serait redressée de toute sa taille. Son Ragna tatoué entre ses omoplates serait devenu lumineux au point de faire baigner toute la salle dans un éclairage rouge sang. Des flammèches d'un vert sombre se seraient élevées à ses pieds. Elles auraient enveloppé tout son corps, puis tout aurait disparu : Mara, les éclairs et les flammes. L'apprentie serait réapparu quelques secondes plus tard, à proximité du piédestal de la Pierre, avec Nolan évanoui dans les bras. Personne n'y avait rien compris. Lothar et Verdande n'osent toujours pas exprimer une opinion à ce sujet.

Nolan reprend sa marche en pensant aux vieux Artistes qui les ont soutenus ces derniers temps. Verdande a pris la direction de la citadelle et personne n'a contesté son autorité. Elle a réuni les Artistes-gouverneurs survivants, guère nombreux. Quatre d'entre eux portaient la responsabilité de ces terribles évènements. Panicaut leur chef, probablement influencé par la Pierre, avait réussi à retourner Foride, Finépine et Giffre. Si Panicaut et Foride étaient morts pour ouvrir la porte, les deux autres avaient disparus.

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