Partie 3 - Chapitre 4

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Citadelle d'Avril

Secteur Ouest, Tour cellulaire

Silvi est devenue livide après avoir remarqué les flammes verdâtres grignotant sans bruits les toits de la cité. Elle s'est habillée avec fébrilité, au bord des larmes et incapable de se maîtriser devant la menace toute proche. Lorsqu'elle s'est finalement tournée vers Mara, contrôlant mal sa respiration et presque implorante, on aurait juré voir le visage d'une mourante. Pour la deuxième fois depuis leur tentative d'évasion, l'apprentie la découvre telle qu'elle est vraiment : apeurée, fragile, comme la flammèche d'une bougie dans le vent.

Pendant ce court instant, Nolan s'est rué dans sa cellule à l'autre bout du couloir pour récupérer son épée. À son retour, son regard est lui aussi douloureux, il tient fermement la garde de son arme dont les faibles liserés glacés s'échappent du fourreau. Bien que Nolan soit tendu, il est résolu à surmonter sa peur et à survivre à l'attaque prochaine des Ombres. Il regarde Mara avec insistance, une pointe de gratitude au fond des yeux : la jeune fille l'a cru tout de suite, sans douter une seule seconde de lui.

Mara se retrouve complètement désarmée par cette confiance, persuadée de ne pas en être digne. Et après ce que Nolan lui a fait vivre l'autre nuit, il ne mérite plus la sienne en retour. Elle détourne brusquement le regard pour tenter de masquer sa gêne, honteuse d'avoir malgré elle apprécié ce qu'elle a vu au fond des yeux du jeune homme. Pourquoi s'acharnait-il à vouloir lui être sympathique ? S'ils ne peuvent pas s'éviter, qu'ils fassent au moins semblant de s'ignorer.

Silvi les rejoint sur le pas de la porte en passant le fourreau de son épée par-dessus son épaule ; elle tremble comme une feuille. Devant le désarroi de son amie, Nolan s'approche et lui pose la main sur le bras. Elle sourit faiblement en retour :

— Ça va aller Nolan... ajoute-t-elle en réponse à la question muette du jeune homme. Je vais bien... Tu peux compter sur moi... Puis elle se tourne vers Mara, tu sais comment faire pour nous sortir de là ?

Tous les trois restent sur le pas de la porte, à se dévisager en silence. La question de Silvi est maintenue suspendue dans les airs, et les secondes qui se sont écoulées demeureront gravées à jamais dans l'esprit de l'apprentie. Elle a senti quelque chose basculer dans le groupe, un nouvel équilibre s'établir : leurs relations ne seraient plus jamais les mêmes, désormais on avait besoin d'elle.

Mara se sentit alors connectée aux deux jeunes gens, non pas comme on peut l'être avec des amis, mais physiquement reliée. Sans qu'elle puisse le comprendre, elle avait été touchée, à un niveau qu'elle n'avait jamais connu auparavant. Ils allaient s'échapper de la citadelle, et ils feraient cela tous ensemble, tous les trois. Mara faisait désormais partie du groupe, elle le lisait clairement dans les yeux de ses camarades. Pour un peu, elle en aurait presque pardonné à Nolan la souffrance qu'il lui avait fait subir, tant l'instant était fort. Enfermée dans cette tour, elle s'était renfermée sur elle-même et avait rabattu sa carapace, comme à son habitude. Bien qu'elle ne s'en serait jamais doutée, les choses apparaissaient clairement maintenant : il n'y avait plus Nolan et Silvi, mais Nolan, Silvi et Mara. Appartenir à un autre cercle que celui des Monegarns, cela ne lui était jamais arrivé.

Mara hoche la tête pour indiquer qu'elle relève le défi de les faire sortir de ce piège, et elle dévale les escaliers quatre à quatre, avec Silvi et Nolan sur les talons.

La citadelle allait être attaquée, très prochainement, Nolan sentait cette vérité lui nouer les entrailles. Et rester coincés dans cette tourelle n'était pas la meilleure des options pour y échapper.

Les jeunes gens atteignent rapidement le rez-de-chaussée et se retrouvent bloqués par la lourde porte d'entrée, comme ils pouvaient s'y attendre. Mara se retourne vers Nolan. Le jeune homme comprend tout de suite où elle veut en venir : il passe devant elle et pose les mains sur les deux verrous qui maintiennent solidement les battants en place. Il prend sa respiration, ferme les yeux, deux secondes passent et un claquement résonne dans le bois. Le mécanisme se met en branle et après une série de sons métalliques, les larges gâchettes qui mordaient les murs s'écartent et libèrent la porte.

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