Partie 1 - Chapitre 5

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Nord de Vallis

La caverne où les a conduits Lothar est vaste et étrangement éclairée. De l'eau semble ruisseler sur les murs, leur donnant un aspect glacé et brillant, même si les parois restent sèches et n'offrent aucune prise. Les timides flammes du feu, qui vient de naître au centre de la grotte, caressent le bois sec et leurs reflets oscillent de l'or au rubis sur les pierres.

Lothar, assis en tailleur près du foyer, joue distraitement avec une petite baguette de bois. À travers l'ouverture de la caverne, Nolan aperçoit le ciel changeant qui, tel un feu d'artifice macabre, s'éteint petit à petit. S'il fait encore nuit, nul ne le sait. En tout cas, le soleil ne s'est pas levé et les démons sévissent toujours au-dehors. Assise à même le sol, Silvi s'est enveloppée chaudement dans son grand manteau vert. Les yeux fermés, elle tente vainement de comprendre ce qu'il s'est passé, mais le moindre souvenir fait resurgir des crocs luisants sous des yeux injectés de sang. Nolan est adossé à la paroi rocheuse et son capuchon gris lui cache entièrement le visage. Seul le crépitement des flammes se fait entendre.

Ils n'avaient aucune chance. Les citadins n'avaient aucun espoir. Résister était inutile. Les sentinelles étaient impuissantes.

Au milieu d'une immense forêt, la ville de Montwreck jouit d'un statut bien particulier. Dans son enceinte, toutes les armes sont interdites. Seul est autorisé le port d'une courte dague d'apparat totalement inoffensive. Même les hommes de la police chargée du maintien de l'ordre, les vigiles, ne possèdent pas d'armes plus efficaces. Leurs matraques et la bonne entente qui existe entre les habitants sont leurs seules alliées.

—  Qu'est ce que c'était, Lothar ? demande doucement Nolan. Le vieillard ne répond pas et laisse la question résonner entre les parois luisantes de la caverne. Il arrête cependant de jouer avec la petite branche et fait sauter le couvercle en métal d'une boîte à tabac qu'il a sortie d'on ne sait où.

—  S'il te plaît... Qu'est-ce que c'était ? répète Nolan pressentant une réponse imminente. Lothar soupire alors. Son corps s'affaisse et ses épaules se voûtent,. Ses rides se creusent davantage et ses favoris argentés perdent de leurs éclats. 

—  Des kaurocs... Ce sont des kaurocs, répond Lothar avec retenue.

Nolan ne dit rien, mais dévisage avec gravité le vieil homme. Cette réponse ne lui plaît pas, et l'agace même.

—  Ne fais pas cette tête, ajoute Lothar fermement.   Oui, les kaurocs existent. Tu les as vus de tes propres yeux.

—  Explique-toi Lothar... S'il te plaît... lance Silvi, tirée de son rêve par la première question de Nolan.   Comment se fait-il que l'on se trouve nez à nez avec des monstres sortis tout droit de contes pour enfants ? Qu'est-ce que ça signifie ?

Silvi est sur le point de se mettre en colère. Nolan, impassible, lève la tête. On devine à peine les traits de son visage sous sa capuche. Son regard croise celui de Silvi avant de se diriger sur Lothar. Immobile, ce dernier semble attendre une attention totale de son petit auditoire pour s'expliquer.

—  Les trois puissants, Norne, Parque et Moire, s'en allèrent de cette terre et laissèrent derrière eux trois artefacts magiques, trois œuvres splendides qui enfermaient toutes leurs connaissances...

—  Lothar ! Ce n'est pas le moment de raconter une histoire !

Silvi est à bout de nerfs, mais le vieillard d'une voix toujours aussi monotone continue comme si de rien n'était.

—  Ces trois objets ont été remis aux gardiens de la destinée, les défenseurs des souvenirs, les maîtres de la guilde du savoir... Il est dit que les bijoux referont surface quand les temps viendront... Des porteurs seront désignés...

Artistes et PhalangesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant