Partie 2 - Chapitre 2 (1/2)

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Citadelle d'Avril

Quartiers historiques

Ça fait moins d'un mois qu'ils sont arrivés à la citadelle et les entraînements s'enchaînent. Le travail est dur et les journées sont longues.

Cet après-midi, Nolan a du mal à rester éveillé. Ses jambes le torturent  : les exercices de l'aube ont du mal à se faire oublier. Son ventre grogne encore, trop frustré d'avoir été sacrifié pour quelques minutes de sieste supplémentaires. Assis au bout du banc à côté d'un grand costaud essoufflé, il n'arrive pas à se concentrer sur la démonstration du maître d'armes. Nolan joue nonchalamment avec son épée, Risque, en prenant bien soin de ne pas toucher la lame. Des voix bourdonnent à son oreille mais elles n'arrivent pas à le tirer de sa torpeur.

C'est le coude appuyé de son voisin, tout collant de transpiration, qui le fait sursauter. Alors qu'il allait lui lancer un regard noir, il s'aperçoit que tout le monde le fixe avec un sourire à la foi crispé et amusé. Le maître d'armes affiche un rictus désagréable. Les mains sur les hanches, il semble attendre quelque chose de la part du jeune homme. Nolan s'est déjà vu dans de meilleures situations.

—  Combien de fois faudra-t-il que je le dise  ? Réveille-toi et mets-toi en garde immédiatement  ! Je ne supporte pas les assoupissements pendant mes entraînements  ! Si tu n'es pas fichu d'apprendre les rudiments de combats, je ne donne pas cher de ta peau sur un champ de bataille  ! Allez  ! En garde  !

Tibesti a presque hurlé cette dernière phrase. Nolan n'hésite pas bien longtemps et obéit sur le champ. Il en est sûr, la sanction va encore tomber. Pas immédiatement, car le maître d'armes ne parviendra probablement pas à le ridiculiser devant toute la salle, même s'il en meurt d'envie. Mais dès que l'exercice sera terminé et que Tibesti, furieux de n'avoir pas pu le pousser à la faute, le renverra à sa place, il sera de corvée pour la soirée. Avec un peu de chance, ce ne sera que la plonge ce soir.

C'est que les duels sont trop simples pour Nolan. Même si les autres ont une bonne sensation des perturbations de la Toile, il les prend continuellement de court. Il arrive toujours à modifier un nœud ou deux de la trame pour que le combat tourne en sa faveur. Il est vrai que les maîtres d'armes sont d'une rapidité et d'une prouesse technique surprenantes. Les meilleurs d'entre eux sont d'ailleurs réputés pour leur clairvoyance, qui leur permettrait de découvrir le jeu de l'ennemi. Mais, quelle que soit leur vitesse, Nolan a l'impression d'avoir systématiquement une longueur d'avance. Il manipule avec plus d'adresse les fuseaux lumineux et les tisse avec plus de dextérité. Il fait bien plus que les percevoir  : il les voit.

Les autres le savent. Ils s'en sont rendu compte très vite. Nolan et Silvi possèdent quelque chose en plus. Cette faculté provoque d'ailleurs la jalousie de certains d'entre eux.

Ce sentiment traverse peut-être la tête de Tibesti en ce moment même.

Imaginez donc de jeunes gens qui vous font l'affront d'être presque aussi bons que vous, sans pour autant être particulièrement doués. Ils ne savent pas se battre, ils s'essayent au combat depuis trop peu de temps. Même s'ils n'ont toujours pas perdu d'assauts, ils n'y connaissent rien et cela se voit. On dirait qu'ils bougent au hasard, esquivant et parant les attaques par chance. C'est injuste et frustrant pour beaucoup de personnes. En fait, très peu d'apprentis acceptent encore de s'entraîner avec eux.

—  Pas de règles, pas de limite de temps... C'est un duel, lance sèchement le maître d'armes aux cheveux ras et grisonnants.

Nolan marmonne, pestant de s'être encore une fois fait remarquer. Il se met en garde, la seule position qui ressemble à peu près à quelque chose quand il l'exécute  : l'épée bien droite levée vers le plafond. L'assaillant ne perd pas un instant. Le jeune homme s'efforce d'appliquer les quelques rudiments qu'il a assimilés depuis son arrivée. Les gestes doivent être coulants, mais nerveux. Il doit se détendre, ne pas se crisper et s'effacer au maximum devant son adversaire. Il faut toujours qu'il reste bien droit sur ses appuis et ne doit jamais perdre son équilibre. C'est un exercice difficile qui lui demande beaucoup de contrôle et d'attention. Son opposant est bon, excellent même. Heureusement que Nolan peut deviner ses déplacements sinon le maître d'armes le renverserait d'un simple revers de la main. Cet homme noueux comme un vieux chêne est incroyablement rapide.

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