Partie 2 - Chapitre 2 (1/2)

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Nolan reprend sa marche et Silvi le suit sans dire un mot. À chaque pas, le lierre malade est plus fourni. Lorsqu'ils atteignent un croisement, il leur suffit d'emprunter la direction dans laquelle les rubans froissés sont les plus nombreux.

Après plusieurs virages et quelques escaliers, ils n'ont bientôt plus besoin de fermer les yeux pour les voir. Il y en a tellement que les murs se brouillent. Ils semblent mousseux et translucides, comme si une fumée épaisse et grasse les léchait sur toute leur hauteur.

— Ce n'est pas naturel... Pas naturel du tout... lance Silvi mal à l'aise, brisant ainsi un silence un peu trop pesant.

Mais son ami ne l'écoute pas, trop absorbé par sa découverte. Les deux apprentis ne croisent personne, cette partie de la citadelle ne doit pas être souvent visitée. Ce qui n'a rien d'exceptionnel, vu la taille démesurée de la cité.

— Ne cherche pas à toucher l'un de ces fils, chuchote Nolan au bout d'un certain temps.

Silvi ouvre la bouche pour lui répondre, mais leur quête semble toucher à sa fin. Les racines convergent vers une porte, semblable à celles qui jalonnent le couloir. Celle-ci est juste un peu plus grande que les autres et dépourvue de serrure. Le bois fumé contraste violemment avec les murs luisants. Nolan se tourne vers son amie comme pour lui demander son approbation. Celle-ci lui répond en haussant les épaules.

Il pose alors la main à l'endroit où devrait se trouver la poignée et pousse la porte. Le battant s'ouvre sans difficulté.

La salle est lumineuse, comme nacrée. Il n'y a pas de fenêtres : la lumière provient des rubans, plus noués que jamais, qui s'agglutinent sur les murs. Pour un peu, le spectacle ressemblerait à une nuit d'été surchargée d'étoiles aveuglantes.

Pour tout meuble, la pièce possède un petit piédestal en son centre. Un cube étrange est posé dessus. Une fontaine de fils dégoulinants s'en échappe pour s'élancer dans les airs et se coller au plafond. Une légère brise venue d'on ne sait où les berce, telle une toile fantomatique.

Le cube entièrement doré pulse doucement une lueur énigmatique. Comme une houle paresseuse, elle avance et illumine la salle, pour mieux reculer et disparaître.

Nolan s'approche, intrigué par l'objet. Ce dernier brille, mais ses parois ne sont pas translucides. Les liserés chatoyants semblent se créer d'eux-mêmes et parcourent les surfaces lisses de la chose, mues par une volonté propre. Les arêtes, nettes et tranchantes, contrastent fortement avec le reste flou de l'ouvrage. Elles sont comme dessinées dans les airs.

Maintenant, il distingue de fines traces sur les faces du cube. De petits tourbillons se détachent, s'enlacent et s'étirent. Des taches sombres s'étendent puis se contractent subitement. Il fronce un sourcil, la chose lui est familière. Du moins, il en a entendu parler. Nolan retient brusquement sa respiration et étouffe un cri. Son sang ne fait qu'un tour : il ne peut s'agir que de la Pierre ! Cet artefact enchanteur est le cœur de la citadelle. Le Grand Conseil l'utilise régulièrement pour prendre ses décisions. D'ailleurs, c'est à cause de ce cube qu'il a dû se battre dans l'arène.

Le souvenir de cet instant lui est pénible. Le jeune homme ne comprend toujours pas que l'on puisse se fier aussi aveuglément à cette chose. Comment la Pierre fonctionne-t-elle ? Personne n'en sait rien. Nolan recule, méfiant. Aussi belle soit-elle, la Pierre ne lui plaît pas. Cet objet n'est pas normal, il y a quelque chose de malsain en elle. Une anomalie colle aux parois, comme une plaie invisible. Nolan ferme les yeux et se plonge dans l'univers noueux. Les rubans bleutés virevoltent et se lovent dans les coins sombres. Ils s'assombrissent, se lient à des fils distendus, puis s'effilochent dans les airs. La vision est enivrante. Ce silence, ou plutôt, cette absence de sons et de bruits, est toujours aussi grisant.

Artistes et PhalangesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant